La rose est noire - Nûsseyba

Seize.

Salam.

Yasser est enfin arrivé. Impossible de trouver le mot exact qui définirait mon état, je suis tellement heureuse de revoir son beau visage. Je le colle partout où il va tant que je ne travaille pas, quand je l'ai vu j'ai pleuré comme une merde et il s'est foutu de moi mais putain qu'est-ce ce qu'il m'a manqué ! Je le kiiiiiffe !

Bref tout ça pour vous dire que mon frère est de retour pour un bon mois. J'étais à deux doigts de quitter mon taf pour squatter à la maison avec lui, c'est pas facile je vous le promets. Je lui porte tellement d'amour que dire qu'il est ma moitié prend réellement son sens.

M'enfin, on était posé dans sa chambre à parler de toute notre enfance. Il y avait Yahya, Tahar et Tasnim avec nous on se souvenait de nos galères avec Yousouf.

Yousouf c'est mon grand frère. Il est décédé il y a quelques années maintenant après s'être donné la mort. Il était à l'armée c'était un soldat et quand il était revenu il était atteint d'un trouble post-traumatique. Au début on pensait que ça allait passer je devais avoir dix-sept ans je savais qu'il était malade mais je prenais ça à la légère et quand il s'énervait je le prenais dans mes bras, les premières fois ça suffisait pour le calmer. Ensuite, il a commencé à être instable à sentir le mal partout il dormait mal il multipliait les hallucinations les agressions à l'extérieur etc.. il n'était plus lui-même, avait du mal à communiquer il restait enfermé dans sa chambre.. puis un jour il s'est donné la mort. J'ai tellement pleuré durant cette période j'ai eu le coeur meurtri, depuis je déteste l'armée, les militaires et les mauvais traitements. Il avait eu droit à aucun suivi après son retour parce qu'il était considéré comme un véritable homme dure, un homme d'action sur le terrain donc selon eux impossible qu'un petit trouble puisse l'atteindre.

Depuis je déteste toujours l'armée et tout son monde.

Les gars ont fini par partir et je suis restée avec Yasser. Il me racontait ses histoires avec Grand-ma c'était à mourir de rire ensuite il m'a parlé de Taysir.

Yasser - je l'ai pas vu aujourd'hui.

- hum.. bah il a pris son appart et tout.

Yass - ah ouais et ça va lui et toi c'est pas trop la guerre ?

- non ça va on s'entend bien.

Yass - qui l'aurait cru.

- franchement pas moi.

Yass - je sais même pas si lui et moi c'est toujours pareil.

- comment ça ?

Yass - bah on s'entendait grave bien à l'ancienne et même si toi et lui c'était tendu on restait pote mais je sais pas depuis qu'il est parti il a donné des nouvelles à aucun de ses potes.

- ah ouais carrément.

Yass - je te promets c'est dommage on se tapait de sacré barre avec lui.

- *rires* le mec le plus glacial que je connaisse.

Yass - pourtant c'était le plus fou de mes potes.

- bah il a bien changé du moins il fera pas un pas vers toi si tu ne vas pas vers lui.

J'avoue quand il s'y met il est chiant mais on rigole bien avec lui, sinon il est froid faut vraiment être proche et surtout prendre ses aises.

Yass - humm je vois..

- mais il est sympa on rigole bien ensemble.

Yass - t'as grandi hein crari t'as mis ta haine de côté tsa tsa.

- faut bien.

On a discuté jusque tard la nuit.

-

Le week-end qui a suivi il y avait un énième repas de famille. Presque un mois sans en faire la faute aux parents et leurs vacances. M'enfin autour de la table se réunissent tous les membres de la famille guinéenne et syrienne en plus de Maïmouna. C'était tellement une ambiance cool tous le monde était d'humeur joyeuse ça fait chaud au cœur de nous voir ensemble.

J'arrêtais pas de lancer des regards à Taysir c'est étonnant comme il a changé je me rappelle des premiers repas de famille où il tenait pas en place, à tout moment il pétait un plomb parce qu'il se sentait menacer par un simple couteau. Il est beaucoup plus détendu je le vois qu'il garde quelques habitudes mais sa maîtrise a aussi très évolué.

- arrêtes de le fixer comme ça.

Putain fallait que ça soit Maï qui me choppe. Je rigole et reprends ma fourchette.

Maï - avoue tu le trouves super bg de ouf.

- non je pensais juste à un truc.

Maï - pas à moi chérie pas à moi.

J'avoue que Taysir est une créature sur le haut du podium en terme de beauté mais la n'est pas la question. Je me rends compte qu'avec l'arrivée de Ysser je l'ai un peu délaissé on se parle moins par messages et on s'appelle plus du tout. Je sais qu'il n'aime pas l'idée de passer en second plan on commençait tout juste à avoir nos petites habitudes. Lui et moi c'est un genre de Tom et Jerry et je vous laisse deviner qui est le chat. On a beau se disputer on reste toujours fourré ensemble et je me rends à peine compte du temps que je passe avec lui. Sortie du taf, rendez-vous chez la psychologue et les weekends. Toutes les fois où je suis pas avec Maï je suis avec lui, il fait partie de mon petit quotidien maintenant.

[...]

La fin de la soirée c'est terminée comme toutes les autres. Les parents et leur thé à la menthe dans le salon et nous dans le jardin.

Maï - tu trouves pas qu'il a grave changé ? Il est plus proche de Tahar et Tasnim alors qu'avant c'était impossible qu'ils discutent.

- c'est vrai que la communication était restreinte il lui fallait peut-être du temps.

Maï - c'est trop bien je trouve la famille est vraiment réunie.

Je faisais grave celle qui n'avait pas fait attention au changement mais a l'intérieur je dansais comme une ouf ! Contente de voir qu'il essaie de resserer les liens avec son frère et sa sœur. Tous ses rendez-vous, même s'ils avaient mal débutés, ont fini par porter leur fruit. Je me souviens qu'y aller c'était une façon pour lui de me montrer que j'avais tord que et que ces déplacements seront inutiles.

Il était persuadé qu'il connaissait ce qu'il le rendait nerveux, anxieux et stressé. Pour lui en parler ne servirait à rien. Pour ma part je ne sais pas ce qu'il a, la psychologue ne me donne aucune information si ce n'est pour me dire qu'il évolue et me donner quelques conseils du comportement à adopter selon les situations.

Mais regardez-le il se tape des barres avec Tasnim et ça me fait sourire.
D'ailleurs en parlant d'elle, elle a pleuré comme une fiotte quand il lui a donné son cadeau elle était vraiment trop saucée d'après ce qu'il m'a raconté. Il avait l'air content lui aussi de faire plaisir à sa sœur c'est chooou.

Quand il croise mon regard il me lance un petit sourire, je me sens toute honteuse comme si je venais de me faire attraper en train de le mater. Très clairement je le faisais mais pas comme on peut le penser. J'ai vite détourné le regard et j'ai bu de l'eau.

Maïmouna qui vient de voir toute l'action se moque en essayant d'être discrète, le vrai malaise.

M'enfin, la soirée s'est terminée vers minuit je crois. J'ai fais le service nettoyage avec Maï et Tahar puis on est parti dormir.

Quelle soirée !

-

Nûsseyba.