Les douches sont brûlantes !

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Cheyenne

Le bungalow de l'assistant de Lilotte se compose en tout et pour tout d'un minuscule salon, avec une banquette d'angle dans les tons bruns se dressant face à une télé et une chaîne hi-fi, d'une cuisine américaine, étroite, mais fonctionnelle, d'une chambre avec un grand lit bordé par un placard, et d'une salle d'eau. La décoration est spartiate. L'occupant des lieux a débarrassé le gros de ses affaires pour nous permettre de nous installer, libérant une partie de la penderie.

John jette nos sacs sur le matelas, puis ouvre la porte de la salle d'eau, avant de braquer son regard céruléen sur moi.

Je m'assois sur le bord du lit, pour me donner une contenance, le temps d'ôter mes nouvelles chaussures, puis, pieds nus, je marche dans sa direction. Je m'arrête devant lui, qui me bloque l'accès. Il ne fait pas mine de vouloir bouger, si bien que je murmure d'une voix timorée :

— Je... je voudrais prendre une douche. Je n'en ai pas eu le temps ce matin.

Son regard tombe sur mes lèvres, puis ses yeux remontent lentement le long de mon visage. Il finit par se décaler en fronçant les sourcils et s'éclipse sans ouvrir la bouche vers le salon. Je me glisse aussitôt dans la salle d'eau, ferme la porte et m'adosse contre le battant, dans l'espoir vain de reprendre mon souffle. Mon corps est une étuve, la chaleur de l'Arizona ne m'aidant pas à contrôler le feu qui l'embrase au contact de John.

Je me déshabille rapidement et m'introduis sans attendre sous la douche, tirant le rideau de plastique blanc.

Me rincer après toutes les émotions de la journée est un véritable plaisir. J'ai l'impression de me laver de la crasse du désert, de la peur que les hommes de Marley ont éveillée ce matin.

L'assistant de Lilotte a laissé un gel douche traîner sur un support métallique. Je m'en savonne, me parfumant à l'extrait de menthe poivrée, lorsque j'entends la porte de la salle d'eau s'ouvrir brusquement. Je me fige sous le jet, sentant la terreur se répandre sur ma peau. D'une main fébrile, j'agrippe le rideau et l'écarte légèrement pour croiser les prunelles de John.

— Ce n'est que moi, dit-il en se postant devant le miroir, muni de la trousse de secours de Lilotte. Ta copine m'a filé ça. Promis, je ne regarde pas.

Il me lance un sourire en coin des plus ravageurs. Je referme aussitôt le rideau sous son ricanement, et me colle la tête sous le jet d'eau en fermant les paupières. Malgré la chaleur de la douche, mon corps tremble à l'idée de le savoir juste de l'autre côté de ce bout de plastique. En rouvrant les yeux sur le carrelage parsemé de traces de calcaire, je me demande s'il tente de me voir à travers le rideau blanc ou bien s'il m'ignore. Après tout, il a déjà découvert les mystères que je lui cachais, et ces derniers n'avaient rien de transcendant.

J'entends l'eau du lavabo couler de l'autre côté du plastique. Curieuse, je penche la tête et jette un coup d'œil. Je le découvre torse nu, en train de se laver les doigts, grattant ses meurtrissures. Sa peau est tatouée d'hématomes sombres, sur le haut du torse et sur le flanc. J'en aperçois un autre qui s'étale vers son omoplate.

— Je te vois.

Je recule aussi sec, manquant de me fracasser le crâne sur le carrelage et de glisser dans le bac. Je me rattrape en laissant échapper un gémissement, qui semble l'amuser.

— Si tu veux me regarder, t'as pas besoin de te cacher, Chee. C'est pas comme si tu m'avais jamais vu nu.

À ce souvenir, mon ventre se tord d'envie. Je secoue la tête pour tenter de l'effacer et décide de me laver les cheveux avant que mes pensées ne partent encore de travers. Cela me coûte un effort considérable, sa présence animant au fond de ma poitrine autant cette peur vicieuse que les hommes ont toujours suscitée en moi, que le désir qu'il a été le seul à provoquer.

Hot Gun (paru chez BMR)Where stories live. Discover now