6ème jour

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Nous y voilà. C'est le premier dimanche de ce confinement. Autant la journée d'hier pouvait paraitre un peu étrange, aujourd'hui, c'est différent.

Peut-être est-ce que c'est parce que le dimanche, est habituellement une journée où les gens profitent de leur famille et que la grande majorité des commerces sont fermés ? Je ne sais pas, il flotte toujours une atmosphère un peu étrange.

Nous avons convenu, de ne regarder les informations que le soir, pour limiter le stress de ces nouvelles, peu encourageantes et plutôt alarmistes. Et, il nous faut nous protéger et pouvoir prendre du recul.

Je pense que c'est essentiel durant cette période. Tout autant que l'entraide, le respect, se protéger de toutes ces informations anxiogènes est crucial.

Ce matin, tu dors encore, je me suis réveillée tôt et ai somnolé un petit moment. Je te sens un peu plus serein. Les nouvelles concernant ta soeur, sont pour le moment, pas trop inquiétantes. Je sais que tu es toujours dans la crainte que la situation s'aggrave et je sens parfois ta peur qui t'envahit. Mais comme toujours, tu mets ce masque de l'homme fort et intouchable.

Je te soutiens de mon mieux, par des gestes tendres, quelques mots rassurants. Mais il m'est difficile de parfois trouver un équilibre entre les deux. Tu es si « secret » dans tes émotions. Et même si ça m'est par moments un peu difficile de te comprendre, mais, ce que je découvre de toi, me plait de plus en plus. J'aime ce côté sur et solide, mais ce côté sensible, genre « gros nounours » me fait fondre. Je dois faire attention à moi, que mes sentiments ne deviennent pas envahissants.

J'aime observer ton visage dans la semi obscurité de la pièce, les contours de ton nez, de tes lèvres. Cette bouche pleine et bien dessinée, ta barbe,... Je suis en train de tomber amoureuse de toi, ça me fait peur.

Tu bouges dans ton sommeil, tu ouvres les yeux et tu te tournes vers moi, tu tends le bras et je viens me blottir contre toi.

J'aime ce moment, je crois que c'est celui que je préfère dans la journée, ce moment, où encore endormis, nos corps chauds se collent à l'autre, et où seule la tendresse compte. Pas besoin de mots, juste un « coucou, bien dormi ? » suffit.

Je sens que lorsque cette période de confinement sera terminée, de ne plus pouvoir vivre ce moment tendre tous les matins, va énormément me manquer.

Je dois chasser cette pensée pour le moment. Aujourhd'ui, nous sommes encore ici, l'un avec l'autre et ce, pour au moins, encore une semaine. Alors je dois profiter.

Mais comme chaque jour, de nouvelles peurs me viennent. Et il m'est parfois difficile de les empêcher d'envahir mon esprit.

Je pense à ma soeur. Elle a vu son planning être modifié et enchainer les journées de travail, elle a dû être rappelée sur un de ces jours de repos, il manquait du personnel. Alors elle y est allée.

Je pense à tout ces soignants, qui sont à la tâche chaque jour, qui sont en « première ligne », qui sont en passe de devenir les nouveaux héros de la nation. Mais à quel prix ? Celui de leur santé physique et mentale ? Celui de leur vie ? Celui de leur vie de famille ?

J'ai peur pour ma soeur. Mais pas que. J'ai peur pour toutes ces personnes qui soignent, entretiennent, accueillent, chaque jour un peu plus de patients, malgré une fatigue qui commence à se faire largement ressentir.

J'ai peur pour mes proches, mes parents, notamment mon père. Ma grand-mère et mon grand-père, qui lui vit en maison de retraite. Les visites y sont interdites depuis longtemps, mais ça reste tout de même un lieu de vie et donc de concentration de virus. Ce sont, en quelque sorte, des bombes à retardement épidémique.

J'ai peur pour toi, tu es en bonne santé. Tout comme l'est ta soeur. Mais que se passerait-il si tu commençais à avoir de la fièvre ? Ou une toux très sèche ?

Je sais que tu as peur pour tes proches également. Je crois qu'aujourd'hui, nous sommes tous, ou presque, inquiets pour nous et/ou nos proches.

Bien sûr, il subsiste encore des personnes qui se croient au dessus. C'est bien les Français ça. Cette arrogance et ce sentiment de supériorité. Certains semblent encore croire que « ça n'arrive qu'aux autres », alors que non. N'importe qui peut être touché, n'importe qui peut être malade, n'importe qui peut en mourir.

Certes, les personnes déjà un peu fragiles, sont plus à risques. Mais quand on entend aux informations, que certains patients sont jeunes, en bonne santé et que malgré ça, ils sont dans un état grave. Je trouve que cela devrait alerter les personnes qui ne respectent pas les consignes ! Mais non !

Et ça me met en colère ! Car quand j'en vois qui sortent se balader entre amis, ou qui font faire les courses en famille. J'aurais bien envie de leur faire la morale. Mais à quoi bon ?

Qui serais-je pour me le permettre ? Ce n'est pas vraiment mon rôle. Mais ça m'énerve de les voir... Et après, ils sont les premiers à applaudir les soignants à leurs fenêtres à 20h... Mais restez chez vous au lieu d'applaudir ! Vous leur rendrez plus service franchement !

J'ai l'impression que cette période, fait voir le côté bon de certains, une chaine de solidarité pour les plus fragiles/âgés s'est mise en place dans ta résidence. Et je dois avouer, que ça met un peu de baume au coeur, de voir cette entraide inter-générationnelle qui se met en place.

Je garde foi en l'humain, malgré tout, il montre encore certains aspects positifs. Et si je commence à ne voir que le négatif, je n'ai pas fini de râler...

Après tout, nous n'en sommes qu'au 6ème jour...

Confidences d'un confinement...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant