1 - Breaking bad

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J'allais m'assoupir dans le grand fauteuil en cuir, devant la baie vitrée, lorsque la sonnerie stridente de mon téléphone retentit. Une de ces vieilles crécelles qui vous vrille les tympans. Ça me rappelle les années cinquante. Ou trente. Je ne sais plus. J'oublie, maintenant.

Je jetai un coup d'œil menaçant au téléphone posé à deux mètres de moi sur la table basse. Avec un peu de chance, il finirait par s'éteindre et me laisser dormir tranquille, bercé par le son hypnotique de la pluie battante qui frappait la baie vitrée. Mais vous vous doutez bien que si l'histoire commence avec une sonnerie de téléphone, cela tend à indiquer que le narrateur finira par y répondre. Je décrochai et la voix surexcitée de Colibri me parvint, malgré la distance.

- Heath ! J'étais sûre que tu tentais de m'ignorer ! Tentais, seulement, hein ? Tu as gardé ta sonnerie épouvantable, j'espère ? Dis-moi, où tu es, j'ai besoin de te voir tout de suite !

- Je ne suis pas à Paris, Colibri, je...

- Mais je m'en fous ! Je te dis que j'ai besoin de toi maintenant ! Alors dis-moi où tu es, je te rappatrie dans l'heure !

- Je suis à Osaka, soupirai-je en m'approchant de la baie vitrée.

Le temps était parfait. Mais pas assez parfait pour empêcher un avion de décoller.

- Idéal ! lança Colibri.

Je ne sais pas pourquoi, mais elle adore ce mot. Elle l'emploie sans se lasser. Je l'imaginai, avec son mètre quarante-sept, les pieds dans le vide, pianotant à la vitesse de l'éclair sur son ordinateur dernier cri.

- J'ai un vol Tokyo-Paris, une escale, ce soir à sept heures, heure locale. Et il fera moche comme tout ici, tu vas a-do-rer.

De mon côté, j'avais eu le temps de vérifier la météo parisienne sur la tablette que Colibri m'avait offerte l'année dernière. Je mis un peu de temps avant d'accéder à l'application, mais en effet, le temps sur Paris s'annonçait exécrable.

- Heath, je te veux à Tokyo, passeport à la main, ce soir pour l'embarquement.

- Si au moins vous m'expliquiez...

- Je te paie le voyage, Heath, ne me demande pas de payer aussi la communication.

Avant qu'elle m'eût donné le temps d'insister un peu, l'agaçante tonalité du téléphone remplaça le ton enthousiaste du médecin-légiste Colibri. Une bourrasque fit voler des feuilles mortes de ginko, et je tirai de ma poche une tablette de Desoxyn. La journée promettait d'être longue.

*

Paris sous la pluie, quel ravissement ! À l'aéroport, ce n'était pas Colibri qui m'attendait, mais le commissaire Jayvart. Il n'y a pas plus Français, ni plus raciste. Encore heureux qu'il soit persuadé que je suis Anglais – et pas Roumain – il serait capable de me mettre en garde à vue préventive. Et ça ne signifie pas qu'il aime les Anglais, je vous rassure.

- J'attends depuis une heure, Heath ! Et vous ramenez la pluie, évidemment... grogna Jayvart en claquant la portière de sa Clio. Colibri a intérêt à vous trouver une utilité, cette fois. Mais quel froid ! Bon Dieu ! On peut dire que vous savez réchauffer l'ambiance...

- Vous et votre légendaire amabilité m'avez manqué tout autant, commissaire.

L'énorme moustache blonde de l'homme frémit, il pinça les lèvres et écrasa le volant comme s'il se fût agi de mon cou – enfin, c'était la seule métaphore qui me fût venue à l'esprit. Il démarra sur les chapeaux de roue, et ne lâcha plus un mot de tout le voyage.

Il faisait une nuit d'encre lorsque nous arrivâmes devant les locaux médicaux. Colibri devait être en train de siroter une tisane et de mon côté je me demandais quel était le risque pour que Jayvart décide de me faire mettre sous les verrous pour consommation de méthamphétamine à la vue du Desoxyn.

À ce sujet, laissez-moi vous rassurer, vous n'êtes pas tombés sur une imitation littéraire de cette amusante série télévisée – Breaking Bad, si ma mémoire et les références de Colibri sont bonnes. Je suis simplement atteint depuis ma naissance d'une maladie génétique particulièrement invalidante : la maladie de Gélineau, aussi connue sous le doux nom de narcolepsie. J'ai fini par être diagnostiqué en 1910, et je parviens à vivre correctement à l'aide de stimulants et en m'évitant toute émotion trop violente.

- Ah ! Jayvart ! Pas trop tôt ! Mais qu'est-ce que vous foutiez, mon vieux ?! Je vous attends depuis une heure ! Entrez, il fait un de ces froids !

Et avec le docteur Colibri, cela peut s'avérer difficile.

- Heath, tu as fait bon voyage ? J'ai du café qui t'attend, en bas.

En bas. Ça signifiait que j'aurais l'autorisation de boire mon café en compagnie du potentiel cadavre pour lequel le médecin-légiste avait besoin de mon expertise. Immédiatement, Jayvart protesta :

- Colibri ! Vous m'aviez dit qu'il ne verrait que des photos ! Vous savez très bien qu'il n'y a pas de déroga...

- Commissaire, vous restez ? fit semblant de s'étonner la petite femme qui leva un sourcil derrière ses épaisses lunettes.

Jayvart lui lança un regard noir, mais cessa de protester. Je lui accordai un sourire amical, il grogna, et j'avalai un comprimé de Desoxyn dans son dos – le café de Colibri est un véritable jus de chaussettes. En m'engageant dans les couloirs impersonnels éclairés au néon, j'eus le sentiment qu'une odeur étrange, différente de ce à quoi j'avais l'habitude, plânait dans les airs.

*

Hello !

Merci beaucoup, beaucoup pour votre lecture :-D

C'est la première fiction que je poste ici, j'espère qu'elle vous plaira. N'ayez aucun remords à poster des critiques, disons que cette histoire est encore au stade embryonnaire ;-)

Si vous voulez en savoir plus sur moi, toutes les infos sont sur le profil, je n'en dis en règle générale pas plus.

Il y a une page facebook pour cette fiction, une autre pour une série de romans que j'ai auto-publiés ces sept dernières années. Ils sont formidables, allez les lire (non, je déconne, mais vous pouvez quand même aller les lire). Il y a même un site web (ouaouh !) sur la dite-série, qui est terminée.

Pour le reste, les habitués de mes délires le connaissent déjà, mais les nouveaux risquent d'être surpris par les interventions de Caillou : il s'agit de mon traducteur personnel. Comme je gagne au bas mot un euro par livre vendu, je ne le paie pas. Et comme mes personnages viennent souvent de pays lointains, je l'exploite. Donc ne vous étonnez pas s'il râle parfois dans les notes de bas de page.

Désolée pour le blabla inutile.

Bye !

Sea

PS : je précise que c'est une amie qui m'a fait la couv'. Je suis une quiche en écriture, mais vous n'imaginez pas ce que je peux provoquer avec un crayon de couleur...

Vampire ConsultantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant