Chapitre 44

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Mishi n'avait pas hésité avant de sauter à l'eau. Bien sûr, elle se sentait mal pour Leerian qui angoissait si facilement. Elle avait une pensée pour son ami – ou son petit ami ?! – qui était resté sur l'ile, seule avec Danayelle. Si elle avait pu l'emmener avec lui, elle l'aurait fait. Mais il avait peur de l'eau. Et comment lui en vouloir ? Il s'était noyé ! Mishi n'avait donc pas le choix ; ce bout d'aventure, elle devait le faire elle-même, sans l'aide de personne.

C'était peut-être dangereux. Peut-être avait-il raison de s'inquiéter. Mais Mishi ne voyait pas les choses de cette façon. Après tout, elle était enfin où elle avait voulu être toute sa vie ; dans la mer Maras ! La mer qui avait vu naître sa mère ! Elle allait peut-être croiser des membres de sa famille, qui sait !

Mishi nageait à une dizaine de mètres de profondeur seulement, faisant très attention à faire une ligne droite. Elle avait conscience du courant qui tentait de la pousser de sa trajectoire, mais elle luttait, par la puissance de ses battements de queue. Ici, la lumière du soleil était présente, baignant l'eau d'une intense couleur bleue. Des poissons, des tortues, des dauphins, tous passaient près d'elle avec indifférence. Elle remarqua même, à deux reprises, des petits requins. Mishi était émerveillé. Ça n'avait rien à voir avec ce qu'elle avait expérimenté dans la mer Gardas, quelques jours plus tôt. Ici, l'eau était plus chaude, tout était plus vif, plus vivant. C'était magnifique !

Un étrange bruit assourdi attira son attention vers la surface. Une forme sombre se déplaçait rapidement, faisant onduler des vagues tout autour de sa trajectoire. Un bateau. Et un grand, à en juger de sa coque. Mishi sourit, puis battit de la queue pour remonter. Elle se fit une certaine distance de sécurité, ne voulant jaillir directement à côté. Elle avait conscience que c'était dangereux de se montrer.

À vingt mètres du bateau, la tête de Mishi sortit de l'eau. Elle prit une grande inspiration – ça faisait plus d'une demi-heure qu'elle n'avait plus respiré – puis s'abaissa à nouveau pour ne laisser dépasser que ses yeux. Ce n'était pas un trois-mâts, mais il semblait fait relativement pareil. Un peu plus petit, avec un seul mat, les voiles toutes dehors. Mishi était trop loin pour juger exactement de son équipage. Était-ce des hommes ou des elfes ? À cette distance, il lui était impossible à dire. Si ça se trouve, c'étaient encore des pirates.

Mishi voulut regarder de plus près. Elle s'avança doucement, nageant lentement de ses bras pour rester à la surface, les yeux rivés sur l'un des marins. Il marchait, elle le voyait de profile. Elle fixait son oreille. Plus elle approchait, plus elle l'apercevait distinctement. Elle avait besoin de savoir à quelle race elle avait à faire...

Soudain, Mishi sentit quelque chose l'attraper par la pointe de sa queue et la tirer vers les profondeurs. Elle hurla, avala de l'eau, et coula sur plusieurs mètres. Depuis le bateau, des matelots tournèrent la tête vers l'origine du bruit, sans rien remarquer.

Mishi se débattit autant qu'elle put, jusqu'à ce qu'on la lâche. Dans sa lancée, elle envoya un puissant coup de sa queue en pleine poire à celui qui la tenait. Ou à celle. Quand Mishi prit le temps de regarder à qui elle avait à faire, elle en resta bouche bée.

Devant elle, il y avait une sirène. Une jolie fille blonde à la queue rose. Des algues étaient entortillées autour de sa poitrine. Elle avait un visage magnifique, on aurait même dit qu'elle était maquillée. Des cils d'une incroyable épaisseur, des lèvres brillantes, et des yeux, aussi roses que sa queue, semblaient luire comme deux lampes torches.

Mais ce qui choqua particulièrement Mishi fut ce qu'elle aperçut dans son cou. Des branchies. Ce qui ne pouvait signifier qu'une chose ; elle était sauvage.

— Tu es folle ? s'exclama-t-elle, des bulles s'échappant de sa bouche à chaque mot. Ils sont bien trop nombreux pour toi seule. Ils t'auraient tué !

la légende de Nyirdall, Tome 1Where stories live. Discover now