9. Place à l'action

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Ma conversation avec Molly est restée sur ce mode mi-taquin mi-séduction. En fait, il s'agit d'une fille encore plus perspicace et intelligente que je ne le pensais. Je crois qu'elle a compris que si elle voulait avoir ses chances avec moi, foutre la merde dans ma vie et/ou faire une crise de jalousie ne fonctionnerait pas. Non, elle me semble plus calculatrice que cela. Qu'elle mise sur le long terme ne m'étonnerait pas.

Après tout, il est évident qu'avec Hyacinthe ça n'a aucune possibilité de durer. Si tant est que je parvienne à quelque chose avec elle. Et ne pas juste attirer son attention. Etant donné que le repas chez elle parait avoir porté un peu ses fruits, je décide de tenter un rapprochement avec sa mère.

Me voilà donc en train d'effectuer mes courses sur la place du marché de la ville. Lors de mes recherches sur Hyacinthe, j'ai remarqué que Camille se rend ici tous les mercredis. A force d'errer dans les allées, je finis par la découvrir au moment où elle quitte les lieux. J'accélère le pas et la rattrape devant sa voiture.

– Un peu d'aide ? Je lui propose en m'emparant de ces achats.

– Matthieu, quel plaisir de vous revoir. Encore désolée pour le comportement de ma fille la dernière fois. Comme vous avez pu le constater depuis, dans le quartier les jeunes gens ne font pas légions. Il est dommage que vous ne parveniez pas à vous entendre tous les deux.

– Ne vous inquiétez pas, j'ai trouvé Hyacinthe charmante.

- Vraiment ? insiste-t-elle la mine dubitative.

– Tout à fait.

– En ce cas, peut-être que vous voudriez prendre l'apéritif ce soir.

– Volontiers.

Et voilà, le tour est joué. Il n'y a plus qu'à espérer que cela se déroule mieux que la fois précédente.

Je pensais avoir marqué des points auprès de Hyacinthe, que nous avions franchi une demi-étape. Et pourtant, je me retrouve sur le canapé de ses parents, son père installé dans le même fauteuil que lors de notre première rencontre, à regarder une course automobile. Le tout en silence ! Ce type n'est pas du genre loquace ou alors c'est moi qu'il ne peut pas encadrer ! Cela n'a pas d'importance. Du moment qu'il ne se mêle pas de ma future relation avec sa fille, il peut bien penser ce qu'il souhaite de moi.

A peine arrivé, Hyacinthe a proposé que je tienne compagnie à son père pendant qu'elle aide sa mère dans la cuisine. Non, mais sérieusement, elle se paye ma tête ! Comme s'il éprouve un quelconque besoin qu'on lui tienne compagnie. Il ne semble pas se rendre compte de ma présence. Cette situation me rend furax. Pourtant, je me contiens et ne laisse rien paraitre. Pas question qu'elle pense avoir remporté une nouvelle manche. Je m'oblige donc à fixer cet écran inintéressant au lieu d'aller fureter dans la pièce d'à côté et me rappeler au bon souvenir de la jeune femme.

Jamais, je n'ai attendu après une fille jusqu'à maintenant. La plupart du temps, je préfère les retrouver directement quelque part lorsque je leur donne rendez-vous comme ça si elle me laisse en plan, j'ai de quoi me rabattre. Histoire de ne pas être venu pour rien.

La seule exception a été Emma. Elle, je pourrais patienter longtemps. D'ailleurs si on y réfléchit c'est en quelque sorte ce que je fais. Mais Emma n'est pas une fille ordinaire : pour moi, elle représente depuis toujours un être à part. Un être qui est parvenu dès le début à illuminer ma vie et qui en retour arrive, avec une facilité déconcertante, à me faire faire tout ce qu'elle souhaite.

Enfin, ce n'est pas le moment de penser à une autre femme, même si ces derniers temps l'image d'Emma se rappelle à mon bon souvenir avec de plus en plus de régularité. Pourtant, Hyacinthe n'a rien en commun avec elle. Emma respire la joie de vivre, dotée d'un caractère doux. Elle sait faire preuve d'une très grande perspicacité. Et que dire de son regard bien à elle sur le monde ?

En toute honnêteté, je dois bien admettre qu'elle a comme nous tous des défauts, mais ce n'est pas ce que je retiens, là aujourd'hui qu'elle ne se trouve plus auprès de moi. La mémoire possède cette faculté à sélectionner les souvenirs selon ce qui nous est le plus agréable. Sans doute est-ce le cas concernant Emma.

Un crissement de pneu provenant de la télévision me tire de mes réflexions. Je consulte l'heure sur l'horloge murale au-dessus de l'écran. Le temps commence à se faire long depuis que Hyacinthe m'a planté là. Est-ce qu'elle en a profité pour s'éclipser à mon insu ? Elle n'oserait pas, n'est-ce pas ? Qu'est-ce qu'elle peut bien trouver de mieux à foutre ? Bordel, mais pour qui se prend-elle ? Je doute qu'elle ait tant de succès que ça, pour se permettre de traiter le seul type qui lui montre un minimum d'intérêt, de la sorte. Il est urgent que cette nana redescende sur terre !

Avec elle, ma patience est mise à rude épreuve. Non pas que j'en possède déjà beaucoup à la base depuis mon arrivée dans ce trou paumé. Peut-être qu'elle n'a pas toute sa tête, qu'elle souffre d'une maladie mentale, ça expliquerait beaucoup de choses. Il manquerait plus que ça ! Qu'est-ce que je pourrais bien foutre d'une fille comme ça ? Non, il doit forcément s'agir d'autre chose. Par exemple, elle appartient à la catégorie des garces ou de ces féministes qui détestent les hommes tout en ne pouvant pas s'en passer. Oui, voilà, c'est probablement l'explication.

En définitive, la raison importe peu. Je ne dispose pas de suffisamment de temps pour attendre son bon vouloir ! J'en ai déjà marre de toutes ces conneries. Mais quelle idée, j'ai eu aussi. Je ne pouvais pas trouver un autre moyen de me venger, quelque chose de plus simple et plus rapide ! A présent, c'est trop tard. Je ne vais pas renoncer sous prétexte que le parcours s'avère joncher d'embuches. C'est décidé, dès le retour de Hyacinthe je reprends la situation en main.

Par chance, mes paroles ont été reçues, puisque je ne tarde pas à entendre le doux son de sa voix me parvenir. Je bondis aussitôt sur mes pieds, ne perturbant pas d'un poil son père. Je me dirige vers elle, me saisissant de mon blouson en cuir au passage. Je ne lui laissais pas le temps de riposter que je lui agrippe le coude.

- Viens, je t'emmène voir un film, je l'informe d'un ton autoritaire.

- Une autre fois, si tu veux bien.

- Ce n'était pas une question, je lui réplique en la regardant droit dans les yeux, tentant de lui faire comprendre que je ne souffrirai aucune réponse négative de sa part.

Elle semble quelque peu décontenancée sur l'instant. J'en profite pour la propulser avec énergie vers ma voiture. Plus déterminé que moi, tu meurs. Fini la rigolade, elle va voir de quel bois je me chauffe !

Bien que ce ne soit pas nécessaire, sa mère vient à mon secours :

- Quelle merveilleuse idée ! Cela fait plusieurs mois que tu n'es pas allée au cinéma. Tu aimais tant cela autrefois. Je suis certaine que vous allez bien vous amuser tous les deux.

Elle me fait un clin d'œil plus qu'éloquent alors que Hyacinthe lui lance un regard noir.

Je ne laisse pas le temps à cette dernière de refermer la porte d'entrée que je traîne en vitesse sa fille jusqu'à ma voiture. Je ne manque pas, cependant, d'apercevoir un sourire amusé se dessiner au coin des lèvres.

Et voilà, 1-0 pour l'équipe Matthieu ! Mieux vaut tard que jamais !

Le rire du destin !Where stories live. Discover now