Chapitre 11

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Non. Elle n'était pas encore morte.

Ils n'étaient plus au même endroit. Tout avait changé. La position d'Edith n'était plus la même. Un instant, elle se sentit confortable, par contraste.

Elle était assise. Ses bras la faisaient un peu moins souffrir. Ils étaient attachés, une fois de plus. Derrière le dossier de la chaise, austère et peu agréable. Des menottes, sentit-elle, mais plus fines que les précédentes. Ses épaules étaient tirées vers l'arrière.

Ils étaient dans une autre salle. Elle ressemblait à la première, dépourvue de tout mobilier, de toute fenêtre, mais sur ses murs, on décelait encore quelques traces décrépites d'une peinture vieillotte. La couleur en était neutre, mais l'endroit en paraissait moins abandonné que le précédent. Avait-on habité ici ? Edith en doutait, mais ce lieu avait peut-être été employé à des activités professionnelles. Elle pouvait imaginer des employés en uniforme s'affairer ici ; dehors, elle imaginait un assez grand bâtiment...

Pourquoi les avait-on déplacés ? La police avait-elle commencé à les rechercher ? Depuis combien de temps ? A présent, combien de temps s'était écoulé, depuis qu'Edith avait quitté la bibliothèque ?

La police s'était-elle trop approchée de l'endroit où on les retenait ? Avait-on jugé nécessaire de changer de cachette, pour échapper aux forces de l'ordre ? Edith l'espéra : si on les avait presque trouvés, on pouvait renouveler l'exploit.

Un homme entra. Il était assez grand, tout de noir vêtu, comme les autres, mais c'était quelqu'un de nouveau. Ses membres étaient minces, sa posture nerveuse. Il n'avait pas l'allure d'un homme de main. Il avait celle du porte-monnaie.

Il se planta entre Edith et l'Autre, et les dévisagea à tour de rôle. Son visage était caché. Une cagoule, lui aussi. Les captifs échangèrent un regard appréhensif, puis furent tout entiers focalisés sur celui qui, ils le sentaient, tenait leur sort entre ses mains.

Il parla.

-Le futur n'est que le terrain de jeu du passé.

La porte était encore ouverte. Les deux montagnes entrèrent, encadrant celui qui les dirigeait.

-Non pas que cela soit important, pour vous, dit-il doucement. Vous n'avez pas de futur.

Les ombres, comme taillées au couteau par l'éclairage nauséabond, brouillaient même les contours de ses yeux, impossibles à distinguer, impossibles à cerner, et son ton d'une glaçante tendresse projetait les crocs de la terreur vers ses cibles. Il n'y avait pas d'émotion visiblement prédominante chez lui, aucun indice, aucun indice de pitié, ou au moins de compréhension. Pas de réponse, toujours pas, pas d'espoir. Pas, pas, papa, Edith pensa à son père, avait-il jamais regretté d'être parti ? Elle n'aurait plus l'occasion de le savoir, à présent. Mon dieu, mon dieu, je n'ai jamais prié mais je vais quand même penser à toi, mon dieu, il l'a dit, vous n'avez pas de futur, on ne sortira jamais d'ici, il nous a bien vus, il ne peut pas y avoir d'erreur, c'est bien nous qu'il voulait amener ici, pourquoi, pourquoi suis-je ici, pourquoi, qu'ai-je fait, comment ai-je mérité de mourir ici, maintenant, déjà, sans comprendre ? A l'aide... je n'aime pas appeler à l'aide, mais j'en ai besoin, tellement besoin, mais je ne peux appeler personne, je ne peux même pas parler...

L'homme mystérieux la fixa, quelques instants, avant de se concentrer sur l'Autre, et de s'approcher de ce dernier. Il plia légèrement les jambes, pour se mettre au niveau de l'homme attaché, et dit pensivement :

-Tu lui ressembles un tout petit peu. Mais, objectivement, tu es plus beau. Il est passé au modèle supérieur... Tant mieux pour lui. Tant pis pour toi.

Aucune raison de s'inquiéterWhere stories live. Discover now