Confidences d'un confinement...

7ème jour

J'ouvre les yeux, je me sens fatiguée, j'ai l'impression d'avoir mal dormi. Voilà une semaine que ce confinement a commencé, je commence à me sentir un peu perdue.

Tu dors encore. Je t'envie. Malgré tout, tu arrives à conserver un sommeil à peu près correct. Tant mieux pour toi, entre le télétravail qui occupe bien tes journées, le stress de savoir ta soeur en réanimation, l'inquiétude pour tes proches, tu mérites bien ce repos.

Je te vois perdre le sourire depuis quelques jours, ton inquiétude est plus que présente sur ton visage, cela m'attriste et je me sens impuissante. Je sais que tu ne sera jamais le genre d'homme à vider son sac et à dire tout ce qui lui pèse. Mais, tu arrives un peu à t'ouvrir et ça me touche.

Je sens ta main sur ma cuisse, tu es réveillé. J'aime ce geste, si doux et si tendre. Je me tourne face à toi, sans un mot, tu m'attires dans tes bras. Je soupire, à la fois d'aise et de soulagement. Je sens que mes émotions sont un peu plus difficiles à gérer. Mais par ce geste tu me rassures.

Pas besoin de mots, en faisant ça, c'est ta façon de me dire « je suis là » et ça me fait du bien. Un peu. Parfois, j'aimerais bien que tu me parles, que tu me fasses part de ce que tu as en tête ou pourquoi tout d'un coup ton sourire semble se figer.

Hier, nous avons passé une « bonne » journée, si tant est qu'il puisse y avoir de bonnes et de mauvaises journées, étant donné la situation.

Mais nous avons essayé de faire en sorte de partager de bons moments ensemble. Une grasse matinée, des câlins, un bon brunch, des jeux de société, des rires et des taquineries. Un bon thé et un gâteau au chocolat fait à quatre mains sur la terrasse pour le goûter,... Une journée simple, je dirais presque normale. Nous avons limité les infos et nous nous sommes créé une sorte de petit cocon de bien-être.

Je pense que tu en avais besoin. Et moi aussi. Quelques heures d'insouciance, hors du temps, qui même s'il semble s'être figé, continue sa course inexorable.

Une journée, une bulle. J'avais besoin de ce temps en tête à tête, même si nous sommes confinés ensemble.

Hier soir, quand tu t'es couché, tu semblais un peu plus léger et comme, apaisé. Je sais qu'au fond de toi, l'inquiétude bouillonne, mais tu as fais de ton mieux pour ne pas te laisser envahir par cette peur.

Ce matin, quand je suis contre toi, je sens tes bras me serrer plus fort, mais je sens aussi que tu es plus serein. J'espère que tu vas pouvoir respirer un peu, maintenant que tu sais que l'état de ta soeur est toujours stable.

Tu déposes un baiser dans mes cheveux et caresse ma joue. J'aime quand tu fais ça. Ce sont des petites gestes doux et tendres. Ils me rassurent, me donnent l'impression d'avoir de « l'importance » pour quelqu'un et, mis à part, ma famille, je n'avais jamais eu ce ressenti auparavant.

Ce matin, une nouvelle semaine commence. C'est drôle, car les jours passent, le calendrier est identique, certains gestes, certaines tâches sont les mêmes, mais les cours du temps semble s'être modifié. Parfois, nous ne savons plus trop quel jour nous sommes, ni quelle est la date ? C'est à la fois étrange et léger. Étrange, car c'est une situation peu habituelle, car même en vacances, il y a souvent un rythme de quotidien. Là c'est différent. Je ne saurais pas mettre de mots précis sur ce ressenti. Mais c'est là.

Et c'est aussi léger, car il n'y a plus vraiment de poids d'un rythme quotidien balisé « métro, boulot, dodo », le cours de la vie a été modifié, changé. Pour quelques jours encore. Peut-être plus même.

Aujourd'hui, tu as encore une longue journée de travail qui t'attends : une réunion en Visio ce matin, et cet après-midi, il te faut boucler un dossier avec deux de tes collègues. Tout cela se fera via webcam et appels.

Je me dis que, la technologie a un certain avantage pour le coup !

Vu que tu vas être occupé, j'ai prévu de faire de la cuisine pour que ce soir, une fois que tu aura fermé la porte du bureau, tout soit prêt et que l'on puisse profiter de notre soirée tranquillement.

Je souris. Moi, la féministe, je me retrouve dans le rôle de « bobonne-popotte » et je dois avouer, que de le faire pour toi, me plait. Bon je ne vais pas non plus jouer ce rôle ad vitam aeternam. Non ! Mais, j'ai l'impression d'être utile, de t'aider, d'apporter un peu d'aide à ce quotidien, à cette vie de couple.

J'ai un peu l'impression de « participer à l'effort de guerre », même si c'est peu, je me dis que de rester à l'intérieur (j'ai presque envie de dire chez moi...) et de prendre soin de toi, de nous, est une façon de protéger les autres. Au cas où.

Je guette le moindre signe chez toi. Je hausse le sourcil à la moindre petite toux ou je m'inquiète quand tu dis avoir trop chaud. Mais bon, jusque là, rien d'anormal. Je suis la frileuse et tu es celui qui es une vraie bouillotte.

Aujourd'hui, je vais aussi profiter du fait qu'il fasse un grand beau, pour laver les draps. Autant qu'ils sèchent au soleil, plutôt que dans le sèche linge. La pollution de l'air est en baisse, alors autant continuer sur cette lancée, positive pour notre planète.

Et si c'était elle, la vraie responsable de cette pandémie ? Si c'était une façon de nous dire, à nous humains, qui au cours de ces dernières années, l'avons épuisée de ses ressources, de son énergie, qu'elle n'en peut plus ? Si c'était elle qui nous disait, qu'elle est à bout de souffle et qu'elle s'étouffe ?

Quel avenir attend nos enfants après ? L'économie va connaitre un grand bouleversement, mais le réchauffement climatique est un sujet brulant de l'actualité, enfin il l'était. Mais cela va-t-il servir de déclic ? Est-ce que les grands de ce monde vont prendre conscience de l'urgence de la situation ?

Je rêve plus que tout d'avoir des enfants, mais en y réfléchissant, qu'est-ce que ce monde a à leur apporter ? Une planète qui se meurt ? Je sens ta main qui caresse mon dos, et je me dis qu'il faut que j'arrête de me poser autant de questions.

La route est encore longue, nous n'en sommes qu'au 7ème jour...