2. Sale journée

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Rien ne s'est déroulé comme prévu. J'ajouterai même que ce fut un désastre complet. Aussi improbable que cela puisse paraitre, cette fille a montré une légère insensibilité à mon charme. Elle m'a carrément rembarré ni plus ni moins. Autant dire que mon égo en a pris un certain coup ! Il va falloir que je rattrape l'affaire, demain. Mais pour ça, il faut que je change de stratégie.

Pour débuter, j'opterai pour une tenue me mettant moins en valeur, peut-être pousserai-je le vice à m'affubler d'un bonnet aplatissant ma somptueuse crinière. Si j'attire moins l'attention en me fondant davantage dans la masse, elle devrait être déjà plus réceptive, car moins intimidée par ma personne. Rien n'est encore joué. Demain est un autre jour.

Tandis que je réfléchis à une nouvelle façon de faire, mon portable sonne. J'avise le nom qui s'affiche sur l'écran, laisse échapper un profond soupir et décroche :

– Allô ?

– Matthieu, comment va depuis le temps ?

– Bien et toi ?

– Tranquille. Je me disais qu'on pourrait faire un truc ensemble ce weekend.

– Désolé, vieux je suis déjà pris.

– Tu ne peux pas t'arranger ? Ça fait longtemps qu'on n'a pas passé un peu de temps tous les deux.

A son ton, je devine sa déception et ma culpabilité grandit.

– Arrête, tu vas me faire pleurer, je réplique dans l'espoir de détendre l'atmosphère.

– La ferme !

– Autre chose à ajouter, Léo ?

– Fais-moi signe lorsque tu seras moins occupé.

Il insiste sur ce dernier mot. Il n'est pas dupe de mes fausses excuses. Même si, pour le coup, cette fois c'est la vérité. J'espère bien être coincé ce weekend avec une certaine jeune femme du quartier.

– N'escompte pas trop, mais ça marche.

Ni l'un ni l'autre ne sais comment poursuivre la conversation aussi, pour éviter les silences gênants et lourds de sens, nous coupons court et raccrochons.

Rien de mieux pour vous miner le moral que de mentir à votre meilleur ami, une fois de plus. Depuis plusieurs mois, je multiplie les excuses bidon pour échapper à une rencontre. Difficile de déterminer, si je serai capable de le regarder en face. En toute logique, ma réticence ne doit pas non plus le surprendre. Depuis le début de toute cette histoire avec Emma, rien n'a jamais plus été comme avant de toute manière.

Léo et moi nous connaissons depuis notre plus jeune âge. Plus qu'un meilleur ami, il est comme un frère pour moi. Et c'est la raison pour laquelle la situation est si compliquée entre nous, à l'heure actuelle. Du coup, impossible de lui demander des conseils voire son aide.

Parfois, j'éprouve de la nostalgie, cette insouciance et cette joie de vie qui nous caractérisaient adolescent. J'ignore, même si je le souhaite, si nous parviendrons un jour à reconstruire notre amitié avant Emma. Dans ces moments-là, je parcours les photos de nous, sauvegardées sur mon PC. J'évite les plus récentes et surtout celles de nous trois réunis, m'attardant sur l'époque où nous étions gosses.

Le moral davantage dans les chaussettes, j'ouvre mon ordinateur portable afin de bosser quelques heures. L'inactivité m'insupporte au plus haut point. Comme pour l'instant, je ne peux pas faire grand-chose en ce qui concerne Hyacinthe, autant me montrer productif dans un autre domaine.

Les études n'ont jamais été mon fort, aussi dès que possible, je les ai interrompues. Par chance, j'ai fait la connaissance de Connor et ensemble nous avons créé une petite start up d'enquêtes et surveillances en tout genre. Ces dernières années, la société a pris une relative ampleur.

Il faut dire que notre rencontre avec un certain Liam Avish nous a bien aidés à décoller. Son cercle d'amis, tous des jeunes hommes self-made comme nous, mais disposant de fortune bien plus colossale que la nôtre représente un vivier important de clients, tous apportant avec eux leur relation et ainsi de suite.

Les heures s'écoulent plus vite que je ne l'aurais cru. Pourtant, je n'ai pas l'impression d'avoir abattu tant de boulot que cela. Pour l'essentiel, je me suis contenté de consulter les dossiers en cours qui ne se trouvent pas être si nombreux.

Soudain, une alarme se déclenche à l'extérieur. Il me faut un moment pour me rendre compte qu'il s'agit de celle de ma moto. Ni une ni deux, je m'empresse d'aller vérifier ce qui se passe.

– Ce n'est pas bientôt fini ce boucan ! me houspille la petite vieille de la maison mitoyenne de celle que je loue.

Ne surtout pas s'emporter. Rester poli et courtois. A sa place, je serais sans doute aussi énervé qu'elle. J'applique mon plus charmant sourire :

– Je l'arrête de ce pas, ne vous inquiétez pas.

– Jeune homme, je me dois de vous rappeler qu'ici on n'aime pas être dérangé intempestivement.

A l'entendre, on jurerait que j'ai agi exprès dans le but de la déranger.

– Parfait, car moi non plus, je rétorque espérant lui clouer le bec.

– Alors qu'est-ce que vous attendez pour éteindre votre engin de malheur ?

Je m'exécute aussitôt. D'un clic, sur le bouton de la télécommande et le vacarme s'arrête. Sans un remerciement ou un mot agréable, elle renifle, dédaigneuse, avant de rentrer chez elle. Pour les relations de bons voisinages, c'est loupé !

Je remporte mon attention sur mon précieux bien. Personne dans la rue. Ma bécane se trouve toujours à sa place. Par contre, je constate que les pneus sont à plat. En m'approchant de plus près, je remarque des entailles. Une personne bien attentionnée les a lacérés, d'après mon expérience, elle s'est servie d'un petit canif, de ceux qu'on emporte pour le camping. Je jette un nouveau coup d'œil dans les environs au cas où un détail m'aurait échappé. En vain. Le ou les coupables se trouvent déjà loin.

Bordel : qu'est-ce que c'est que ce bazar ? Je croyais que le charme de ces bleds paumés résidait justement dans la tranquillité. L'absence de délinquance. S'agit-il de gamins désœuvrés au sens de l'humour plus que douteux ? Ou suis-je personnellement visé ? Sauf que je ne connais personne ici. Je n'ai donc pas eu le temps de me prendre la tête avec qui que ce soit. Ma paranoïa me poursuit en dehors des heures de travail.

Avec mon téléphone, je prends des photos du saccage pour les envoyer à mon assurance. Je sais maintenant comment occuper pendant les prochaines heures. D'abord trouver le garage le plus proche puis m'y rendre. Tout ceci ne fait qu'augmenter ma colère. Dès que j'en ai fini avec ça, je suis bon pour me défouler en courant au moins une heure avant de me coucher. Génial, exactement ce qu'il me faut pour terminer cette journée en beauté ! J'aurais mieux fait de rester au lit ce matin. 

Le rire du destin !Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang