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Ce qu'Anatole a compris avec Lilia, c'est qu'elle ne l'aime vraiment pas. Chaque jour, il essaye de s'excuser d'une manière appropriée pour ses actions passées, mais ne sait vraiment pas s'y prendre. Il va en cours juste pour ça dernièrement, ayant totalement lâché l'affaire de la prépa.

— Je peux m'installer là ?

Elle ne répond rien, mais le laisse s'asseoir. Du progrès.

— Alors, quoi de neuf, vous avez vu quoi la dernière fois ?

— Ne me déconcentre pas, lâche-t-elle en ouvrant sa bouteille d'eau.

Le brun se tait, obéit et fait mine de suivre le cours.

À la fin, Anatole la voit ranger ses affaires encore plus rapidement que lui.

— Lilia !

Il a crié un peu trop fort. Les gens autour d'eux les observent désormais. Elle a l'air embarrassée et la jeune femme n'acceptera jamais de se laisser raccompagner pour discuter avec lui.

— Non rien.

Une autre tentative d'échouée.

Ratée.

Anatole se sent toujours aussi naze auprès d'elle.

Pourri.

*

Ce qu'il y a d'affreux à tenter le contact avec Lilia, c'est qu'on sait qu'elle ne dit « oui » que si la personne d'en face vaut le coup. Anatole a donc l'impression, à chaque fois, de ne pas valoir le coup.

Allongé dans son lit entre des brochures de réorientation, il appelle Alice.

Sa meilleure amie répond au bout du deuxième appel. Exténué, il l'écoute raconter ses problèmes de cœur.

— Et donc je lui ai dit que ça allait pas le faire s'il continuait à faire le connard avec moi. Est-ce que j'ai une tête à me laisser marcher dessus ? Fin bon, bref, quoi de neuf, toi ?

Après sa longue relation avec Isidore, Alice a lâché l'affaire en matière de relations stables. Elle sort avec des gars trop compliqués à gérer qui se croient toujours tout permis avec elle. Dans le genre compliqué en relation, Anatole la dépasse même parfois.

— Je déprime.

Il lui raconte pour Lilia sans trop savoir quel angle prendre. Doit-il parler de ce qu'il a fait par le passé ? C'est sa pote, après tout.

— Pense pas trop à elle. Au pire si ça passe pas par les paroles, fais des trucs pour l'approcher. Ça aura son effet.

— Je veux pas la draguer, affirme cependant Anatole.

— Alors, essaye juste d'être attentionné.

« Attentionné » ?

Quelques minutes plus tard, Anatole éclate de rire après avoir raccroché. C'est plus fort que lui. Au fond, il n'a jamais été maladroit avec les gens. Il n'y a qu'elle pour le rendre aussi pitoyable. De la poche de son manteau, il sort ses affaires pour se rouler un ter. La feuille slim lui glisse d'entre les doigts. Il roule toujours bien en temps normal. Ça le soûle.

Dans son lit, il se sent seul et oublié. Avec son putain de cœur vide crevé.

Il reprend sa feuille et son cannabis. Le visage fermé, il la roule en silence. Dans sa chambre, il l'allume. Encore une fois, son joint est tellement bien roulé que ça le déprime pour de vrai.

Le lendemain, en cours, il ne s'est pas installé à côté d'elle. Mais juste avant d'aller déjeuner, il l'a rattrapée.

— Lilia Wang !

Il sait très bien que ça va la gêner d'entendre son prénom complet crié dans l'établissement. Mais il s'en contrefiche.

— Tiens.

Et il lui passe ses coupons de réduction pour acheter une glace au supermarché. Les yeux bridés de la jeune fille se plissent de confusion.

— Si je t'invite, tu diras non. Alors je te les passe pour que t'en profites tout de même.

Lilia reste immobile.

— C'est...

— Nul, complète Anatole.

Il est tellement gêné que ça lui bouffe les joues. Il vient d'improviser quelque chose, c'est la première fois qu'il mène la discussion sans représailles. De base, il voulait abandonner tout contact, mais la voir marcher devant lui paraissait trop propice à la discussion.

Elle les lui retend.

— J'en veux pas.

— Garde-les.

Et il file. Le brun sait très bien qu'elle va les jeter à la poubelle juste après. Mais pour une fois, elle ne lui a pas juste dit de se taire ou de se casser.

Tout ce qu'Anatole fait semble bancal. Ça ne lui ressemble pas. Lui, qui a toujours des plans pour parler à n'importe qui n'importe quand. Mais ça lui va. Parce que ça reste Lilia.

ZutWhere stories live. Discover now