- Chapitre 15 -

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– 8 mois plus tôt –


Le cul posé dans la caisse de Kenna, je me demande encore comment j'en suis arrivé là.

Tout s'est passé tellement vite : le ton était en train de monter et j'étais sur le point de vriller quand, tout à coup, la vieille Mme Jackson est passée près de nous avec son caniche sous le bras. Elle s'est arrêtée, prenant Kenna pour ma copine, et, avant même que je m'en rende compte, cette peste faisait déjà les pires sous-entendus sexuels. Heureusement, la petite mamie ne les comprenait pas, mais je ne faisais pas le fier pour autant. Et, quand les paroles de Kenna sont devenues explicites, mes fesses se sont retrouvées d'elles-mêmes sur la banquette arrière de la Chevrolet jaune.

– C'est pas comme ça que tu me donneras un jour envie de traîner avec toi, Kenna, bougonné-je, plus pour sauver ma fierté qu'autre chose.

Kenna nous conduit vers le quartier de l'université et, à mesure qu'on se rapproche du parc, elle roule de plus en plus lentement pour jouer les guides touristiques. Sur la grande avenue bordée de palmiers, elle me montre la maison de Jaeger : un palace avec jardin à l'anglaise, colonnades massives et balcon à chaque fenêtre.

– Selon la légende, il utilise l'entrée des domestiques pour ramener des meufs de son cours de catéchisme, s'amuse Kenna. Pas vrai, Jaeger ?

L'intéressé n'essaie pas de la détromper, mais ça m'étonnerait que ce soit vrai. Ce mec n'a rien d'un don Juan, je suis sûr qu'il n'a jamais rien fait avec qui que ce soit.

– Et ça, c'est chez moi ! m'indique-t‑elle un peu plus loin.

Si jamais tu veux me rendre visite, tu sais où j'habite. On peut à peine apercevoir sa maison derrière les arbres qui bordent la clôture, mais ce n'est pas comme si ça m'intéressait, de toute façon.

Lorsqu'on arrive enfin au parc, l'entrée est bloquée par deux bornes sorties de terre interdisant l'accès aux voitures, mais ça n'arrête pas Kenna. Elle donne un coup d'accélérateur pour monter sur le trottoir, puis contourne l'obstacle avant de s'enfoncer sur l'allée piétonne. Jaeger gueule, mais elle n'écoute rien et emprunte la promenade près de l'étang. Lorsqu'elle s'apprête à se garer, Nate lui demande de continuer :

– Pas si près de chez moi. On ne sait jamais.

Personne ne relève et, tandis que la voiture avance un peu plus loin, je me dis qu'ils vivent tous dans le quartier le plus huppé de la ville. J'ignore où habite Kurt, mais c'est sans doute dans le coin aussi. À mesure que l'eau défile sur le côté, je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'ils ont pu se dire, ces quatre gosses de riches, en découvrant la baraque ratatinée et triste de Cliff.

Kenna arrête la voiture au beau milieu du chemin bétonné. Les packs de six à la main, ils s'installent dans l'herbe et m'invitent à faire de même. Une fois assis par terre, je suis obligé de subir leur blabla. Je les écoute discuter de leurs cours, des profs qu'ils détestent, des auditions pour la pièce de théâtre de fin d'année. J'enchaîne les bières pour tenter d'oublier leur présence. J'y parviens presque quand la voix de Kurt me rappelle à la réalité :

– À ce qu'il paraît, ta mère est en prison, Finn ?

Je me redresse, piqué au vif, manquant de renverser ma bouteille.

– Kurt ! s'écrie Kenna.

– C'est juste une question !

– Ne vous énervez pas, intervient Nate.

La nuit où les étoiles se sont éteintesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant