10. Premier rendez-vous

65 10 0
                                    

Ce début de victoire remportée m'offre un sursaut de regain. Il y a de l'espoir tout compte fait. Une fois installés dans ma voiture, j'ai à peine le temps de mettre la clé de contact et de démarrer que Hyacinthe actionne le bouton de l'autoradio. Le message est clair : elle refuse toute discussion. Je tourne la tête vers elle, accompagnée de mon sourire le plus charmeur. Manifestement sans succès puisqu'elle se concentre aussitôt sur la route qui défile.

Bien, comme elle le souhaite ! Après tout, si elle veut passer les prochaines heures à bouder, c'est son problème, pas le mien ! En ce qui me concerne, j'ai bien l'intention de vivre une bonne soirée quoiqu'il advienne.

Si Hyacinthe ne désire pas me faciliter la tâche, tant pis pour elle. De toute façon les rencarts romantiques ce n'est pas mon truc alors si ça se transforme en soupe à la grimace, je m'en remettrai.

Un peu plus tôt ce jour-là, j'ai repéré pendant mon jogging un festival de films en plein air dans un grand parc pas très loin. Ainsi, au pire, si Hyacinthe continue à se montrer peu coopérative, je n'aurai pas tout perdu puisque je me serais maté un bon film. D'ordinaire, je suis plutôt bon public.

Le parking prévu étant déjà bien rempli, je me trouve obligé d'effectuer un certain nombre de tours avant d'obtenir un espace dans lequel me garer. Je prends soin de ne pas oublier la couverture qui traine dans mon coffre pour je ne sais quelle raison. Un vestige sûrement d'un weekend passé avec Emma.

Je la tends à Hyacinthe et la laisse choisir où nous allons nous asseoir. Pendant, ce temps je vais nous acheter de quoi grignoter à l'un des stands ambulants situés à l'entrée du parc.

- Il nous reste quelques minutes avant le début du film. On devrait en profiter.

- Pour faire quoi ?

- Enterrer la hache de guerre. Je ne sais pas trop pourquoi, mais toi et moi ça a très mal commencé. Pourtant, il n'est pas trop tard pour reprendre à zéro.

- Quelle importance ?

- Eh bien, tout d'abord, je suis là pour un moment et bien s'entendre avec ses voisins me parait essentiel. En outre, de ce que j'ai pu comprendre ta vie sociale a cruellement besoin d'être sauvée, ça tombe bien, je suis disponible pour jouer les héros et te secourir. Dommage, je ne possède ni costume moulant ni cheval blanc, mais je devrais pouvoir me débrouiller sans.

- Tu m'as semblé d'acclimater facilement ! m'interrompt-elle.

Je me doutais bien que l'épisode Mia ne passerait pas inaperçu :

- Décèlerai-je une pointe de jalousie ? Quand bien même, je n'ai aucune difficulté à attirer les femmes dans mon lit, les occasions quant à elle, de créer de véritables liens avec elles s'avèrent plus rares.

Bien sûr, je ne précise pas que cela ne m'intéresse pas outre mesure. Hyacinthe ne réplique pas tout de suite. Elle réfléchit à ma réponse. J'ai peut-être enfin fait mouche. En tout cas, elle a perdu de son assurance. L'aurais-je déstabilisée ? Hélas, le début du film m'empêche d'approfondir la question.

Hyacinthe a choisi de placer la couverture près d'un tronc d'arbre assez costaud. Je m'adosse contre celui-ci. J'opte pour une certaine proximité avec Hyacinthe. Ravi, je constate qu'elle ne prend pas ses distances. Je m'en contente pour le moment préférant ne pas trop la brusquer,

Je savoure le contact de sa cuisse contre la mienne, de sa hanche contre la mienne, de son flanc contre le mien. Je devrais peut-être renouveler ce genre d'expérience avec ma prochaine copine. Pas certain que je parvienne à rester bien sagement assis par contre.

Le film dure deux interminables heures pendant lesquelles je réussis tant bien que mal à ne pas regarder dans sa direction et à ignorer le poids de son corps pesant de plus en plus sur moi. Je tente de paraitre détaché. Cette option semble fonctionner ces derniers jours.

Mon empressement à découvrir le trou que va prendre le reste de la soirée ne m'aide pas à me plonger dans les images diffusées.

J'attends un peu après l'apparition du mot « fin » sur l'écran. Je prends mon temps pour rassembler nos affaires. Voyant qu'elle ne se presse pas pour partir, sur un élan subit, je décide de lui faire une proposition :

- J'imagine que tu veux rentrer chez tes parents au plus vite. En tout cas, je ne sais pas toi, mais, je mangerais bien un morceau. Si ça te tente, tu peux te joindre à moi.

Elle semble hésiter, détaillant mon visage avant de s'arrêter sur mes yeux puis déclare :

- Pourquoi pas ?

Juste deux mots. Mais bon sang, l'effet qu'il produit chez moi ! Je me retiens de lui demander si elle est certaine de sa décision. Si j'effectue une danse de la joie, je casse toutes mes chances ? Elle se redresse et m'aide à replier la couverture comme si de rien n'était. Pendant que je jubile intérieurement. Un progrès significatif, enfin. L'espoir renait.

Soudain, je me rappelle qu'en désespoir de cause, en début de matinée, je me suis résolu à envoyer un texto à Molly afin de convenir d'un rendez-vous pour la soirée. Il ne me reste plus qu'à la décommander en toute discrétion. Le plus dur sera de trouver le bon moment.

Une fois dans la voiture, je laisse Hyacinthe me guider vers le restaurant de son choix. Hormis ses indications, elle demeure relativement silencieuse. Je dirais même pensive. Je payerai cher pour savoir le contenu de son esprit. Pourtant, je préfère m'abstenir de le lui demander. J'ai l'impression de marcher sur des œufs depuis le début de la soirée et je déteste ça !

Arrivé à bon port, je me gare non loin de l'entrée. Je sors et contourne la voiture à la hâte afin d'ouvrir la portière à Hyacinthe en gentleman que je suis. Je pousse la mascarade jusqu'à lui proposer ma main pour l'aider à s'extraire de l'habitacle. Elle me regarde surprise, ce qui ne l'empêche pas de poser sa main sur la mienne. Ce contact pourtant banal provoque une sensation étrange et plutôt agréable en moi.

Alors que nous consultons le menu, enfin pour ma part, Hyacinthe se décide à rompre son mutisme :

- On ne se connait pas vraiment tous les deux, mais je préfère être franche avec toi : quel que soit ce que tu cherches, je ne suis pas intéressée.

- Comment peux-tu le savoir sans essayer ?

- Je le sais, c'est tout.

- Mais encore ?

- Tu ne lâcheras pas l'affaire n'est-ce pas ?

- Non, pas tant que tu ne m'auras pas donné une raison valable de le faire !

Aux prises avec Hyacinthe qui refuse de se laisser faire plus que nécessaire, j'en oublie Molly. Aussi, quand je raccompagne chez ses parents une Hyacinthe préoccupée, je trouve Molly, assise sur les marches de mon perron.

/^V

Le rire du destin !Where stories live. Discover now