13. imprévus en chaine

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Tout compte fait, je suis contraint de demeurer en ville le restant de la semaine. Car, une fois dans les locaux de la société, il m'a fallu m'occuper d'un certain nombre de problèmes. Je me demande à quoi ça a servi que j'en délègue une partie conséquente à mes employés. A croire qu'ils ne parviennent pas à se passer de moi plus de deux jours ! Alors que, d'ordinaire, c'est à peine si on me sollicite. Et tout d'un coup, je deviens indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise.

Bien évidemment, Tommy a entendu parler de mon retour. Il ne cesse de me bombarder de textos pour que nous nous voyions. Ce que je réussis à éviter d'accepter de justesse. Je ne souhaite pas qu'on aborde le sujet de Hyacinthe pour le moment. Certes, je dois reconnaître que c'est moi qui aie relancé le débat en envoyant ce texto, mais j'estime préférable qu'il en sache le moins possible.

Son jugement négatif sur la situation, je le connais déjà par cœur. Inutile de me taper une énième leçon de morale de sa part. Pourquoi refuse-t-il de concéder que si nous sommes d'accord sur l'objectif ce ne sera jamais le cas concernant les moyens pour y parvenir ?

Je ne le pense pas capable de me trahir en prenant contact avec le père de Hyacinthe ou pire directement avec elle. Mais maintenant que je touche au but, la prudence est plus que jamais de mise. D'autant que je ne sais toujours pas ce qui cloche du côté de Hyacinthe pour que son comportement soit si étrange. Peut-être est-ce juste moi qui lui fais cet effet. Peut-être qu'elle a peur. Mais tant que je ne connaitrais pas la réponse à cette question, je continuerai à marcher sur des œufs avec elle.

Je lui ai donc envoyé un second texto deux jours après le premier :

« Je me suis absenté pour quelques jours. Très affectueusement M »

Je ne lui dis pas que je la verrais à mon retour de crainte de lui laisser ainsi l'opportunité de me faire faux bond. Moins elle saurait à quoi s'attendre et plus j'aurais de chance de parvenir à mes fins. Pour le moment, cette stratégie a plus tôt bien fonctionné. La mettre devant le fait accompli m'évite un refus catégorique.

Après une longue et interminable semaine de travail, je suis enfin de retour. Le boulot ne m'a pas permis d'oublier Hyacinthe durant ces quelques jours. Bien au contraire, je n'ai cessé de penser à elle. Qu'est-ce qui cloche chez moi ? Pourquoi cette femme m'obsède-t-elle autant ?

Me voilà de nouveau devant la porte de chez ses parents. J'ai pris soin de vérifier qu'elle s'y trouve bien. J'ai également attendu un peu pour déterminer si elle est seule. Ce qui est le cas puisque j'ai vu sa mère et son père quitter le domicile peu de temps après mon arrivée dans leur rue. Je ne pourrais pas toujours compter sur l'aide de sa mère donc autant faire sans cette fois-ci.

Je ne saurais dire pourquoi, mais j'éprouve le besoin de savoir que si elle accepte de me suivre, c'est parce qu'elle en a envie. C'est ridicule, je le sais pertinemment, mais je ne peux pas m'en empêcher. Foutu égo ! Après tout qu'est-ce que ça peut bien faire ? Le principal est qu'elle tombe dans mes filets, peu importe la manière, seul le résultat compte.

Je frappe donc à la porte avec insistance jusqu'à ce que j'entende ses pas de l'autre côté. Je m'arrête afin de la laisser parvenir jusqu'à moi. Quand le bruit de ses pas cesse, il s'écoule quelques secondes avant que la poignée ne se tourne. Inconsciemment, je retiens mon souffle pendant ce bref instant qui me parait durer bien plus longtemps :

— Salut, me lance-t-elle en entrebâillant la porte.

Je la salue à mon tour, tout en prenant soin de me placer de telle sorte que mon pied l'empêchera de renfermer la porte.

— Que viens-tu faire ici ?

Je remarque alors qu'elle a les traits particulièrement tirés aujourd'hui. En fait, elle n'a pas l'air d'aller bien :

— Tu as une mine épouvantable !

— Je te remercie pour le compliment.

Comme prévu, elle tente immédiatement de refermer la porte, ce qu'elle ne parvient évidemment pas à faire. Elle baisse les yeux pour voir ce qui fait obstacle. Elle avise mon pied puis lève les yeux vers moi, attendant visiblement que je le bouge. Ce que je refuse de faire. Un soupir s'échappe de ses fines lèvres roses. Elle m'observe d'un air las avant de reprendre la parole :

— Je ne suis pas d'humeur, aujourd'hui aussi, j'apprécierais que tu dégages ton pied de là.

— Je le ferai à condition, que tu viennes avec moi.

— Je viens de te le dire, je ne suis pas en état. J'ai très mal dormi cette nuit, je suis crevée.

— Raison de plus pour m'accompagner. Et puis il faut bien que tu te nourrisses.

Elle hésite, pesant sans doute le pour et le contre. Avec son pied, elle pousse le mien avec violence et claque la porte avec force. Surpris et frustré, j'ignore quoi faire. Je reste donc planté là. Quelques minutes plus tard, la porte se rouvre sur une Hyacinthe prête à m'accompagner. Perplexe, je m'abstiens de tout commentaire de crainte qu'elle ne retourne à l'intérieur. Elle ne se force pas pour me faire sentir à quel point elle vient de mauvaise grâce.

Une fois dans la voiture, je me tourne vers elle :

— Tu n'as qu'à fermer les yeux. Je te réveillerais quand on arrivera.

— J'ai besoin de bien plus que quelques minutes.

— Que dirais-tu de deux heures ?

— Deux heures ! Tu te fous de moi ?

— Pas le moins du monde.

— Où est-ce que tu m'emmènes ?

— Tu verras bien. En attendant, repose-toi.

Elle s'apprête à répliquer, mais finalement change d'avis pour se caler contre la fenêtre et fermer les yeux. Nul doute qu'elle est vraiment épuisée. Lâcher l'affaire avec autant de facilité ne lui ressemble pas. Pour peu, je m'en inquiéterai.

Hyacinthe s'endort dès que je démarre la voiture et ne se réveille pas de tout le trajet. Sa poitrine se soulève d'un rythme régulier et son visage traduit un apaisement relatif. Pourtant, son état me préoccupe. Mais je devais reconnaître que, d'un autre côté, il arrange bien mes affaires en la rendant plus docile ! Voilà un adjectif que je ne pensais pas pouvoir un jour appliquer à Hyacinthe !

La voiture garée, j'ôte ma ceinture de sécurité et me rapproche doucement de Hyacinthe. Du bout de mes doigts, j'effleure avec délicatesse sa joue tout en lui murmurant que nous sommes arrivés et qu'il faut qu'elle se réveille. Elle entrouvre à peine les paupières tout en marmonnant. Impossible de donner du sens à ses propos.

Voyant que je ne lui réponds pas, elle ouvre complètement les yeux. Nos deux visages se trouvent presque collés et nos regards plongent l'un dans l'autre. Je l'entends déglutir péniblement avant de se passer machinalement la langue sur les lèvres. Je savoure cette vision annonciatrice de tant de délicieuses promesses. Son regard ne lâche pas le mien. Dans ses prunelles, je découvre comme une attente voire une demande à satisfaire.

Un moment comme celui-là ne se représentera peut-être pas de sitôt. Il ne faut donc surtout pas que je le gâche. Je dois rapidement décider de ce que je compte faire. Faut-il profiter de cette opportunité pour passer à l'étape suivante et l'embrasser ? Ou bien est-ce encore trop tôt ? Si je m'empare de ses lèvres, est-ce que je dois lui donner un baiser tendre ou un passionné, intense ou violent ? Suis-je seulement capable d'aller au-delà du chaste baiser considérant que je n'éprouve rien pour elle ?

Bon sang ! Je ne me suis jamais posé autant dequestions avant d'embrasser une femme. Je me sens comme un de ses adolescentspeu sûr de lui, face à sa première petite copine potentielle. A savoirmaladroit et idiot ! Mais qu'est-ce qui m'arrive à la fin ? Pourquoi tant depressions pour une femme sans importance ?     

Le rire du destin !Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora