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Ce dimanche soir, c'est raclette chez Isi'. Tout le monde a l'air exalté. Isidore a invité les différentes bandes, allant de celle de l'été, à celle du lycée. Anatole recroise donc ceux qui ont toujours adoré être proches de lui. Ces gens qui l'ont rendu dépendant d'attention et d'affection. Ces gens qui espéraient qu'Anatole soit leur ami.

— Tu deviens quoi mon vieux ? demande Solal en s'ouvrant une bière.

— Rien, répond Anatole avec un rire forcé.

Il ajoute tout de même un sourire, pour cacher qu'il n'est pas dans son assiette auprès d'eux, qu'il aimerait être ailleurs et qu'il ne sait même pas pourquoi il a suivi le conseil d'Isi'.

On sonne à la porte, il se dit que c'est le moment parfait pour fuir. Il va ouvrir. C'est Angèle et Selim.

— Oh, Anatole, salut ! lance Selim avec un sourire franc.

Angèle, immobile à l'entrée, l'observe. Le brun ne répond plus à ses appels ni à ses messages. Il décline toutes les invitations possibles. Et elle a dû deviner que leur « amitié » est blessée sévèrement.

— Je croyais que vous ne pouviez pas venir, remarque Anatole en s'adressant à Selim.

C'est seulement pour ça qu'Anatole est là, parce qu'il pensait que les deux n'y seraient pas.

— Ouais, mais on a fini de bosser plus tôt et on voulait pas rater ça, explique clairement Selim.

Anatole comprend. Il ne va pas leur reprocher de vouloir sortir et traîner avec des amis. Selim entre pendant qu'Angèle reste face à Anatole. Les deux se regardent, même quand le brun ferme la porte. Il a envie de fuir.

Ils sont donc bien de retour ensemble. Le beau couple Selim-Angèle. Foutaises.

Il sent qu'Angèle va dire quelque chose, qu'elle va même peut-être lui faire la bise. Mais il voit Isidore dans la cuisine. Anatole ignore sur-le-champ la brune et part rejoindre son meilleur ami. Il la laisse, en plan, à l'entrée, alors qu'elle a sûrement des choses à dire et lui raconter.

— Ils sont venus ? Désolé vieux, déclare Isi'.

— Je vais rentrer, je suis fatigué, informe Anatole.

Isidore, sourcils froncés, refuse. Coline, souriante et encore en train de manger, les appelle.

— Pars pas mec... y a Co', moi et...

Mais Anatole a déjà mis son manteau et dépasse Angèle dans le salon. Il croise une dernière fois son regard envoûtant avant de quitter les lieux, les poings serrés et le cœur meurtri de sentiments.

*

Dans la rue, quelqu'un le rattrape et lui attrape la main. Le contact le fait frémir.

Anatole se retourne et, le souffle coupé, il la voit, là avec lui, exténuée.

— Anatole... débute-t-elle en soufflant.

Il fourre ses mains dans ses poches et repart en marchant. Si le brun lui reparle, il va aller mal. Et il a fait des progrès avec Hélène. D'énormes pas significatifs pour lui. Alors parler à Angèle, alors qu'elle vient de le rattraper, lui écrabouillerait le cœur d'une puissance infinie.

— Anatole... répète-t-elle en marchant rapidement derrière lui.

Elle n'a même pas mis de veste en sortant. Angèle va attraper froid et Anatole ne sait pas quoi faire. C'est lui qui a coupé les ponts, qui grandit les enjeux de la situation. Mais c'est elle qui est là, à la recherche d'une possibilité de discussion. C'est quelqu'un de bien. Il comprend pourquoi il tombe amoureux d'elle.

— S'il te plaît...

Il s'arrête, se retourne et plante son regard dans le sien.

— Quoi ? demande-t-il sèchement.

Silence. Il lui a fait perdre ses mots. Ses yeux affolés prouvent sa désorientation. Les deux sont sur un terrain inconnu, sans directions ni repères, parce qu'ils ont été leurs seules boussoles trop longtemps.

— Je... Ça va ?

Silence. C'est frappant comme le silence paraît étouffant, là tout de suite.

— Non, ça va pas.

— Je suis désolée. Je...

Anatole la regarde froidement, comme pour la pousser à fuir.

— T'as rien fait de mal, déclare-t-il.

— Non... Anatole... Tu comprends pas.

Elle n'a vraiment rien fait de mal. Il y a réfléchi. Rien. Mais il y a trop de mal dans ce rien.

— On a rien fait tous les deux. On s'est juste tenu compagnie et puis tu t'es remise avec l'autre alors, t'as rien fait de mal. On était pas exclusif ou quoi. On s'est même pas pécho. Je vois pas pourquoi tu t'excuses Angèle.

La brune le supplie de se taire du regard.

— Je sais que je t'ai blessé.

— Et je sais que t'es heureuse toi maintenant.

Silence.

Anatole ne veut pas entendre sa réponse.

Le jeune homme ajoute alors, sans lui laisser le temps de répondre :

— Retourne à la soirée Angèle.

Il l'a conseillé tristement. Elle abandonne et obéit. Toutefois, en repartant, Anatole accélère le pas vers elle.

— Tiens, mets-le.

Il lui passe son manteau tout en récupérant ses clefs coincées dans une de ses poches.

— T'es pas obligé...

Il le sait.

— Je veux pas que tu tombes malade Angèle.

De nouveau, le silence.

Elle repart et lui aussi. Mais dans deux directions opposées. Anatole ne sait pas qui prend la fuite. Lui qui lui a ouvert le chemin ou elle qui a essayé de barrer le sien.

ZutWhere stories live. Discover now