Chapitre 1

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La pluie tombait drue dans le jardin mais ne parut déranger personne. Les Faes continuaient de tournoyer, leurs chevelures aux couleurs vibrantes et leurs tenues flamboyantes virevoltaient au son de la musique, kaléidoscope hypnotique et magnifique.

Je regardai à ma droite vers le Fae Unseelie qui jouait d'un instrument pour fêter la célébration du solstice d'hiver. Ses cheveux couleur de sang coulaient sur ses épaules et dans son dos. Ses doigts maniaient la fine baguette de bois avec une dextérité propre de la magie. La corde de la baguette – un archer, d'après ce que j'avais saisi – venait frotter contre celles de l'instrument et produisait un enchaînement ininterrompu de sons purs et vibrants qui formaient l'une des plus belles mélodies que j'avais pu entendre jusque là.

S'il y avait une chose que j'avais compris sur la Faerie depuis que j'étais leur prisonnière, c'était comment fonctionnait leur magie. Le Roi Noir me sachant à demi-Fae, il avait saisi cette occasion pour m'utiliser et me rendre utile. J'avais négocié longuement avec lui pour obtenir quelques privilèges. En échangeant de ma coopération volontaire, j'avais obtenu de lui qu'il s'assure que rien n'arrive rien à Addy.

Je n'avais pas vu la princesse depuis notre arrivée à la Faerie. Je savais qu'elle était quelque part ici. J'avais entendu des murmures dans les couloirs pendant que j'étais escortée d'un endroit à l'autre. Addy était devenu la protégée d'un Unseelie. Personne n'osait dire ouvertement du mal de lui à cause de sa réputation. C'était l'un des Unseelies les plus violents et les plus instables qui aient survécu à la Cage. Et pourtant, il s'occupait de la jeune princesse comme un maître s'occupe d'un jeune chiot.

Je ne faisais pas confiance aux Faes, qu'ils fussent Seelies ou Unseelies. Les premiers étaient des manipulateurs hors pairs, les seconds étaient de vraies brutes qui explosaient pour la moindre chose qui leur déplaisait. Se fier à l'un ou l'autre était une erreur irréparable. J'étais un hybride. J'étais des leurs sans vraiment l'être et ça se ressentait. Quand bien même étais-je leur prisonnière, je me sentais étrangement favorisée. Pas que la vie soit facile. Toutefois, j'aurais pensé être enfermée dans une cage, à peine nourrie, battue et abusée.

Au lieu de ça, j'avais l'impression d'être leur invitée. Le Roi Noir m'avait attribué une chambre près de ses propres quartiers à la Cour Noire. Elle était spartiate et peu confortable mais c'était mieux qu'une cellule humide et des chaînes.

Étrangement, il n'avait même jamais été question de chaînes. Je pouvais aller et venir comme je le voulais. La seule condition à remplir était d'obéir au Roi. S'il me convoquait, mieux valait ne pas le faire attendre. J'étais parvenue à éviter de l'énerver la majeure partie du temps mais il m'était arrivée de devenir sa victime... Et je comprenais parfaitement que l'on redoute les Unseelies bien plus que les Seelies.

Je commençais à avoir la tête qui tournait. Je reconnaissais ce qu'il se passait. Sur moi, l'excès de magie agissait comme un alcool fort. Et là, mon système commençait à atteindre sa limite. Ma résistance avait augmenté mais pas de beaucoup. Le bal du solstice arrivait seulement à son apogée et je commençais déjà à me sentir mal. Je regardai de nouveau le Fae Unseelie à côté de moi et il leva enfin les yeux vers moi. Il ne dit rien mais un sourire sardonique vint jouer sur ses lèvres avant qu'il ne ramène son attention sur son instrument.

Je n'eus pas d'autre choix que de continuer à chanter tout en baignant dans l'océan de magie qui s'était ouvert autour de moi. Je commençais à la voir danser dans l'air. C'était le signe que j'atteignais ma limite de tolérance. Si l'on ne me sortait pas d'ici, j'ignorais comment j'allais finir la nuit.

Je comprenais désormais pourquoi Quinten Madsen, l'ancien roi du Grand Royaume, le roi que j'avais assassiné un mois auparavant, avait interdit la musique et le chant. C'était de cela que les Faes tiraient leur magie, leur puissance. Mettez leur un instrument dans les mains qu'ils pouvaient construire une tour touchant les nuages. Chantez pour eux qu'ils faisaient renaître des plaines et des vallées. Cette forme d'art était la source de leur pouvoir et ils se chargeaient plus vite que jamais après des siècles enfermés dans la Cage de Fer.

L'Arme du Roi (Le Grand Royaume #2)Where stories live. Discover now