Verlaine

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Un regard à gauche, un autre à droite. Harry étouffait entre cette masse de personnes aux visages pâles, sans expression. Pardon. Pardon. Pardon. Il s'efforçait de les dépasser en les dérangeant au minimum. Ses yeux parcouraient le tableau des horaires, il essayait de déchiffrer ce qu'il était écrit mais sa vision se doubla. Il dut cligner une dizaine de fois pour améliorer sa vue. Il hésita à demander à un passant au hasard si quel était le quai qui accueillait le train en direction de Doncaster. Son temps étant limité, il arrêta rapidement un vieil homme aux cheveux poivre et sel.

-Monsieur, dit-il en rattrapant sa respiration, où... où dois-je descendre pour... pour Doncaster ? demanda-t-il entre deux respirations.

-Hum... laissez-moi prendre réfléchir...

Il regarda autour de lui, il fronça ses sourcils et se mit sur la pointe des pieds.

-Chérie, viens un peu.

Sa femme, assise sur un banc, vint le rejoindre. Elle avait l'air d'avoir plus de 40 and et elle était bien portante.

Harry s'impatienta, il regarda sa montre, l'aiguille des secondes semblait pressée.

-C'est urgent...

-Dis-moi un peu c'est pas où qu'on va à Doncaster ? questionna-t-il son épouse.

-Sud ou Nord ?

-Euh...

-Attends, laisse-moi sortir ma carte.

Un cri sortit de la bouche d'Harry.

Le vieil homme contrarié demanda :

-Il y a un problème ?

-Sales cons ! lâcha Harry en s'éloignant.

Il fit de grands pas pour arriver jusqu'à un quai.

-Doncaster s'il vous plait !

-Simple ? demanda une jeune dame derrière le comptoir.

-Non ! Je dois suivre quelle voie ?

-Ligne Sud ou Nord ?

-PEU IMPORTE !

-Deuxième à gauche, suivez les flèches bleues.

Il ne la remercia pas, il essaya d'identifier le chemin à suivre. Finalement, la route se traça devant lui. Ses pieds risquèrent de s'emmêler quatre fois, il trébucha trois fois et eût droit à une remarque deux fois. Sa main s'aggripa au mur et il fît glisser ses doigts en descendant les marches.
Il regardait les personnes autour de lui en cherchant le son visage.
Il arriva sur le quai et se mit à crier son prénom.

-LOUIS ! LOUIS !

Il allait et revenait sur ses pas, tout en analysant les âmes qui l'entouraient.

-LOUIS ! LOUIS ! LOUIS !

Des yeux se retournèrent vers lui, tous dérangés, choqués.

Soudainement, la réalité le gifla.

Lui sans Louis.
Lui seul dans ce monde.
Lui mort.

Il se mit à courir et il cria plus fort, espérant une réponse de toute son âme.

-LOUIS PUTAIN !

Soudain il le vit. Seul, sur un banc qu'il occupait avec une valise. Ses yeux brillants étaient posés sur Harry. Il se leva doucement, tenant toujours son bagage d'une main. Ses lèvres remuèrent mais ce qui en sortit était inaudible.

-Louis... murmura Harry.

Il avança à pas lents, le fixant jusqu'à absorber son âme.

Un homme le rattrapa et lui secoua le bras.

-Eh mon gars tu fais quoi là ?! Si tu veux te suicider va ailleurs !

Il reprit ses esprits. Il prit peur, il crut que son imagination lui jouait des tours mais Louis était bel et bien là. C'était juste qu'il se trouvait en face et qu'une paire de rails les séparaient.

-LOUIS !

Le train, au loin, se faisait déjà entendre.

-ÉCOUTE-MOI S'IL TE PLAÎT !

Il passa ses mains sur ses yeux.

Une voix extérieure annonçait que le train sera là dans une minute ou deux.

-Louis, pourquoi tu veux me faire ça ?

La masse de personnes sur le quai où se trouvait Louis se rapprochait des bords, attendant l'arrêt du train.

-Tu m'as changé, Louis, continuait Harry. Si tu allais me quitter comme les autres, pourquoi tu ne m'as pas laissé me jeter ?

Le bruit du train se faisait de plus en plus entendre.

-Ne me laisse pas, s'il te plaît. Louis, reste avec moi. Sauve-moi de moi-même. Ou bien emmène-moi avec toi, si tu tiens vraiment à partir mais ne m'abandonne pas, s'il te plaît. J'ai... J'ai besoin de toi. Tu m'as fait plongé dans un rêve, tu ne peux pas m'obliger à me réveiller !"

Le train entra dans le tunnel. Harry avala sa salive avant de prononcer ces trois mots :

-Je t'...

Sa confession se perdit dans le brouhaha du train, qui s'arrêta entre lui, et Louis. Harry se mit à prier.
Je veux que Louis soit là, je veux qu'il m'attende de l'autre côté, Louis Louis Louis.
Son corps commença a trembler, une larme s'échappa et il l'essuya du dos de sa main. Les portes se refermèrent, il redémarra. Harry ferma les yeux. Il attendit jusqu'à ce qu'il n'entendit plus la machine et écarta lentement ses paupières.

La place qu'occupait Louis était vide. Il continuait à fixer le banc inoccupé pendant un moment. Il recula et s'assit parterre, contre un panneau de publicité. Il rassembla ses genoux près de son torse et referma les yeux.

"Et tu dors maintenant après m'avoir béni,
Mais je sens bien qu'en moi quelque chose est fini." [Verlaine]

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Ces deux dernières phrases proviennent d'un poème de Paul Verlaine. Il l'a écrit pour sa cousine décédée. Ici, Louis n'est pas mort mais je pensais que ça correspondait tout de même bien à cette situation.

! LA FICTION N'EST PAS FINIE !

Merci




Hopeless [Larry Stylinson]Where stories live. Discover now