Chapitre 18

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Le choc passé, j'ai réfléchi encore quelques secondes et me suis défaite à mon tour de mon t-shirt.
-J'en ai un ou pas ? Ai-je demandé à Ethan avec un ton pressant.
Il s'est relevé du lit et a vérifié.
-La même, a-t-il dit d'un ton accablé. VWR International. Tu sais ce que c'est, c'est quoi ?
-Une multinationale hollandaise. Je passais devant leur siège social tous les matins pour aller à l'école.
-Et ils font quoi ?
-De la recherche et des médicaments, principalement.
La bouche d'Ethan s'est étiré en un long sourire sarcastique, ce qui était plus mon genre que le sien.
-De la recherche, Jana, a-t-il répété.
-De la recherche, ai-je dit en hochant la tête. De la putain de recherche, Ethan.
On avait l'air de deux débiles. Non, on était deux débiles. Ethan a ramassé son t-shirt et a tapé dessus pour le défroisser un peu, sans succès.
-Arrête de dire « putain » tout le temps, a-t-il ensuite dit.
-Attends, tu m'excuseras deux minutes, hein, je me rhabille.
J'ai récupéré mon t-shirt et l'ai remis, et après réflexion, ai aussi enfilé le pull que j'avais laissé sur la table de nuit ce matin. Je m'étais assez dénudée pour la soirée, et la partie asociale de mon cerveau a poussé un soupir de soulagement. L'autre a retourné la petite table du salon.
-Je peux pas, c'est ma devise, me suis-je finalement défendue.
-Tu as choisi un gros mot comme devise, a-t-il constaté.
-Hé, hein ! C'est quoi ta devise ?
Il a pris deux secondes pour réfléchir à une réponse assez sarcastique pour moi.
-« Essaie encore, hippopotame » ?
-OK, je m'incline. Faut qu'on aille prévenir Esther.
-Pour commencer, oui, ce serait pas mal, a approuvé Ethan.
-Je vais vérifier un truc, t'as qu'a m'attendre dehors, ai-je proposé.
Il a hoché la tête, haussé les épaules et est sorti de la chambre. Avant de faire de même, je suis aussi allée prendre une veste.
Je ne l'ai pas enfilée et suis descendue dans la réserve, pour inspecter les rayonnages. Au bout de deux minutes de prospection, j'ai trouvé la trousse de secours, en ai vérifié le contenu et suis remontée avec. Ethan m'attendait dehors.
-J'aurais dû prendre une veste, a-t-il dit.
J'ai agité la mienne.
-Je suis pas sûre qu'elle t'aille.
-Moi non plus. Laisse-moi juste m'asseoir dans une ruelle et mourir de froid.
Il a fait mine de s'éloigner en affichant un sourire affable.
-Pas de problème. Amuse-toi bien ! Ai-je fait en agitant la main comme pour lui dire au revoir.
-Parfait ! A-t-il fait en feignant d'être vexé.
Je l'ai rattrapé en saisissant fermement sa main.
-Je veux pas être la rabat-joie de service, hein, mais on devrait peut-être se dépêcher, ai-je dit.
Il a acquiescé et a repris le bon chemin, mais n'a pas lâché ma main. Je n'ai rien dit et n'ai pas laissé tomber la sienne non plus, et nous sommes restés ainsi pendant tout le trajet. Je n'étais peut-être pas du genre tactile ou bavarde d'ailleurs, mais c'était le genre de contact humain qui me donnait envie de l'être. En entrant dans l'hôtel de ville, on s'est spontanément lâchés.
-Surprise ! Ai-je crié en entrant en trombe.
Esther a manqué de tomber de sa chaise, et a posé la main sur son cœur en respirant bruyamment jusqu'à ce qu'elle aie amorti le choc.
-J'aurais pu mourir d'une crise cardiaque ! M'a-t-elle réprimandée après s'être calmée.
-Tu pourrais essayer de nous faire une combustion spontanée, la prochaine fois ? Ai-je rétorqué. Ce serait plus classe.
-C'est un mythe, a-t-elle dit en tassant une pile de feuilles.
-Tu sais pas, t'as pas essayé, ai-je dit.
Ethan et moi nous sommes rassis sur les chaises que nous avions laissés vides en partant. Esther, au plus fort de sa créativité d'insomniaque, avait visiblement inventé un code couleur dont elle avait marqué la légende sur ses feuilles. Les cartes étaient maintenant parsemées de points, de flèches et de liserés. Je n'ai même pas essayé d'y comprendre quelque chose.
-Qu'est-ce qui vous amène ? A demandé Esther.
-Une nouvelle découverte, a répondu Ethan.
-Laquelle ?
-Montre-lui, ai-je dit à Ethan. J'ai trop de couches à enlever, moi.
Il a hoché la tête, trouvant mon argument acceptable, et s'est levé pour enlever son t-shirt.
-Wowowow, a coupé Esther ; épargne-moi ça, on a vu assez d'horreurs pendant la guerre !
-C'est fou comme je déteins sur vous, ai-je commenté.
-Bref, hein, finissons-en rapidement, a continué Ethan.
Il a montré son nouveau tatouage tout beau tout neuf à Esther, qui a lu le nom de l'entreprise avec une expression perplexe. Je lui ai expliqué ensuite de quelle entreprise on parlait.
-Et t'en sais pas plus, à part que c'était sur le chemin de ton école ?
J'ai fait non de la tête.
-Et comment vous avez découvert ça ?
J'ai refait non de la tête. Esther s'est empressée d'objecter, mais elle a dû comprendre et est passée à autre chose, le gros de la question.
Comme tous trois semblons terrifiés à l'idée de traduire en mots la vraie inquiétude qui venait de nous gagner, j'ai décidé de rentrer dans le lard du sujet.
-Donc en gros, là on est juste en train d'être des rats de laboratoire ? Ai-je demandé après son moment de réflexion.
-Visiblement, oui, a répondu Esther.
-Mon Dieu, a soupiré Ethan.
-Comme tu dis, ai-je rajouté.

N/A : Lecteurs actifs, vous êtes des amours et vous rendez mon expérience sur Échoués plus enrichissante que jamais. Bisoux magiques.

Échoués (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant