Courir, courir, survivre

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Cheyenne

Je reconnais tout de suite le premier type à son borsalino noir. Il était au restaurant. Le second, je ne l'identifie pas immédiatement, mon esprit tournant en boucle pour trouver un moyen de m'enfuir. Mais sa stature, ses tatouages, l'araignée noire grimpant le long de son cou, ses cheveux blonds coupés court et ses yeux verts filtrant la moindre information me font vite comprendre l'ampleur de la merde dans laquelle je suis. C'est Drew Bartemen, le bras droit de Marley. J'ai signé mon arrêt de mort. Je n'ai pas trente-six échappatoires possibles : deux escaliers, l'un par lequel ils sont montés et qu'ils me dissimulent, et l'autre, à l'opposé, qui me demande de courir sur une distance moyenne à la merci de leurs armes.

Je tiens mon téléphone dans ma main moite, et j'entends Johnny qui me hurle de lui parler, mais je ne peux pas ouvrir la bouche. Je suis figée en statue de marbre. La voix de Drew perce ma muraille de pierre, me fait cligner des yeux :

— C'est elle ?

Le type au borsalino me scrute, se lèche les lèvres :

— Ouais, c'est la meuf qui s'est enfuie de chez Laslo.

Ma salive peine à descendre dans mon gosier. Bartemen fronce les sourcils et s'avance vers moi. Chaque pas qu'il accomplit dans ma direction semble avaler un peu plus d'oxygène autour de moi. J'ai du mal à respirer et le cri de Johnny dans mon téléphone m'arrache un frisson. Drew glisse sa main le long de mon bras qui se hérisse de peur, puis s'empare de mon mobile.

— John...

Son nom m'échappe, tandis que Drew me fixe, puis pose les yeux sur l'écran. Ses lèvres esquissent un rictus et, avec désinvolture, il éteint mon portable pour le fourrer dans la poche arrière de son jean. Je suis tétanisée.

— Il faut qu'on parle.

Comme un pantin, je hoche le menton. Je me sens engourdie. Mon cerveau patine dans le vide, mais je tente de respirer, de me concentrer, d'échafauder un plan. Je sais ce que c'est : lutter sans cesse pour garder la tête hors de l'eau, trouver une nouvelle raison de s'accrocher. J'ai goûté à bon nombre d'horreurs que ce monde vicieux et décadent m'a proposées, Drew Bartemen n'est sûrement pas la pire...

Non, Marley est bien au-dessus du lot. Je dois l'éviter à tout prix. C'est la seule évidence qui se propage dans mon esprit. Il n'en sortira rien de bon. S'il me trouve, il me tue. Fin de la partie.

Drew s'empare de mon bras et me tire sans ménagement en direction de l'escalier. Pieds nus, je lui emboîte le pas malgré moi, le type au borsalino ouvrant la marche. Bartemen me fixe du coin de l'œil, analysant mes réactions. Mes yeux sont secs, mais ils doivent toujours être gonflés après toutes les larmes que j'ai versées durant la nuit. Pas besoin d'avoir fait de hautes études pour deviner que j'ai pleuré.

— T'es pas bavarde, remarque-t-il.

Tout au long de ma vie, je n'ai croisé que des sales types. Mon corps est habitué à s'éteindre quand il le faut ou à réagir quand il en a besoin.

— Tu préfères quand tes victimes supplient ?

— Non, trop de bruit. Ça m'emmerde.

Son regard de jade me détaille, comme s'il cherchait à me ranger dans une case.

— Je t'ai déjà vue chez Laslo. T'es sa nièce. La serveuse.

J'acquiesce. Ça ne sert à rien de mentir à quelque chose qu'il sait avec certitude.

Il renifle et passe le dos de sa main sur son nez.

— Ton oncle était un connard.

— Oui.

Hot Gun (paru chez BMR)Where stories live. Discover now