Chapitre 31

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Je regardai le Traître fouiller les environs des yeux. Il semblait... perplexe. Il était évident que quelque chose le dérangeait. Toutefois, il ne dit rien. Il attendit que je me réchauffe, que j'arrête de trembler et de claquer des dents, pour nous faire reprendre la route. Par chance, la pluie s'arrêta avec le lever du soleil. Le vent était toujours frais, glacial, à vrai dire, mais c'était plus vivable que lorsque nous étions battus par l'averse.

Je me roulai en boule dans le dos du Traître, me faisant toute petite, me servant de lui comme d'un bouclier. Il ne dit rien, me laissant faire. Nous continuâmes notre route sans parler. Je me penchai pour toucher l'herbe mais il frappa ma main pour m'en empêcher.

- À moins que tu veuilles perdre une main ou un bras, je ne ferais pas ça, si j'étais toi.

- Pourquoi ?

- Ça ressemble à de l'herbe, pas vrai ? Sauf que ça n'en est pas. Pas vraiment. Ces feuilles sont si fines et acérées qu'elles sont plus proches de lames que d'herbes. Dès que tu les touches, elles s'enroulent autour de tes doigts pour t'arracher la main, le bras, l'épaule.

- J'ai du mal à croire que de l'herbe puisse faire ça.

- Je croyais que tu ne croyais plus à l'impossible ?

- Vieux réflexes ?

Malgré tout, il dut sentir que je demeurais sceptique car il saisit une pomme qu'il avait dans ses poches et la jeta dans l'herbe. Elle éclata en plusieurs petits morceaux nets alors qu'un frémissement parcourait le champ entier. C'était comme si chaque brin d'herbe était une partie d'un tout qui réagissait à la moindre sollicitation.

Je frémis, n'aimant pas ça du tout. Si même l'herbe devenait dangereuse, ça devenait sérieusement inquiétant. Je n'avais plus qu'une envie : quitter la Faerie.

- Ne t'en fais pas, tant que tu ne la touches pas, elle ne te fera rien. Ignore-la. Nous sommes bientôt sortis.

Je hochai la tête, regardant par-dessus son épaule pour voir ce qui nous attendait. Le champ d'herbe sanguinaire s'arrêtait à quelques mètres pour déboucher sur un étang bordé de hauts roseaux, de peupliers décharnés et bercé par le croassement des grenouilles.

Le Traître nous fit descendre du cerf pour le laisser boire pendant que l'on grignotait un peu de ce que j'avais réussi à garder dans mon sac. J'avais perdu presque tout ce qu'il contenait pendant que je pendais sur le flanc de mon cheval. La disette allait être rude jusqu'à ce que je retrouve le Grand Royaume.

- Attends ici.

Le Traître se leva sans me laisser le temps de réagir. Il s'éloigna de l'étang pour rejoindre un petit bosquet. Il disparut au milieu des buissons, me laissant seule. C'était une nouvelle occasion pour moi de partir de mon côté. Cependant, je ne bougeai pas. Je demeurai blottie contre le cerf, lui volant sa chaleur au maximum.

Je regardai mes bras. Ils étaient dans un état absolument horribles. Je voyais la peau rougie, boursouflée, pleine de cloques et de trous. Le feu avait creusé dans ma chair, détruisant tout sur son passage, comme un ver dans une pomme qui aurait eu l'air aussi pourrie de l'extérieur qu'elle l'aurait été à l'intérieur. Ça n'allait jamais guérir. J'en porterai toujours les marques.

La poudre de l'Ancienne formait une barrière étrange qui s'était durcie, ressemblant à de l'ambre. La couleur était similaire, de ce brun doré qui ressemblait à celui du miel. En y touchant, c'était aussi dur que de l'ambre, lisse et froid mais toujours aussi léger qu'une plume. Je ne sentais pas les brûlures et je ne sentais pas cette substance peser sur mes membres non plus.

L'Arme du Roi (Le Grand Royaume #2)Where stories live. Discover now