Chapitre 47 (2/2)

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Ils passèrent la nuit entière dans leurs cellules. Egrim avait fini par s'endormir à même le sol, couché de côté et les mains près de son visage. Sous cet angle, il ressemblait un peu trop à un simple enfant innocent.

Par le temps qu'il lui avait fallu pour trouver le sommeil, il était encore loin de se réveiller quand, au petit matin, un groupe composé de trolls et d'elfes pénétrèrent dans la pièce. Ils s'étaient arrêtés un instant pour l'observer, tel un animal en cage, avant qu'un troll, le même que la veille, n'ouvre la cellule à l'aide d'une des clés sur son énorme trousseau. Egrim sursauta alors, étonné du bruit, et s'assis devant eux, les yeux trahissant sa fatigue. Il leva le regard vers la petite troupe qui lui faisait face... et sa bouche en tomba de surprise, produisant un O parfait. Le troll, sans s'inquiéter de sa réaction, le prit par le bras pour le relever.

Autres que deux trolls policiers qu'il ne connaissait pas, deux elfes l'observaient avec un mélange de pitié et de colère noire. Un frisson désagréable lui traversa l'échine.

— Maman ? dit-il lentement, la voix étrangement aigüe. Papa ? Qu'est-ce que vous faites là ?

Le troll le força à sortir de sa cellule. Il s'arrêta devant ses parents, un effroyablement mauvais pressentiment lui tordant les tripes.

Egrim ressemblait beaucoup à sa mère. Elle avait les mêmes cheveux blancs, les mêmes yeux d'une inquiétante pâleur. Mais l'expression qu'il percevait, dans ce regard, ne le mettait pas du tout en confiance.

— On peut savoir ce qui t'a pris ? dit-elle d'une voix vibrante de colère. Tu t'es enfui de l'Institut...

— Je ne me suis pas enfui, répliqua Egrim malgré lui. J'ai eu l'autorisation de sortie.

Sans qu'il n'eût le temps de le voir venir, sa mère s'avança d'un pas et gifla son fils de toutes ses forces. Egrim perdit pied et s'affala contre le troll qui le tenait toujours solidement par le bras. Une larme de douleur et de honte s'échappa de ses paupières, mais il se refusa de gémir.

Au loin, un son étrange attira l'attention du groupe. Jean, témoin de la scène, s'était mis à gratter sa cage et à grogner entre ses dents.

— Maman, c'était important ! s'étrangla Egrim. Si je n'étais pas parti, mon amie serait morte. Je lui ai sauvé la vie. Et tu vois, je suis revenu après ! Je n'avais jamais eu l'intention de rester avec eux.

— C'est quoi, cette histoire ? intervint son père.

— Gardons les détails croustillants pour l'audience, vous voulez bien ? fit l'un des policiers.

Egrim leva des yeux écarquillés vers le troll. Une audience, vraiment ? Il s'était attendu à ce qu'on l'enferme. Mais il ne s'était pas imaginé que ça irait aussi loin !

Le policier traina Egrim hors de la salle. Il envoya un dernier regard triste à ses parents qui le suivaient, dans les bras l'un de l'autre. Son père avait une étrange expression neutre, indéchiffrable. Mais sa mère... elle semblait préparer un meurtre. Ses yeux lançaient des éclairs.

Egrim aimait ses parents. Mais de sa mère, il en avait toujours eu un peu peur. Il trouvait qu'elle réagissait souvent excessivement à ses bévues. Par exemple, quand il avait laissé la porte de leur appartement ouverte trop longtemps et que leur chat en avait profité pour s'enfuir, elle l'avait enfermé dans sa chambre pendant trois jours. Il avait cinq ans à ce moment-là, et il n'avait fait que pleurer pendant tout du long. Ou quand, à six ans, il avait fait pipi au lit après un cauchemar et s'était mérité une gifle au moins autant puissante que celle qu'il venait de recevoir.

Et ce n'était que le début d'une interminable liste.

Egrim serra les poings, se laissant guider par le policier qui l'entrainait dehors, vers une voiture blanche. Quand il disait aimer sa famille, en fin de compte, il parlait principalement de son père et de sa grande sœur.

la légende de Nyirdall, Tome 1Where stories live. Discover now