Chapitre 8

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Edith se dévisagea dans le grand miroir. Il était propre, comme les toilettes dans leur ensemble – tout le bâtiment était bien tenu. C'était agréable.

Elle finit de se sécher les mains, puis, d'un geste calculé, redonna du volume à sa coiffure. Son blaser était bien repassé, son pantalon élégant. Elle aimait être bien habillée. Après un moment d'hésitation, elle sortit un rouge à lèvres mat de son sac à main, saluant sa décision d'un haussement d'épaules. Peu importait, mais Edith ignorait rarement ses envies subites.

Elle sourit à son reflet, se trouva belle, et tourna les talons pour aller travailler.

Des pas résonnèrent, approchant de leur cellule. Les prisonniers échangèrent un regard nerveux, et s'agitèrent, toujours aussi inutilement. L'espérance d'une soudaine libération était tentante, mais peu probable.

Des voix floues échangèrent quelques mots. Elles étaient masculines, d'intonation agressive, mais autrement indiscernables.

Une clé tourna dans la cellule.

L'abysse était sublime. Les mille et unes nuances de vert ondoyaient à l'infini ; dès que la terreur recula quelque peu, les pieds d'Edith commencèrent à se balancer, leur mouvement de métronome une provocation pour le vide.

Les vélos étaient temporairement abandonnés le long de la route, la pente raide ne leur faisait plus peur. Des petits rires, des paroles fusaient dans le groupe. Marc était silencieux, pour une fois, front plissé par la concentration. Son crayon allait et venait sur le papier. Il tenait son carnet de doigts fermes. Edith épiait régulièrement, par-dessus son épaule, l'évolution de son travail. Capturer un paysage si sauvage et si cru, baigné d'une lumière si particulière, avec toute la magie de l'instant de repos, n'était pas tâche facile. Cependant, le dessin possédait une beauté indéniable. Marc était talentueux.

Les deux hommes énormes entrèrent, apparemment, ceux-là même qui avaient amené l'Autre. A travers les fentes de leurs cagoules, leurs yeux firent frissonner Edith. Elle n'y vit aucune pitié, seulement une forme de dédain, ou d'indifférence, baignée d'impatience. Ils ne voulaient pas être là, ils avaient autre chose à faire. S'ils avaient été engagés, probablement n'appréciaient-ils pas leur employeur. Mais ils menaient leur travail à bout. Le plus vite il serait conclu, le mieux ils se porteraient.

Avec horreur, Edith vit l'un des deux hommes fondre sur l'Autre. Elle ne put émettre plus qu'un vague son, en signe de surprise, lorsque le geôlier leva un bras terrible, et frappa le prisonnier au visage. La tête de l'Autre heurta brutalement le mur, et son cri étouffé glaça le sang de la femme. Alors que son compagnon de captivité subissait un second, puis un troisième coup, au ventre à présent, le second homme en noir se dirigea vers Edith. Instinctivement, elle chercha à reculer, mais elle s'appuyait déjà contre le mur. Deux larmes lui échappèrent – elle ne connaissait pas la souffrance physique. Et elle aurait pu finir sa vie sans s'y familiariser.

Ils n'étaient que sept. Que, que – le nombre semblait énorme à Edith. Sept, à risquer leur vie sur la Route de la Mort. Ils devaient tous être des créatures bien étranges. Quels dominos renversés poussaient des êtres humains à dédaigner ainsi tout risque ?

-Ten minutes ! signala leur guide avec un accent comique.

Il récolta quelques plaintes, quelques signes d'assentiment. Edith hocha la tête, mais l'entendait à peine. Ses yeux, décrochés de l'esquisse de Marc, se perdaient dans la jungle en contrebas. Le ravin était plus que cela, un précipice fatal. Aucune protection, aucune barrière pour empêcher les aventuriers de chuter, de heurter le mur de rochers impitoyables, et de se noyer dans l'océan coloré. Les doigts de la jeune femme étaient mêlés aux brins d'herbe comme aux cheveux d'un amant, et elle se cramponnait au rebord comme à une bouée de sauvetage ; cependant, elle ne désirait pas reculer.

Aucune raison de s'inquiéterWhere stories live. Discover now