15ème jour

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Voilà, nous y sommes. Ce mardi matin, c'est le 15ème jour de confinement. Ça me parait fou. C'est assez difficile de se dire que nous sommes, pour la plus grande majorité d'entre nous, cloitrés chez nous. Et ce, depuis deux semaines.

C'est à la fois surprenant, un peu étrange. C'est perturbant aussi. Cette sensation de se dire que le « dehors » peut être une source de danger. Pour soi, pour les autres. C'est étrange de se dire, que le simple fait d'aller au supermarché, pourrait, à terme, être une chose potentiellement mortelle.

Avant, aller au supermarché, chez le coiffeur, ou même boire un verre en terrasse, étaient des choses banales, du quotidien, dont on ne mesurait pas -ou plus- vraiment la valeur.

Avant, il était normal, certains vendredis ou samedis, de dire à nos amis ou proches « on se retrouve à telle heure, à tel endroit pour boire un verre tous ensemble ? », c'était une chose si normale, qu'elle nous ne paraissait plus si importante.

Ce confinement, je pense, nous fait de plus en plus prendre conscience de la chance que nous avons, de pouvoir faire ces choix, de pouvoir vivre ces moments entre amis ou en famille. Les choses simples, sont devenues aujourd'hui, des moments de vie précieux. Une chose qu'on a hâte de retrouver, de pouvoir vivre à nouveau.

Je me dis, que nous avons malgré tout la chance d'avoir une technologie qui nous permet de conserver un contact visuel, avec nos proches. Même si, on ne va pas se mentir, de ne plus pouvoir serrer nos parents dans nos bras ou tout simplement voir nos amis en « vrai », est parfois un peu difficile à supporter.

Finalement, l'humain, en a besoin de ce contact. De ce qui fait notre humanité : le partage, le fait d'être réunis autour du poulet rôti dominical ou de fêter l'anniversaire de l'un de la bande au resto fétiche de celui qui souffle une nouvelle bougie.

Je dois avouer que ça m'attriste un peu. Le fait de pouvoir discuter en visio atténue un peu cette tristesse, mais mes proches, mes amis me manquent.

Je te regarde, tu dors toujours, et je me dis que j'ai au moins cette chance de partager cette tranche de nos vies, dans un contexte exceptionnel, avec toi à mes côtés. Je me dis que c'est une chance. Et je pense à toutes ces personnes qui doivent affronter ça seuls. Ce doit être difficile d'être constamment face à soi-même. Le bon moment pour une introspection. Mais quand même.

J'ai la chance de pouvoir parler à une personne en face de moi, pas un simple écran, comme c'est le cas pour beaucoup. Je peux me blottir contre toi quand je me réveille le matin. Je peux sentir ta main caresser ma joue quand j'ai un moment de vague à l'âme. J'ai la chance de pouvoir vivre « ça » avec toi.

Je me dis que, cette période étrange, va peut-être permettre à certains, à ceux qui vivent dans des tours d'argent, de se rendre compte, que chacun a sa place. Que chaque métier est important. Mais surtout, que sans le peuple, l'état n'est que peu de choses.

Je suis peut-être un peu (trop ?) idéaliste, mais j'espère vraiment au fond de mon coeur, que cette période amorcera une transition. Vers du mieux. Bien sûr, il y aura toujours des guerres dans des pays, pour un bout de terre ou pour un nom d'une divinité différente. Mais j'espère que cela fera changer, du moins évoluer; certaines choses.

Que certains, prendront conscience que nager dans des millions ne fait pas tout, que des petites choses simples peuvent parfois apporter beaucoup : un diner en famille, un apéro entre amis, une partie de jeu de société avec ses enfants. Mais aussi, aller flâner au marché et rencontrer ces producteurs qui travaillent avec amour de la terre pour produire de bons légumes. Certes, plus chers qu'au supermarché, mais bien meilleurs gustativement.

Tu ouvres les yeux, et comme toujours, tu m'ouvres le refuge de tes bras. Je viens m'y blottir, tu déposes un tendre baiser sur mes cheveux.

-Tu as bien dormi ?

-Oui. Et toi ?

-Pas trop mal.

Je sais, que malgré les nouvelles rassurantes concernant ta soeur, tu ne seras définitivement rassuré que lorsqu'elle sortira de l'hôpital. Pas avant. Je sais que tu ne seras soulagé que lorsque ton beau-frère te dira « c'est bon, elle rentre à la maison, elle est guérie. » et cet espoir, tu t'y accroches de toutes tes forces. Et je m'y accroches avec toi. Je pense que les étoiles, doivent connaitre par coeur mes mots, que je leur envoie chaque soir.

C'est bête, mais moi, ça me rassure de parler aux étoiles. J'espère que celles qui veillent sur moi depuis là haut, entendent mes souhaits. Rien de fou, juste de protéger ceux qui me sont chers et de veiller sur ta soeur.

Je ne sais pas si cette période anxiogène, va rapprocher certains de la religion ? Peut-être ? Ou peut-être pas ? Mais moi, je sais que d'y croire, m'aide à ne pas flancher. C'est une sorte de soutien. Chacun croit en ce qu'il veut. Ou ne croit pas.

Je me blottis contre toi, et me dis que oui, croire me fait du bien. Je pense qu'en ce moment, avoir l'espoir est aussi un bon moyen de ne pas céder à la panique. L'espoir de retrouver bientôt nos proches, de pouvoir les serrer dans nos bras, les embrasser. Mais aussi de revoir nos amis, dans ce café que l'on aime tant. Ou de retrouver les collègues, dans la petite salle de repos, un thé fumant devant nous, avant de reprendre le travail à la fin de la pause déjeuner.

Oui, toutes ces petites choses, ces petits détails, qui nous sont devenus insignifiants tant ils sont banals, sont des petits moments qui nous manquent et qui nous font envie d'y croire et d'avancer.

Nous avons besoin d'espoir, car je pense que nous n'en sommes qu'à la moitié du chemin, ce n'est que le 15ème jour.

Confidences d'un confinement...Where stories live. Discover now