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Anatole a pris Angèle en photo cet après-midi. Il montre ses clichés à Isidore, le soir-même.

— Tu reprends la photographie ?

— Je sais pas.

Poser ses doigts sur l'appareil, régler l'ouverture, la vitesse d'obturation, paramétrer les ISO et régler la mise au point. Tous ces détails ont plongé Anatole dans un autre monde à chaque fois qu'il appuyait sur le bouton. Clic. Clic. Clic. C'est comme un doux refrain qu'il ne cesse de vouloir entendre.

— Je capture le présent, explique-t-il en analysant les réglages qu'il a apportés aux photos.

— Ton présent ?

— Ouais, pour l'instant.

Angèle est magnifique. C'est la première chose qui a frappé Anatole en la regardant à travers le viseur. Magnifique. Il le savait déjà. Mais est-ce que c'est sain de la trouver aussi belle alors qu'elle ne va plus si bien ?

— C'est une mauvaise idée toi et Angèle, remarque Isi'.

— On le sait.

— Alors qu'est-ce que vous foutez ensemble ?

— On s'aide mutuellement.

Bien sûr que c'est une mauvaise idée, mais étrangement, elle répare bien des choses. Tout d'abord, Anatole a une raison de se réveiller le matin. De plus, elle ne le juge pas comme Isidore pourrait le juger tout de suite. Elle minimise sa peine.

De son côté, il ne la laisse pas seule. Et ça suffit grandement.

— Vous avez fait des trucs ?

— Pas vraiment.

Un soir, elle s'est endormie dans ses bras. Mais rien de plus. Peut-être parce qu'il la sait trop fragile pour la briser davantage. C'est irréel ce qui se passe.

— Coline est inquiète. Et moi aussi, avoue Isidore.

— C'est temporaire, juste le temps de trouver un moyen d'être moins paumé.

Le blond le fixe.

— Peut-être que tu devrais reparler à Lilia. Pas pour t'excuser, mais pour savoir ce qu'elle pense de toi et de cette situation. C'est la seule qui peut t'aider.

Anatole ricane.

— Mec, tu crois qu'elle a envie de me voir ?

— Peut-être ?

— Je crois pas. On est pas dans un Disney.

Son meilleur ami soupire.

— Moi je t'ai bien pardonné.

— Je sais.

Quand il y repense, ça lui donne envie de vomir de savoir qu'il a aussi fait du mal à Isidore avant d'être son meilleur ami. A-t-il juste fait du mal toute sa vie ?

— En tout cas, arrêtez votre lien chelou avec Angèle. Ça va vous dépasser à un moment.

Anatole sent la colère monter. Il perd ses mots, ferme ses yeux et entend son cœur battre d'épuisement.

— Tu comprends pas Isidore.

— Quoi ? Je comprends pas quoi ?

S'il le dit, il retombera dans un mal profond. Mais peut-être qu'il a besoin de l'avouer, de faire de ses pensées une réalité. Est-ce que c'est ça, être réaliste ? Ou juste être bourré de défauts et de vices ?

— Sans elle, pour l'instant, j'aurais juste l'impression de servir à rien dans ce foutu monde.

ZutWhere stories live. Discover now