Chapitre 60

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— Vous êtes sûr de vous ?

Leerian hocha la tête. C'était la cinquième fois que le nain lui posait la question. En même temps, comment lui en vouloir ? Ce n'était pas tous les jours qu'on demandait à un inconnu de l'attacher à un arbre avec une chaine d'argent.

— Je vous l'ai dit... c'est juste une expérience.

— Oui, oui. Vous voulez voir si vous êtes capable de vous détacher vous-même. C'est quand même très bizarre.

— J'ai déjà été enlevé par des pirates, vous savez.

— Ouais, j'en ai entendu parler. Il parait que vous valez cher.

Leerian hocha à nouveau la tête. Puis il grimaça, ses bras nus entrant en contact avec la chaine. Il était assis contre un palmier, les yeux fermés, pendant que le nain terminait de l'attacher solidement. Il préférait ne pas ouvrir les yeux, puisque les effets de la pleine lune lui refilaient des hallucinations. Il apercevait Mishi et Danayelle, tout juste devant lui, chuchoter des commentaires qui ne voulaient rien dire. Il savait qu'elles n'étaient pas réelles, car, la dernière fois qu'il s'était risqué à regarder, il voyait en travers comme des spectres. Ça lui avait fait un tel choc qu'il valait mieux ne plus se fier à sa vue. Il entendait encore les murmures, comme le souffle du vent contre ses longues oreilles, mais il n'arrivait pas à en distinguer des mots.

— Voilà, vous êtes solidement attaché.

— Merci, fit Leerian d'un ton étrangement rauque. Maintenant... regardez dans ma poche, là.

Le nain s'agenouilla pour atteindre la poche droite de son pantalon. Il y inséra ses gros doigts boudinés et en ressortit avec trois petites pierres précieuses trouvées sur Ashgar, toutes vertes. Par le souffle saccadé qu'il lui envoya à la figure, Leerian n'avait pas de doute que celui-ci était heureux de son payement.

— Oh ! Merci énormément, l'elfe !

— Pas de quoi. Tu peux me laisser, maintenant. Tu reviendras demain, quand le soleil sera réapparu... pas avant.

— D'accord. À demain !

Leerian lui fit un mince sourire, s'efforçant de paraitre d'une bien meilleure humeur de ce qu'il était vraiment. Il ouvrit même les yeux pour l'occasion, mais le regretta aussitôt en apercevant le décor de palmiers géants, derrière le nain, se distordre et se pencher dans tous les sens. Et le ciel, où se mêlaient d'étranges teintes de rose, de vert et de violet, semblait plus foncé que la dernière fois.

— Encore une chose... Il est quelle heure ?

— À peu près vingt heures. Le soleil va bientôt se coucher ! Bonne nuit, l'elfe.

Le nain tourna les talons et disparut derrière les palmiers. Leerian, lui, avait été incapable de lui répondre. Il était évident qu'il n'allait pas passer une bonne nuit.

À sa droite, l'hallucination de Mishi fit un commentaire. Celui de Danayelle pouffa de rire. Et derrière eux apparurent d'autres gens, auxquels Leerian se dépêcha de fermer à nouveau les yeux. Il savait trop bien qui risquait de lui rendre visite cette nuit, et ça suffisait à le rendre fou à chaque fois.

Ses parents.

Leerian prit une grande inspiration, tête baissée, se tortillant tout en s'efforçant de ne pas toucher ses bras nus sur la chaine d'argent. Le mal de crâne qu'il ressentait depuis un moment déjà montait progressivement, devenant de plus en plus douloureux. Il se sentait lourd, nauséeux. Et il avait faim. Tellement faim...

Ça va aller... je suis solidement attaché, je ne blesserais personne. Tout va bien se passer...

*

la légende de Nyirdall, Tome 1Where stories live. Discover now