Chapitre 10

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-Quel bras ? Ai-je dit, déstabilisée.
J'ai profité de ma réplique pour dissimuler plus mon bras droit derrière la porte et faire revenir la lumière à son point normal. Quand elle m'a entendue, Esther a gloussé nerveusement.
-Étant donné que tu en as deux, je suis pas sûr que ça ne prête à confusion, a finalement répondu Ethan.
-Ça me laisse quand même une chance sur deux de me tromper, ai-je répliqué. Tu veux entrer ?
-Je veux bien, on gèle dehors.
Il a apparemment laissé tomber pour mon bras, mettant probablement ça sur le compte d'une hallucination ou de la fatigue. Et s'il ramenait le sujet, je pourrai toujours prétendre qu'il avait pu le remarquer à cause de ma guérison miracle.
Ethan est rentré et s'est affalé sur la chaise qu'Esther venait de libérer pour se faire réchauffer les restes de la conserve de chili con carne. Elle nous en a proposé, mais nous avons l'un comme l'autre refusé poliment.
-Alors, que nous vaut cette visite ? Ai-je demandé en m'asseyant en face d'Ethan.
-Vous n'avez pas trouvé de moyen de se barrer d'ici, je me trompe ? A-t-il répondu.
Répondre à une question par une autre question n'était jamais très sympa, mais il avait l'air assez désespéré pour que je laisse passer. J'ai fait non de la tête.
-On n'a pas de téléphone, de radio ou n'importe quoi qui nous permette de contacter l'extérieur, et ce serait suicidaire de se lancer en mer sans savoir où aller, a expliqué Esther. Jana, comment t'allumes ça ?
Elle galérait avec le micro-ondes. Je me suis levée pour aller l'aider.
-Donc il faut commencer à gérer ce coin, a conclu Ethan.
-Comment tu vas faire ça ? Me suis-je enquise. Vu le bordel que c'est déjà, ça va faire pas mal de boulot.
-Faut instaurer des règles, les faire appliquer et garder Graham hors de la ville, principalement.
Esther a mis son bol de chili à tourner une première fois, et s'est rendue compte trente secondes plus tard qu'il était en mode décongélation. J'ai arrêté le truc et mis le bon mode.
-T'as du mal avec la technologie, hein, ai-je lancé. Ça me paraît déjà beaucoup, ai-je ensuite commenté à l'attention d'Ethan.
-Elle a raison, a étayé Esther ; les règles, faut les écrire, dire qui est autorisé et qui n'est pas autorisé à les écrire, et tous ces trucs qu'on fait quand on essaie de s'organiser.
Son bol de chili était finalement réchauffé, et je suis retournée me rasseoir pendant qu'elle a commencé à fouiller les tiroirs pour se trouver des couverts.
-Oui, ça va être compliqué si les gens continuent à muter, a lâché Ethan.
L'atmosphère de la pièce a été violemment alourdie d'une tonne. Esther s'est figée un quart de seconde, et s'est remise à chercher des couverts avec des gestes nettement plus saccadés qu'avant. Quand à moi, je me suis affalée un peu plus sur ma chaise.
-Melanie m'en a parlé, a-t-il dit finalement. Elle est venue me dire qu'elle avait à son actif quatre ou cinq guérisons miracles, dont toi. Je suis venu vérifier.
-Super, elle est pas toute seule, ai-je dit rapidement.
Au tour d'Ethan de se pétrifier. J'ai attendu quelques secondes qu'il avale le choc, puis ai repris.
-Lumière, et glace, ai-je expliqué en désignant Esther et moi tour à tour.
-Mettons, a articulé avec peine Ethan. Pourquoi pas tout le monde ?
-OK, OK, a fait Esther, stimulée à cette idée. A notre connaissance, on est trois sur presque deux cents personnes.
-Faut trouver le facteur commun, ai-je proposé.
-Quoi ? A fait Ethan.
Esther s'est assise et a commencé à manger son chili en écoutant ma réponse très attentivement.
-C'est un truc de film policier. Faut trouver les points commun entre nous trois, comme une caractéristique physique, un endroit où on est allée ou une personne qu'on connaît, et de là, on peut remonter au serial killer. Ou au facteur de mutation, en l'occurrence.
Je n'étais peut-être pas un petit génie comme Esther semblait l'être, mais les concepts ou les faits évoqués dans des séries ou des films, je m'en souvenais, et Dieu savait que j'en avais regardé, des films et séries. Ethan s'est redressé et a plaqué ses mains sur la table.
-D'accord, alors allons-y, a-t-il fait.
-On est toutes des filles, pour commencer, a proposé Esther.
-Et je crois qu'on a toutes le même âge, ai-je ajouté.
-Tu viens de Hollande, a rappelé Ethan, donc ça m'étonnerait que ça aie rapport avec là où vous êtes nées ou là où vous avez grandi.
-Et physiquement, on ne se ressemble pas, a conclu Esther. Et par rapport au déplacement physiques ?
-On a traîné ensemble pour une bonne partie de la journée, ai-je dit. Et je n'ai vu Melanie que tout à... Si !
-Quoi ?
J'ai tiré du tas qui traînait sur la table la carte avec laquelle Esther et moi nous étions orientées pour rejoindre le village lors du deuxième trajet, et pointé le coin par lequel on avait fait un détour.
-Blumenfeld, ai-je souligné.

Échoués (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant