Chapitre 1

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Ce qu'Edith ressentit en premier, ce fut la douleur sourde dans son cou. Semblable à celle de ces matins où elle s'éveillait en pestant qu'elle s'était assoupie dans une mauvaise position. Une pulsation lancinante qui rôdait aux abois – et ne manqua pas de surgir, dès qu'Edith voulut bouger la tête. Elle surmonta le pic désagréable, et son menton quitta sa position, affaissé contre sa poitrine. Allant de l'arrière, son crâne rencontra une surface dure. Edith grimaça : le léger choc résonnait désagréablement dans sa boite crânienne, et sa langue était pâteuse. L'inconfort l'affligeait toute entière : les sensations lui revenaient par vagues, ses jambes, son dos, ses épaules, tout la dérangeait. Soudain, Edith se rendit compte que ses bras étaient levés, et qu'un poids les tirait vers le sol. Elle voulut les abaisser, mais rencontra une résistance – et c'est là que, pour la première fois, elle songea que quelque chose n'allait pas. Le poids était celui de son propre corps – bien qu'inconsciente, elle s'était tenue debout. Ou plutôt, elle avait été maintenue debout...

Un goût étrange occupait sa bouche, et un moment après l'avoir perçu, elle comprit d'un morceau de tissu se pressait contre sa langue. Ses lèvres étaient closes, refusaient de s'écarter. Quelque chose les tiraillait – était-ce du ruban adhésif ?

Une sensation froide autour de ses poignets. Encore une fois, Edith essaya de mouvoir ses bras, mais avec un tintement rêche, ils furent retenus. Des chaines. Elle était menottée à un mur. La panique s'abattit sur la femme, comme un mur au plus haut d'un tremblement de terre, et, écarquillant ses yeux, elle bougea fiévreusement ses bras, se débattant comme un animal affolé. De toutes ses forces, elle voulut crier, mais seuls sortirent des couinements inoffensifs. Ses mouvements saccadés se ralentirent peu à peu, alors qu'elle comprenait leur inutilité – les chaînes étaient trop solidement ancrées, il était futile de tenter de les déloger. Lentement, la peur d'Edith se gela, se durcit, jusqu'à laisser passer à travers une fissure un semblant de lucidité.

Edith vit d'abord la porte, juste devant elle, et ce spectacle faillit immédiatement lui faire perdre le peu de raison qu'elle possédait. Un regard confirma ce qu'elle avait pu deviner en tâtant : le mur auquel ses chaînes étaient liées – par un anneau d'allure rouillée et malsaine – était de pierre. A vue d'œil, ses trois camarades étaient identiques. Edith ne sentit aucune humidité sous ses doigts.

La porte. La porte était d'une vague blancheur, ou, l'avait certainement été à une époque. Des traces plus sombres dégoulinaient à présent depuis sa hauteur. Elle semblait crasseuse, très peu engageante, mais Edith se prit à la désirer plus qu'elle n'avait jamais désiré quoi que ce soit. Elle ne vit pas de poignée. Elle s'efforça de deviner le matériau, mais en fut incapable – bois, métal, ce pouvait être n'importe quoi, et jamais n'avait-elle possédé le semblant des compétences nécessaires pour répondre à la question inutile qu'elle se posait. C'était une porte, et elle était fermée, et Edith était enchaînée à un mur de pierre.

Elle survola chaque paroi du regard, son désespoir croissant, et ne trouva aucune fenêtre. Toutes les surfaces étaient rugueuses, inhospitalières, et d'une totale nudité. A l'exception de l'espace qui jouxtait la porte close ; un autre anneau y perçait le mur, et en pendaient des chaînes identiques à celles d'Edith. Cette dernière frissonna : cette prison attendait-elle un nouvel occupant ? sa solitude était-elle définitive ?

Elle avait déjà eu peur, dans sa vie, mais à chaque instant qui passait à présent, elle comprenait mieux le sens du mot, et se rendait compte de la profondeur de son ignorance. Elle avait soif d'extérieur, d'une façon que seul connaîtrait le vagabond perdu dans le désert, une soif terrifiante, perfide. Sa prison était éclairée par une ampoule nue, qui pendait du plafond. Sa lumière était froide, agressive, et quand Edith la regardait trop longtemps, ses yeux la faisaient souffrir.

Aucune raison de s'inquiéterWhere stories live. Discover now