8ème jour

7 0 0
                                    


Ce matin, il fait encore beau. Je le perçois à la lueur qui transparait à travers le volet. Une nouvelle journée commence.

Je suis réveillée depuis un moment, mais impossible de me rendormir, je ne sais pas pourquoi, beaucoup de choses trottent dans ma tête ce matin.

Je te regarde, tu dors encore, tu sembles plus serein, à mesure que les nouvelles concernant ta soeur sont bonnes. Tout n'est pas gagné, mais elle reste stable et pour le moment, c'est déjà positif.

Chaque soir, ton beau-frère t'appelle et te donne les nouvelles du jour. Ta nièce et filleule te baragouine quelques trucs puis repart jouer, comme si tout était normal.

Les enfants ont cette « chance », d'avoir cette innocence qui les préserves de tout ce qu'il se passe aujourd'hui dans le monde. Ils ont cette capacité de s'adapter avec, il semblerait, plus de facilité que nous, à cette période un peu extraordinaire. Les enfants, ont cette capacité de résilience, que beaucoup d'entre nous, avons perdu à l'âge adulte. Pour un enfant, c'est comme ça. Il faut rester dedans, ne pas voir les copains, ne pas aller jouer au parc, ne plus aller à l'école,... C'est normal, ils ont cette capacité à se couler dans la situation. Ils ont de la chance.

Nous les adultes, nous réfléchissons à tant et tant de choses à propos de cette crise sanitaire : les conséquences économiques, sociales, matérielles,... C'est l'avantage de l'enfance, ne pas penser à demain. Ou peu.

Nous, les adultes, pensons à tout ça. Et je me dis qu'il serait bon, dans pareille situation, de pouvoir à nouveau retrouver notre innocence et pouvoir vivre au jour le jour sans nous poser toutes ces questions, qui ne font que rajouter du stress à la situation ambiante, déjà pas très rassurante.

Je te vois sourire au téléphone, quand elle te dit avec ses mots d'enfants « au woi paain ! », je vois tes yeux qui brillent de tendresse envers cette petite fille. Et ça me fait un petit « truc » au fond de mon coeur et j'essaye d'imaginer le papa que tu pourrais être.

Je n'ai aucun doute sur tes capacités à être un bon père. Tu serais le papa poule, bienveillant, la force tranquille et la douceur, mais aussi, l'autorité quand les limites fixées seraient dépassées. Je sais que je ne devrais pas y penser, mais lorsque parfois, tu évoques à demi mot, un futur de ce genre entre nous, ça fait à la fois boum boum dans mon coeur mais aussi déclenche le plan orsec dans ma tête ! Oui... Ma tête, elle, encore et toujours, qui tourne à pleine vitesse, qui se pose toujours 36 000 questions, qui a ce besoin irrationnel d'être rassurée.

Mais, quand je te regarde, je me sens si bien, que je me dis que je dois arrêter de me poser des questions. Bon, il faut avouer que la situation actuelle n'aide pas vraiment à ne pas cogiter. Passer la journée dedans, ou à la limite sur la terrasse, avec presque plus d'interactions sociales, enfin, grâce à la technologie, il y a toujours les visio apéros avec les amis ou les visio goûter avec les collègues. Mais d'être seule, me fait me mettre face à moi-même. Et forcément, une sorte d'introspection se fait inévitablement.

Et là, le flot de questions se bouscule dans ma tête, j'essaye de m'occuper au maximum durant les journées : je cuisine, fais de la lessive, un peu de ménage, je lis beaucoup, je regarde quelques épisodes de séries et j'écris. Écrire est une sorte de soupape, d'échappatoire, elle me permet de mettre des mots sur mes émotions, mes peurs, mes ressentis. Elle m'aide à accepter un peu ce que l'on vit aujourd'hui, elle m'aide à apprendre un peu plus de moi-même, de celle que je suis au fond de moi.

Celle que je suis, je ne l'ai jamais trop su. Enfin je crois. Mais depuis que tu es là, j'ai l'impression que tu as su trouver la « vraie » moi. Avec toi, je ne triche pas, je suis moi, tu vois celle que je suis au fond de moi et je n'en ai pas peur. J'ai confiance en toi.

Mais il n'empêche que cette introspection, elle est un peu flippante, car si elle me menait à me poser trop de questions sur ma vie ? Et qu'elle remettait beaucoup de choses en question ? Est-ce que j'ai choisi la bonne voie professionnelle ? Est-ce que « j'aime » l'adulte que je suis devenue ? Qu'est-ce que cette période va changer dans ma vie ? Est-ce qu'elle va modifier certains comportements ?

Au fond de moi, j'espère que certaines réponses à ces questions ne seront pas négatives et qu'elles m'apporteront un certain apaisement.

Mais j'espère aussi, que les gens, les humains, viendront tour à tour à se questionner sur notre vie, notre mode de vie, notre mode de consommation.

Est-ce que cette société où le paraitre est plus important qu'une bonne éducation, va se rendre compte quelles sont les valeurs qui priment ? Est-ce que cette société et ses dirigeants vont comprendre que nous avons besoin de tous et de chaque métier, que chacun a sa place et que certains méritent plus de reconnaissance ? Les inégalités vont-elles se creuser encore plus ?

J'aimerais dire stop à mon cerveau, car c'est déjà beaucoup trop de questions pour ce début de journée.

Je sens ta main sur ma cuisse, tu es réveillé, tu me souris. J'aime ton sourire, c'est doux et rassurant. Alors comme tous les matins, sans un mot tu m'ouvres tes bras et je viens m'y blottir dedans.

Je me dis, que pour l'instant, mon monde c'est juste ça : la chaleur de tes bras et pour aujourd'hui, ça me suffit. Car ce n'est que le 8ème jour...

Confidences d'un confinement...Where stories live. Discover now