L'Arme du Roi (Le Grand Royaume #2)

Chapitre 20

Courir dans les marais s'avéra compliqué. Naseok était devant nous, Miach rebondissant sur son épaule, poussant parfois un cri de douleur qui ne faisait en rien ralentir le Unseelie. Ryker était à côté de Ghur qui portait Addy comme si elle avait été incapable de marcher toute seule. Et moi, je me retrouvais derrière, plus lente que je ne l'avais jamais été et me sentant étrangement à part dans ce groupe hétéroclite.

Derrière moi, la terre continuait de se fissurer et la lave coulait, dévorant tout sur son passage. J'avais commis l'erreur de me retourner une seule fois et je n'étais pas prête de recommencer. Mieux valait que je me concentre pour ne pas tomber. Parce que si je tombais, j'avais peu de chance d'échapper à la coulée qui nous forçait à détaler.

La sueur coulait dans mon cou et collait le tissu à ma peau. Je me contentai de suivre le troupeau dans l'instinct le plus primaire. J'avais envie de croire que Naseok savait où aller pour nous sortir de cette galère.

Cette course contre la montre me fit perdre toute notion de temps et de lieu. La terre aride défila autour de moi sans que je ne la vois vraiment. Le soleil aurait pu se lever et se coucher dix fois que je ne l'aurais pas vu. Je luttais pour ne pas ralentir, pour ne pas tomber, pour ne pas céder. J'avais la sensation que mes muscles pouvaient céder d'un instant à l'autre.

Naseok prit soudain un violent virage, dérapant dans la poussière. Si Ghur parvint à le suivre, ce ne fut pas le cas de Ryker qui heurta le sol. Je l'évitai de justesse, mon pied passant à quelques millimètres de ses doigts. Je ne réfléchis pas, allant l'aider à se relever et l'entraînant avec moi derrière les quatre autres qui avaient déjà pris pas mal d'avance sur nous.

Toutefois, nous ne tardâmes pas à les rattraper lorsqu'ils se retrouvèrent bloqués par un immense gouffre d'où s'élevait une fumée grise et âcre. Les vestiges d'un pont demeuraient sur les deux bords mais il était impossible de traverser. La lave était montée si haut dans le gouffre qu'elle avait rongé la partie basse du pont, réduisant à néant nos chances de traverser.

- Naseok ! cria Ryker.

- C'était notre seule sortie des marais ! Si on sort ailleurs...

- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a, ailleurs ?

- Tu ne veux pas savoir.

- Il va bien falloir parce qu'on ne peut pas passer par là !

Naseok ne se détourna pas de la rivière de lave qui continuait de monter à chaque seconde.

- Pourtant, il va bien falloir. On ne peut pas sortir ailleurs.

- Les choses ont peut-être changé, osai-je. Après tout, si BarrenLand n'existait pas, si les marais étaient morts, peut-être que ce qui les entourait a bougé ou a changé.

Il se tourna vers moi, le visage transformé par le mépris. Et la peur. Naseok était absolument terrifié et tentait de le cacher sous de la condescendance. Mais tout le monde lut à travers avec facilité.

- Essayons de trouver un endroit plus étroit, au moins, s'impatienta Ryker. La lave nous rattrape et je n'ai pas envie de mourir ici !

- Parce que tu as envie de mourir ailleurs, peut-être ? répliqua Miach.

L'héritier Madsen l'ignora alors que Naseok reprenait la route, longeant le gouffre. Je regardai en arrière, admirant le mouvement rapide et souple de la lave roulant droit vers nous, avalant et recrachant sans cesse nos toiles de tente.

Je titubai lorsque Ryker tira sur mon bras en avançant. Je tournai la tête vers lui, surprise. Il fixait le dos de Ghur tout en me traînant derrière lui. Je gardai le silence, calant mon pas sur le sien, une étrange palpitation dans la poitrine à la vue de ses doigts enroulés autour de mon poignet.