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La maison des parents d'Alice est trop grande pour abriter leur seule fille unique. La petite brune, armée de son plus joli rouge à lèvres rouge, sourit à tous ses invités. Anatole, un peu en retrait, fume sa clope dans le jardin.

« Help, SOS, je m'emmerde », envoie-t-il à Isidore, assis à l'autre bout sur une chaise de terrasse avec Coline. Le couple s'amuse en faisant une partie de bras de fer chinois.

— Comment va mon Anatole préféré ? demande Alice en sautant sur son dos.

Il lui sourit maussadement.

— Bien bien. Encore joyeux anniv' ma petite chouette !

Parfois, le brun se sent un peu nostalgique. Il y a encore quelques années, il trouvait qu'il n'y avait personne d'autre de plus important qu'Alice dans son univers. Il l'avait aimée toute son adolescence avant d'arrêter ces dernières années, passé entièrement à autre chose.

En y réfléchissant, c'est peut-être parce qu'elle avait été prise par Isidore qu'il avait laissé son crush grandir pour elle. Quand leur couple disparut, il n'était plus si intéressé que ça, étrangement.

— On rejoint les autres ? propose Alice.

— Yep.

Et ils partent en direction de leur « gang ». C'est tout con, mais lorsqu'Anatole arrive, tout le monde arrête de papoter pour se concentrer sur lui. Ce groupe d'amis lui a toujours gonflé l'ego, au centre de tous, comme un astre à graviter autour.

— Hey, Anatole !

Tout le monde lui sourit dans la bande, sauf Chloé, son ex, qui vient de se mettre avec un autre mec du groupe.

— Salut salut.

Il se cale sur l'herbe, discute avec sa meilleure amie, ramifie toute la bande sans s'en rendre compte. Les gens aimeraient faire partie du cercle, mais ils sont un peu à l'étroit. Finalement, c'est en voulant sortir ses filtres de sa poche que le brun se rappelle sa mission du jour. Ses doigts viennent de frôler le stylo maudit.

— Dis Alice, tu connaîtrais pas une certaine Lilia ?

— Oh, Lilia Wang ? Bah elle est là, oui, pourquoi ?

Anatole suit les yeux de son amie qui se posent sur la fille tant recherchée. Elle papote avec quelques personnes derrière l'arbre et le brun se relève aussitôt. On essaye de le retenir de partir, mais il prétexte un besoin pressant d'uriner. Sous le soleil, la musique bat dans les oreilles.

Même s'il est très souvent sûr de lui, Anatole se sent ramollir quand il tapote l'épaule de Lilia, à l'ombre des regards.

La fille aux cheveux de jais se retourne et son visage se ferme entièrement sans attendre. Il patiente un peu, s'excuse et lui passe le stylo. Elle le récupère cette fois, sans quitter des yeux la clope que le brun a entre les mains.

Puis un blanc s'installe.

— On est ensemble en prépa, rappelle-t-il en osant à peine affronter son regard.

Il est plus grand qu'elle, mais se sent tout petit face à elle.

— Je sais, répond-elle enfin.

Sa voix sonne comme du velours, comme une petite brise qui vient chatouiller ses oreilles. Il se souvient enfin de ce qu'il a fait de mal, cette fois.

— Cool, réplique-t-il en repartant.

Dans sa tête, il se maudit d'avoir été aussi gêné. Ce n'est pas arrivé depuis des lustres. Il sait parler aux gens, communiquer, socialiser. Seulement, c'est en la regardant de plus près qu'il s'est remémoré tout ce qu'il lui a dit au collège ce jour de juin en 5e. Le jour où elle avait essayé de le réconforter quand on lui avait annoncé le divorce de sa mère et de son deuxième beau-père. Il n'avait aucune excuse pour lui manquer de respect. C'était juste gratuit.

S'il se concentre bien, il peut même retrouver des bribes de ses moqueries.

Et Anatole comprend que tout ce qu'il a pu faire de con et mauvais avant a des répercussions sur le lui d'aujourd'hui. Et qu'il se doit de s'excuser, même des années trop tard, en réussissant à se racheter ou non.

ZutDove le storie prendono vita. Scoprilo ora