5.Découverte d'une alliée ?

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Tandis que je cogite à propos de l'absence de Hyacinthe dans le bus, je ne prête aucune attention au paysage défilant par la fenêtre. Il faut que j'en aie le cœur net. Il me parait évident que le plus simple consiste à trainer du côté de chez elle. Ce qui signifie reprendre le bus dans l'autre sens. Comment perdre deux heures pour rien ? Cette fille a intérêt à en valoir le coup ! Le choc d'un coude dans mes côtes, provenant de ma charmante voisine, me tire de mes réflexions. Je lui lance un regard furibond. Elle se contente de lever les yeux au ciel. Décidément, Molly a le chic pour réagir comme je m'y attends le moins. Au lieu de m'en offusquer, j'en sourirai presque. Excepté qu'elle interpréterait sans doute ça pour un signe d'encouragement.

Mais pourquoi n'est-elle pas hyacinthe ?

– Quoi encore ?

- Rien. On est juste parvenu à destination à moins que tu ne t'arrêtes plus là ?

Je me tourne avec brusquerie vers la fenêtre pour constater qu'elle a raison. Je n'ai pas vu le temps passé. Je me redresse et descends à la suite de Molly. Au lieu de poursuivre son chemin, celle-ci m'attend dehors. Arrivé à sa hauteur, elle me tire la main, la retourne et avec un stylo sorti dont on sait où, elle y inscrit quelque chose avant de refermer ma paume en précisant « au cas où ». J'ouvre ma main pour y découvrir ce que je suppose être son numéro de portable. Le message est clair, la balle est dans mon camp. Je lève les yeux au moment où d'un pas dynamique elle entre dans le bistrot où elle travaille.

Un soupir se faufile entre mes lèvres. Son corps aux formes généreuses va me manquer. Surtout en comparaison de celui chétif de Hyacinthe. Molly correspond bien davantage à mon genre de femmes. Avec elle, relation simple et sans prise de tête garantie.

Sans m'en rendre compte, presque machinalement, je sors mon téléphone pour y enregistrer ses coordonnées. J'ai conscience qu'il s'agit là d'une très mauvaise idée. Il est peu probable que j'en ai l'utilité. Sauf si plus tard, quand j'en aurai terminé avec Hyacinthe, après avoir laissé passer quelque temps bien sûr, je décide de la recontacter. Ça pourrait le faire. Surtout si elles ne se connaissent pas et je croise les doigts pour que ça soit le cas.

Par chance, dans l'autre sens le chauffeur arrive tout de suite et en plus il s'agit d'un direct.

Parvenant au niveau de la demeure de ses parents, je constate avec frustration que la maison semble désespérément vide. Ce qui signifie que Hyacinthe ne s'y trouve pas. Où peut-elle bien être ? Au travail ? Chez un petit copain qui viendrait de réapparaitre ? Une amie requérant son aide ? Je l'ai observée pendant plusieurs semaines et jusque-là, elle a toujours eu une vie réglée comme du papier à musique. Elle n'avait jamais manqué son stupide job. Pas une seule fois, elle ne s'y est rendue en retard. Ses journées s'enchaînent et se ressemblent presque à l'identique. Alors qu'est-ce que se passe aujourd'hui ?

Avec tout ça, je n'avance pas d'un pouce. J'accomplis plus de progrès avec Molly qu'avec elle. Or, le temps presse. Agir vite est primordial si je veux éviter d'être découvert avant la fin. Sans parler de ma hâte à tourner la page sur cette saloperie d'histoire. Seulement, je dois encore déterminer comment m'y prendre. Il faut reconnaitre aussi que la patience n'est pas mon fort.

Pour me changer les idées et ainsi trouver l'inspiration, je décide d'aller courir. Pour ce faire, je troque mon jean contre un pantalon de running, ma chemise contre un tee-shirt et enfile mes chaussures de course. Je m'équipe également, d'une bouteille d'eau, d'un sweat pour après et d'un accessoire indispensable à savoir mon lecteur MP3. Courir me fait toujours un bien fou, un excellent moyen d'évacuer la pression et de me libérer de tous mes tourments.

Sur le chemin du retour, je m'arrête sur le banc en face de la maison des parents de Hyacinthe le temps d'étancher ma soif et de refaire le lacet d'une de mes baskets. La tête baissée vers ma chaussure gauche, j'entends, soudain, une voix féminine me héler :

– Bonjour, vous êtes nouveau par ici ? m'interroge cette pimpante quinquagénaire.

– En effet.

– C'est vous qui occupez la propriété des Wallt ?

– C'est possible, je crains de ne pas avoir encore retenu le nom de mes logeurs.

– La petite maison en bordure de route, celle avec les volets bleus.

– Oh, dans ce cas effectivement c'est bien moi leur locataire.

– Enchantée, je suis Camille Danbourg, je vis juste là.

Elle se tourne pour m'indiquer le lieu où elle habite, ce qui n'est pas nécessaire : je l'ai tout de suite reconnue, cette ravissante femme, plutôt bien conservée d'ailleurs, n'est autre que la mère de ma très chère Hyacinthe !

– Si vous êtes libres, vous devriez venir dîner avec nous, c'est la fête de ma fille aujourd'hui. Et puis cela vous changera de manger seul à moins que je me sois trompée ?

– Non, en effet, je suis célibataire. Je vous remercie pour votre invitation, mais je ne voudrais pas vous déranger.

– Ne vous inquiétez pas pour ça. Et puis, ma fille doit avoir à peu près votre âge, cela lui fera du bien de voir une nouvelle tête.

– Si vous insistez. A quelle heure dois-je me présenter ?

– On va dire dix-huit heures trente, ça vous convient ? Cela nous permettra de faire connaissance avant le repas.

– C'est noté. Et j'amènerai le vin.

– Ce n'est pas nécessaire.

– Ça me fait plaisir.

– Alors à ce soir.

Voilà un rebondissement des plus intéressants. La chance semble de nouveau avoir tourné en ma faveur. Il était temps ! Je savais bien que courir m'apporterait les réponses que je cherchais. C'est ce qui se produit à chaque fois que je bloque sur une affaire au travail. Un peu de course et la solution finit tôt ou tard par me venir. La course est libératrice pour moi. En y réfléchissant d'un peu plus près, c'est assez ironique : la mère de Hyacinthe va me permettre d'approcher sa fille.

Après cette charmante conversation, je file chez moi prendre une douche et me préparer pour la soirée. Cette fois, je n'ai pas le droit à l'erreur. Ce qui exclut d'aller faire un tour au bistrot dans lequel travaille Molly, histoire de fêter ça et de parfaire ma bonne humeur !

Le reste de la journée passe à une vitesse vertigineuse au point que je manque d'être en retard, ce qui ne m'arrive jamais en temps normal. J'attache beaucoup d'importance à la ponctualité. Je revêts un bermuda noir et une chemise habillée bleu foncé. A la fois classe et décontracté, ce devrait faire l'affaire. Je ne prends pas la peine de raser ma barbe de trois jours pour terminer mon look. Une touche de parfum et en route.

Ainsi, à dix-huit heures vingt-neuf précises, je me trouve devant la porte d'entrée, le doigt sur la sonnette.


Le rire du destin !Where stories live. Discover now