16. Une vérité

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Sept ans avant la chute de Mecia


C'est un fait, connu depuis l'aube des temps, qu'il existe, pour chaque être, une vérité capable de le détruire.

Ygdra se trouvait au cœur de la fournaise.

Des crevasses couraient sur le sol, qui se soulevait comme un monstre chthonien dépliant sa colonne.

Des étoiles rouges traversaient le ciel. Derrière des traînées de fumée encore suspendues se mouvaient des ombres titanesques. Un bras de pierre, aux griffes de métal, traversait le rideau de poussière et plongeait pour saper les fondations d'une pyramide.

Pour Ygdra, cette vérité se traduisait de la manière suivante.

Mecia allait être détruite.

Il en ignorait la cause, mais la date exacte lui était connue.

Éveillé de sa transe divinatoire, le samekh courut jusqu'au bureau du doyen de l'Académie. Le vénérable Architecte, s'arrachant à ses recherches bibliographiques, écarta les rouleaux de parchemin de son bureau ; il ouvrit grand ses quatre visages pour écouter le message de son benjamin. En tant que divinateur, chargé de ratisser les arcanes à la recherche d'indices sur le futur de Palm et d'interpréter les signes, Ygdra ne quittait jamais la pyramide de l'Académie. Sa carrière d'Architecte en fauteuil démarrait sur les chapeaux de roues.

« Répétez, dit le doyen, et cette fois, donnez plus de sens à ce que vous dites.

— J'ai vu la chute de Mecia.

— Qu'entendez-vous par « chute » ?

— J'ai vu les pyramides s'effondrer l'une après l'autre. Le conseil... l'Académie... le temple de Kaldar...

— Avez-vous reconnu ces bâtiments ?

— Je lisais le nom des rues !

— Est-il possible que cette vision recouvre un sens purement symbolique ? Ne transcrit-elle pas, en termes crus, un bouleversement ?

— Si c'était le cas, je n'aurais pas vu avec autant de détails. Non, doyen, je vous l'affirme ! Mecia est menacée. Dans sept ans, si nous ne faisons rien, la ville sera anéantie.

— Palm est un monde en paix. Nos relations avec les autres cités sont excellentes. D'où proviendrait cette menace ?

— Sept ans suffisent à transformer un monde. »

La position du doyen paraissait inamovible. Reviendrait-il donc sans cesse à son opinion première ? Cette vision était de la plus haute importance, Ygdra en avait la certitude. Au cours de son exploration divinatoire, un esprit supérieur lui avait transmis cet avertissement, peut-être Kaldar lui-même ! Sept ans de délai, c'était un record jamais égalé par les arts de la prescience, et la preuve que quelqu'un les aidait à prévenir le mal !

« Vous vous méprenez, dit le doyen.

— Vous ne croyez donc pas à cette vision ?

— J'y crois. Je crois que vous l'avez vu, comme je vous vois. Je crois, par ailleurs, qu'il s'agit bien d'un événement à venir. Un cataclysme qui engendrera la chute de Mecia, peut-être celle du monde entier. Que l'écho de ce fait vous soit parvenu sept ans avant son déroulement, cela atteste de son importance.

— Nous devons agir dès maintenant.

— Sur ce point, vous vous méprenez, Ygdra. Vous maîtrisez la technique de la prescience, mais pas ses implications philosophiques. On ne peut pas empêcher un futur. L'univers ne se contredit jamais. Ce que vous avez vu se produira. C'est inéluctable. Avez-vous le peuple de Mecia écrasé sous les pyramides ?

Le Dernier Jour de MeciaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant