Chapitre 22

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Muglow se réveilla au beau milieu de la nuit, ses yeux s'ouvrant comme des soucoupes.

Toute la journée, il s'était efforcé d'oublier que son ancienne élève allait mourir par sa propre initiative. Il avait accordé son attention à tous ses autres étudiants, il avait été un professeur très impliqué. Il n'avait pas voulu faire la même erreur une deuxième fois.

Mais cette fois, il le savait ; il devait bien être près de trois ou quatre heures du matin. Peu importe ce qui devait se passer ce soir avait déjà été fait. Muglow n'avait plus de raison d'angoisser ; il lui suffisait d'aller voir sur la carte.

Muglow était nerveux. C'était plus fort que lui ; il avait peur. Mais pourquoi avait-il peur, au juste ? Que son plan ait échoué ? Ou pire... réussi ?

Se refusant de penser aux conséquences, Muglow sortit de son lit, enfila une robe de chambre à carreau et s'avança lentement vers son bureau, dans la pièce d'à côté. Il s'était refusé d'y aller de toute la journée. Le professeur ouvrit la porte avec sa télékinésie d'un simple mouvement du doigt, et une bougie s'éclaira sur son chemin, l'allumette se grattant d'elle-même contre sa boite. Et enfin, le vieil elfe était dans son espace de travail. Il referma derrière lui, s'assis à son bureau, et tendit la main vers le tiroir renfermant la carte magique de Nyirdall.

Et alors seulement, il remarqua ce qui clochait. La chandelle se souleva de son présentoir et s'avança pour lui procurer un peu plus de visibilité. Le verrou avait sauté. Et à l'intérieur, la carte avait disparu, tout autant que son téléphone.

Muglow se redressa sur sa chaise, passa ses doigts dans ses cheveux blancs, longs et lisses. Il n'était pas angoissé, ni en colère. Juste intrigué. Qui avait bien pu faire une chose pareille ? Évidemment, pour ce genre de situation, le professeur avait mis son cellulaire à un endroit stratégique pour photographier le coupable. Mais même s'il n'y était plus, c'était loin d'être un problème pour lui, car il en avait un deuxième.

Avec un rictus rusé, Muglow enfonça le bras dans son tiroir, jusqu'au fond, pour atteindre le second appareil. Tous deux étaient connectés sur le même compte ; chaque photo prise par l'un était automatiquement sauvegardée dans l'autre. Il n'eut qu'à le déverrouiller et fouiller dans sa galerie pour trouver l'intrus.

Ah ! pensa Muglow, son sourire s'élargissant encore un peu plus. Voilà pourquoi il était si pressé de partir, celui-là... Dès le matin, j'appellerais la police et ils se chargeront bien de ce petit téléporteur.

Et même si la carte avait disparu et qu'il était incapable de savoir si Danayelle était toujours de ce monde ou non, il était heureux.

Si elle était morte ; une bonne chose de fait ! Et si elle ne l'était pas ; elle avait maintenant un peu plus d'aide pour, peut-être, parvenir au but.

*

La nuit avait été longue pour Egrim. Dès qu'il entendait un bruit suspect, il téléportait le trio cinquante mètres plus loin, ce qui s'était produit environ une quinzaine de fois. Pendant que les trois autres s'étaient endormis, ils s'étaient tous déplacés à plus de sept-cents mètres sans même qu'ils ne s'en rendent compte.

Au petit matin, c'était Egrim qui dormait à poings fermés alors que Leerian se réveillait enfin. Encore étourdi, il se leva sur un coude et regarda longuement autour de lui. Ils étaient toujours en forêt, Mishi et Danayelle étaient un peu plus loin. Il se passa une main dans les cheveux, puis sur le visage. Leerian grimaça en avisant son menton gluant, comme s'il avait bavé pendant toute la nuit. Il observa un instant ses doigts, puis les essuya sur son pantalon. En se levant, il sentit sa tête anormalement lourde. Que lui était-il arrivé ? Est-ce que les lutins avaient réussi à le convaincre de gouter à l'un de leurs champignons lumineux ? S'était-il pris un coup qui l'avait plongé dans l'inconscience jusqu'au petit matin ?

la légende de Nyirdall, Tome 1Where stories live. Discover now