- Chapitre 11 -

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– Début de l'été –

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– Début de l'été –


En chemin vers le parking, on ne peut pas s'empêcher de se marrer en repensant à la gueule du réceptionniste. Nate s'est donné à fond, sur ce coup-là.

Une fois en voiture, nous nous mettons à la recherche de quoi manger pour calmer les plaintes incessantes de l'estomac de Kurt. Au moment où nous roulons sur le pont principal de la ville, je crois qu'une même idée nous traverse l'esprit, à tous les cinq. En contrebas, on distingue nettement un petit spot sympa sur la rive du Mississippi.

Après nous être arrêtés dans une supérette, on rejoint la berge. Le soleil décline à l'horizon quand on s'installe non loin d'une péniche décorée de guirlandes lumineuses. On décapsule nos bières et Kenna sirote la sienne, sa tête posée contre l'épaule de Kurt, tandis que Jaeger s'amuse à faire des ricochets au bord de l'eau. Comme à son habitude, il ne boit pas.

Je m'allume une cigarette et descends déjà une bouteille, lorsque j'entends le bruit de l'appareil photo de Nate. Surpris, je tourne la tête dans sa direction.

– J'essaie de créer un effet avec les lumières, là-bas, m'explique-t‑il en vérifiant son cliché. C'est hyper beau. 

J'inhale une longue taffe en le regardant et, quand je recrache la fumée, il dirige de nouveau l'objectif de mon côté.

Puis Kenna se lève et s'approche discrètement de Jaeger, qui continue de lancer ses galets. Comme des enfoirés, on se garde bien de le prévenir. Lorsqu'elle le pousse, il est déséquilibré et un de ses pieds atterrit dans l'eau.

– Putain, Kenna ! Tu m'emmerdes !

Il secoue sa basket trempée et s'éloigne du rivage sans cesser de geindre, mais elle ne l'écoute déjà plus.

– Cap ou pas cap...

– Oh non, la ferme ! l'interrompt Jaeger.

Mais ça n'arrête pas Kenna, qui reprend :

– Cap ou pas cap de vous jeter dans le Mississippi tout habillés ?

On la fixe avec un mélange de stupéfaction et d'incompréhension. On espère tous avoir mal entendu. Malheureusement, il faut se rendre à l'évidence : elle nous a bel et bien lancé un défi comme si on avait douze ans. 

Kurt est le premier à s'insurger :

– Mais t'es tordue ou quoi ? Il doit faire... moins trois mille, là-dedans !

– Et l'eau a l'air dégueulasse ! intervient Jaeger avec un coup d'oeil vers l'ourlet de son pantalon maculé de boue.

– Ah, OK, se moque Kenna. Vous êtes des trouillards, en fait ?

Personne ne répond, mais des regards sceptiques s'échangent dans le silence de la berge. Kenna récupère sa bouteille entamée et nous toise avec un petit rictus.

– Alors ? On se défile ?

– Tu le ferais pas, toi, déclare Jaeger.

Pour toute réponse, elle vide sa bière d'une traite avant de tracer vers la rive et d'entrer dans le fleuve. Nate est le premier à se lever pour la rejoindre, rapidement imité par Kurt. Après une hésitation, Jaeger et moi les suivons. On dévale le quai en essayant tant bien que mal de ne pas trébucher.

Malgré la chaleur relative du début de l'été, c'est loin d'être un temps propice à la baignade. Alors quand Nate trempe ses doigts dans l'eau vaseuse, je ne suis pas étonné de le voir les retirer aussitôt en grimaçant. Kenna nous attend pourtant à quelques mètres de là, immergée jusqu'à la taille.

En dépit du bon sens, on se met tous à ôter nos chaussures en grommelant. Nate nous abandonne et s'enfonce dans le Mississippi pour rejoindre Kenna. Une fois qu'il est à sa hauteur, elle se jette dans ses bras pour le faire basculer en arrière et ils plongent tout entiers dans le fleuve. Ils émergent, hilares, ce qui encourage Jaeger à s'avancer.

– HAAAAAA ! PUTAIN, MAIS C'ÉTAIT QUOI, ÇA ? s'écriet‑il.

– Ça ? demande Kurt qui vient de mettre un pied dans l'eau. Ça quoi ?

– JE SAIS PAS ! HAAAAAA ! Y A UN TRUC, PUTAIN ! ÇA REMONTE LE LONG DE MA JAMBE ! HAAA... Ah, non, c'est juste une algue.

À mesure que Jaeger marche vers Kenna et Nate, ses cris de mouette se multiplient et deviennent de plus en plus stridents. Il s'agrippe à l'épaule de Kurt quand celui-ci parvient à son niveau, pas plus rassuré. Toujours bien au sec, j'éclate de rire en me régalant du spectacle.

– HAAA ! braille encore Jaeger.

– HAAAAA ! fait écho la voix de Kurt. MAIS OUI ! Y A VRAIMENT UN TRUC !

– MAIS ME DIS PAS ÇAAA !

Je les regarde se débattre comme des gamins. Avant, j'aurais été soûlé par leur comportement ridicule, mais aujourd'hui, j'avoue, ça me fait marrer. Lorsqu'ils se calment enfin, Nate lâche :

– Vous saviez que Jeff Buckley était mort en se baignant tout habillé pas loin d'ici ?

Il n'en faut pas plus pour que Kurt et Jaeger cèdent à la panique et déguerpissent du Mississippi en hurlant.

La nuit où les étoiles se sont éteintesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant