13ème jour

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Ce matin, quand j'ouvre les yeux, je me dis que c'est le deuxième dimanche que l'on va passer en confinement. C'est un peu étrange, et à la fois, ça deviendrait presque une sorte d'habitude. Même si je sais, que ce n'est pas le genre de chose à laquelle on peut s'habituer. Tant c'est inhabituel justement. C'est une situation qui est totalement nouvelle et je crois que chacun essaye de s'y faire à sa façon.

Je te regarde dormir, je pense que je ne m'en lasserais jamais. Hier soir, les nouvelles concernant ta soeur semblaient être vers une amélioration. Je t'ai vu pousser un léger soupir de soulagement, mais tu ne pourras respirer totalement que lorsque tu la sauras complètement sortie d'affaire, pas avant. C'est comme si tu t'empêchais de respirer profondément, parce que son souffle est suspendu à celui d'une machine qui l'aide à accomplir l'un des actes le plus inconscient de l'espèce vivante. Car nous n'avons pas besoin de le penser, de le réfléchir, nos poumons ont cette sorte de « réflexe » de respiration sans que nous ayons besoin de le penser.

Tu ouvres les yeux, et comme toujours, tu m'ouvres tes bras et je viens m'y blottir. Tu me serres tout contre toi.

-Tu as bien dormi ?

-Oui et toi ?

-Pas trop mal...

-Tu es inquiet pour ta soeur.

Ce n'est pas une question, une simple affirmation. Je n'ai pas besoin de te le demander, je le sais, car cette inquiétude est tellement naturelle et légitime. Je suis également inquiète pour la mienne. Elle ne donne que peu de nouvelles. Ses journées sont harassantes, le service de réanimation où elle travaille est débordé, elle fait des heures supplémentaires chaque jour où elle travaille. Elle me fait part de son inquiétude face à une population qui ne semble pas concernée plus que ça par ce confinement. Comme si les gens ne voyaient pas l'importance de la situation, ni son urgence.

Non. Les gens ne voient que leur propre situation de confinés et n'imaginent pas que continuer à vivre « normalement » est devenu presque un acte dangereux.

Elle m'a également confiée, avoir lu un mot affiché dans le hall d'entrée de son immeuble, qui lui était destiné, dans lequel des résidents se « plaignent » que son travail d'infirmière en réanimation est dangereux, et que peut-être, pour la sécurité de tous, ce serait bien qu'elle aille vivre ailleurs. Du moins, le temps que dure la pandémie.

Quand elle m'a dit ça, ça m'a mise dans une colère noire ! J'étais furieuse ! Comment les gens peuvent-ils être à ce point égoïste ?! Elle va tous les jours (ou presque) faire son maximum pour sauver des vies, elle fait uniquement son travail, qu'elle aime plus que tout. Et là, on lui demande de partir parce qu'elle travaille ? Mais c'est une honte que de demander ça. Et par un simple mot apposé sur une porte d'entrée d'un immeuble.

Cette pandémie, aura aussi servi à ça : révéler les personnalités des uns et des autres ! Certains sont humains, compatissants, prêt à aider de leur mieux leurs amis, voisins. Quand d'autres demandent sans aucune honte, à un soignant de quitter l'immeuble sous prétexte qu'il risque de ramener le virus dans les parties communes !

Mais ces gens-là, ont-ils conscience qu'eux aussi peuvent le rapporter ? S'ils ne se lavent pas les mains ou s'ils sortent 15 fois dans la journée pour aller promener leur chien ou faire leur jogging, en tripotant les boutons de l'ascenseur ou de l'interphone ?

Et ça n'est pas un cas isolé, que ce soit aux informations ou sur les réseaux sociaux, bon nombre de soignants se plaignent de tels mots.

Ça me révolte ! Et je suis en colère. Car l'humain peut être capable du beau comme du pire. L'Histoire nous l'a déjà prouvé à maintes reprises, mais là, ça me touche bien plus personnellement et je dois avouer que ça me fait de la peine pour elle.

Alors que les soignants, appellent à l'aide depuis des années pour avoir plus de moyens matériels comme humains. Les voilà aujourd'hui les héros de la république, mais pour combien de temps ? J'espère seulement que leur travail, leur courage et leur investissement sans faille dans ce combat sera récompensé à sa juste valeur.

-Et ta soeur à toi, comment elle va ? Pas trop épuisée ?

-Elle va bien, même si elle est épuisée oui... J'admire sa force et son courage.

-Tu l'es tout autant qu'elle.

-Moi ? Tu rigoles ?! Je n'ai rien de quoi être fière et forte.

-Si. Tu es là. Tu me supportes et tu restes confinée sans jamais t'en plaindre. Tu gardes le sourire, chaque matin, alors que j'aurais des raison d'être de mauvaise humeur, tu es là et tu me soutiens. Tu arrives à me rassurer. C'est ça ta force : celle d'être capable d'écouter et de soutenir, sans te plaindre de ce que toi tu ressens.

Et tu m'embrasses, pour appuyer tes dires. Je suis touchée. Je ne m'étais jamais considérée comme une femme forte. Mais après tout pourquoi pas...

Tu relâches doucement ton étreinte, je suis bien avec toi et aujourd'hui je n'ai pas envie de penser à ce qu'il se passera demain. Juste de profiter de ce dimanche avec toi. Le ciel semble couvert, au vu de la faible pénombre qu'il y a dans la pièce. Tu proposes une journée cocooning avec jeux de société et thé. J'approuves. C'est le genre de chose qui nous fera du bien.

Je me dis que chaque journée agréable passée n'est pas négligeable. Il nous faut réussir à affronter les difficultés de la situation. Nous n'en sommes qu'au 13ème jour.

Confidences d'un confinement...Where stories live. Discover now