Chapitre 33

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Ses yeux ouverts et vides souriaient sûrement déjà en revoyant Billie. Je me levai, pivotai pour voir Jedusor, la baguette levée vers moi, un sourire satisfait. Un éclair blond le percuta cependant de plein fouet. Une nuée blanche dans la pièce. Un dernier regard bleu infini. Un éclair vert. Un cri. Le mien. Rose.


12 Avril 1976
Narrateur : Externe


En France, dans la petite commune de Treshenu-Creyers, niché entre les montagnes des Alpes, le petit village des Nonières vivait des jours heureux. Avec seulement vingt habitants l'hiver, les montagnes seules imposaient leurs lois. Dans une grande maison de pierres, une jeune sorcière se préparait. Des cheveux roux tombaient en cascade sur ses épaules nues, une rose noire dans sa chevelure, elle portait une longue robe noire à volants sur son corps de neige, des rangers aux pieds, des yeux verts vidés de toute joie, l'adolescente se regardait dans les yeux dans le miroir. Elle essayait de s'empêcher de partir en courant, de s'enfuir et de ne plus jamais revenir. Aujourd'hui, elle devait enterrer sa meilleure amie. Aujourd'hui, elle devait aider sa sœur de cœur à passer de l'autre côté. Aujourd'hui, sa meilleure amie devait rejoindre les anges. Aujourd'hui, elle devait admettre que son âme sœur était morte.
Elle ne pleurait pas, elle se l'était interdit. Elle voulait être forte pour eux, comme elle. Un jour, elle l'avait stupéfait. Elle lui avait dit qu'elle riait aux enterrements. Qu'elle riait parce que c'était drôle de penser que cette personne qu'elle côtoyait tous les jours ne sourira plus. Elle lui avait aussi dit que les enterrements n'étaient pas faits pour les morts, mais pour les vivants. Pour leur offrir une maigre compensation à leur chagrin.
Elle essayait donc de penser comme elle. Mais le seul fait de rire dans cette situation lui faisait trop de mal. Elle n'avait pas du tout envie de rire.
Elle sursauta et sortit sa baguette magique lorsque la porte de sa chambre s'ouvrit. Un jeune homme entra. Les cheveux en bataille, des lunettes rondes, des yeux noisette, en costume, le jeune homme mit ses mains en évidence.

-C'est moi Lily, ce n'est que moi.

La jeune fille baissa sa baguette et souffla de soulagement. Le garçon se rapprocha d'elle.


Narrateur : Lily Evans


-Non, ne me serre pas dans tes bras sinon je vais pleurer et je ne veux pas pleurer.
-Tu as le droit de pleurer Lily.
-Non.
-Tu veux partir ?
-... non.
-Tu veux partir. Tu sais on peut prendre le réseau de cheminette et retourner chez moi.
-Je dois rester, je dois rester pour elle.
-Tu n'y es pas obligée.
-Tu crois que je suis aveugle ? Tu crois que je ne vois pas toutes ses personnes qui attendent que je m'effondre ? Tu crois que Sirius et moi sommes aveugles?
-Tu n'es pas obligée de porter tout ça toute seule. Tu as le droit de tomber, tu as le droit de pleurer mais tu n'as pas le droit de te renfermer.
-J'ai tué ma meilleure amie je n'ai que ce que je mérite, répondis-je.
-Mais qu'est ce que tu racontes ?
-J'ai voulu essayer de le battre, si je n'étais pas aussi bornée elle...
-Non. Ne dis rien. Ça va aller...

Il me frôla la main de ses doigts, je fis un mouvement de recul et il me regarda d'un air désolé.

-Arrête de faire ça ! Arrête de fermer les yeux.
-Je ne ferme pas les yeux, tu n'y es pour rien.
-Ce pourrait-il que cette qualité de toujours être là pour moi devienne un défaut ? Murmurai-je.
-Que... ? Quoi ?
-J'ai toujours aimé cette faculté de rassurer les gens en quelques mots que tu as en toi. Mais là, je crois que je la déteste.
-M...

Je l'ignorai et enchaînai en faisant les cents pas et en gesticulant les bras :

-Comment peux-tu dire que « ça va aller » ! Comment peux-tu me dire que je n'y suis pour rien !

Il se rapprocha de moi et commença à parler mais je persistais à l'ignorer alors j'élevai la voix et l'éloignai de moi. Il saisit mes mains et hurla pour couvrir le son de mes spéculations.

-ARRÊTE TU TE FAIS DU MAL !
-Non.

Au même moment, Noémie, la sœur aînée de Rose, entra à son tour dans la pièce. C'était l'heure. James quitta la pièce visiblement énervé contre moi. Je soufflai un bon coup et me dirigeai dans le salon. Il était bondé. Tous ses amis étaient là, ainsi que sa famille. Je me dirigeai instinctivement vers Sirius assis dans un coin de la pièce. Je savais qu'il m'avait vu mais rien dans son expression ne me le prouva. Les yeux dans le vague, une pivoine pâle roulait entre ses doigts répandant une odeur délicieuse. L'odeur de Rose. Je baissai la tête mais lorsque Sirius posa sa main sur la mienne, je la relevai. Pas par fierté mais pour me donner du courage. Me donner assez de force pour affronter cette journée. Je serrai sa main dans la mienne et on se leva.

-Me lâche pas, murmura-t-il la voix rauque de tristesse.
-Toi non plus.

On alla à l'église et je pris soin de ne pas regarder James qui semblait près à me rattraper. Je n'avais pas besoin qu'on me rattrape, je n'allais pas tomber. La simple pression de la main de Sirius sur la mienne m'empêchait de tomber.

Noémie était debout, devant l'estrade, en train de faire un éloge. Par moment j'avais l'impression de voir Rose. La même silhouette svelte, les mêmes cheveux blonds... A part ses yeux marron on pourrait vraiment les confondre. Sauf que ce n'était pas Rose. Et que Rose était en ce moment même dans une boîte blanche derrière Noémie. Rien que l'idée me donne envie d'hurler. Qui est assez cruel pour enfermer une claustrophobe dans une boîte pour la fin des temps !
Noémie finissait son discours dans un sanglot. Je n'ai pas tout compris vu qu'elle parle français mais à force d'entendre Rose le parler, l'écouter ou le lire, j'ai quand même quelques notions.

-A la fac de médecine, on a plus d'une centaine d'heures sur comment lutter contre la mort. Mais pas une seule sur comment vivre avec... Elle a juste cessé de respirer. Et j'aurais aimé pouvoir vous dire qu'elle n'était pas morte pour rien, que sa mort avait eu un sens pour la suite de notre vie, ou même que sa vie avait eu une signification particulière, qu'on avait donné son nom à un parc, à une rue, ou que la cours suprême avait changé une loi à cause d'elle. Mais ce n'est pas le cas, elle était trop jeune pour avoir accomplie quelque chose qui aurait mérité ces hommages. Elle est partie c'est tout. Elle est redevenue un morceau de ciel et nous devons continuer de vivre. Ma sœur était un être exceptionnel. Et elle le restera toujours.

Pour les moldus, Rose était morte d'une crise d'angoisse trop forte. C'était toujours cette explication lorsque quelqu'un mourrait à cause du sortilège d'Avada Kedavra. Si on avait pu dire comment elle était morte, Noémie n'aurait pas dit que sa mort n'avait pas de conséquences sur la suite de notre vie. Elle s'était sacrifiée pour me sauver. Mon cœur battait grâce à elle.
Les yeux de Noémie croisèrent ceux de Sirius, assis à côté de moi. Il prit une grande bouffée d'air et je me penchai pour lui embrasser la joue avant qu'il ne se lève et qu'il lâche ma main. Mes doigts triturèrent automatiquement le bas de ma robe tandis qu'il s'avançait et montait sur l'estrade. Il se dirigea vers le cercueil ouvert, mais il ne s'y attarda pas. Il devait avoir trop mal. Il s'approcha du micro que Noémie lui tendait. L'approcha de ses lèvres et commença.

-Je tiens d'abord à m'excuser. Malgré les efforts de Rose pour m'apprendre sa langue maternelle, je vais parler en Anglais. ... Je vous souris. Je vous souris, je suis là devant vous. Je souris à l'enterrement de l'amour de ma vie. Et au deuxième amour de ma vie par la même occasion. Comme je suis égoïste et con je préfère voir ce que ça fait pendant un petit instant d'aller bien. Alors je souris. Mais je n'ai plus envie de me battre. Je n'ai plus envie de faire semblant d'être heureux, j'aimerais juste l'être. Mais du jour au lendemain, tu es partie. Tu m'as laissé seul au moment où j'avais le plus besoin de toi. Tu me manques, ta voix, ton sourire, ton rire, tes bouquins, ton odeur. Tu me manques. Tu m'as rendu meilleur au moment où je pensais que c'était impossible. Tu m'as laissé plein d'espoir. Et tu n'es plus là. Vous n'êtes plus là.

Une larme coula sur sa joue. Il n'arrivait pas à aller plus loin. Il releva alors la tête et me regarda. A mon tour. Une main se posa sur ma cuisse pour me donner du courage. Je me levai. Mon cœur s'accéléra. Je trébuchai. Je continuai de marcher. Je montai sur l'estrade de l'autel. Sirius m'embrassa la joue et me donna le micro. Il se tourna alors vers le cercueil, se pencha, sa tête disparue quelques instants derrière le pan de bois. Il se redressa en larme. A mon tour, je me dirigeai vers Elle. Mon cœur s'arrêta.
Elle était blanche, dans une robe blanche, entouré de pivoines blanches, ses cheveux blonds dessinant un halo autour de sa tête. Un ange. A la vue de son ventre arrondi, mon cœur se serra encore plus qu'il ne l'était déjà.

-Je suis désolée Rose, murmurai-je.

Je me reculai, éloignant de ma vision une Rose blafarde. Je m'avançai vers le bord de l'estrade. J'approchai le micro de mes lèvres. J'inspirai. Je soufflai et me lançai dans l'improvisation la plus totale. J'avais bien essayé d'écrire un éloge mais je m'étais arrêter à son prénom. « Rose. » Voilà mon discours.

-Rose.

Je cherchai mes mots. Fallait-il que je m'adresse à elle ou aux personnes qui me faisaient faces ? A un fantôme où à des larmes. « Les enterrements sont faits pour les vivants Lily. Pas pour les morts. Ils sont fait pour réduire la peine des gens, donner une compensation à leur chagrin. Quelque chose à quoi se rattacher. »

-Rose. Je ne vais pas te dire des choses que tu sais déjà. ... . Du coup je ne sais plus quoi dire. J'ai l'air conne d'un coup. Tellement, tellement, conne. Je suis là, devant des personnes qui t'aiment et je suis en train de m'insulter moi-même et de jurer à ton... Je t'aime. Tu es mon âme-sœur. Tu seras toujours mon âme-sœur Rosie. Tu reste dans mon cœur. Je ne pourrais jamais te dire adieu. Te dire adieu serai admettre que tu ne riras plus...

J'émis un rire.

-Tu as raison, c'est drôle en fin de compte, de se dire que tu ne riras plus jamais. Que tu ne me raconteras plus tes histoires à dormir debout. Que tu ne me feras plus rire avec tes blagues pourries et que ton rire qui était plus drôle que les blagues elles-mêmes ne résonnera plus. Que tu ne danseras plus en sous-vêtements dans la chambre. Que tu ne me liras plus tes histoires soporifiques françaises à l'eau de rose. Que j'aurais enfin la salle de bain plus de 5 minutes le matin. Toutes ces choses vont me manquer en faîte. Il n'y a pas de quoi rire. Tu vas me manquer. Je...

Je fis une pause, mon cœur s'emballait et ça ne présageait rien de bon.

-Je crois que je vais m'arrêter là. Tu me connais, quand je panique je n'arrête pas de parler et mes phrases n'ont aucun sens les unes aux autres. J'ai mal, tu me manques déjà. Je hais ce sentiment destructeur. Il vous broie de l'intérieur, vous tord les entrailles et vous éclate le cœur. Le plus douloureux c'est que même éclaté un cœur bat encore.

Je m'arrêtai là, ce n'était pas la peine d'aller plus loin. Je repris ma respiration et me retournai vers Rose. Je m'agenouillai auprès d'elle et ma main vint se poser sur la sienne. Le contact froid sur ma paume me sortit de ma transe. Je retirai vivement ma main. Je... Non. Je glissai la tige de ma pivoine dans sa main en prenant soin de ne pas ne serait-ce que la frôler.

Chacun leur tour, nos amis et sa famille passèrent sur l'estrade pour dire quelques mots. Alice choisissant l'humour, racontait les conneries de Rose – en les aménageant pour les rendre moldus. Frank ne dit pas grand-chose, il avait les larmes aux yeux tout du long. Arthur a du passer pour un idiot car pendant une dizaine de minutes, il a parlé de ce que lui avait apprit Rose : le téléphone, la télévision, les moteurs, les trains, la poste... Molly a finit dans les bras d'Arthur ne pouvant finir son magnifique éloge racontant ses succès. Andromeda ne pu absolument rien dire et s'effondra en larme avant même d'avoir prononcé un mot. Remus n'a pas voulu parler, au lieu de ça, il a préféré jouer du piano pour elle, dévoilant ainsi un magnifique talent. Peter tremblait plus que d'habitude, tout le monde savait qu'il avait longtemps été amoureux d'elle pendant une période en première et deuxième année. James quant-à lui expliqua à tout le monde tout le bonheur qu'elle nous avait apporté et toute la joie qu'elle nous avait offert. Enfin, sa famille clôtura avec des discours plus touchants les uns que les autres. Dévoilant ainsi un peu plus la personnalité de Rose étant enfant.

Lorsque l'on sortit enfin de l'église, Sirius se stoppa net. Je le regardai, puis regardai dans la direction de son regard acier. Mon cœur rata un battement. Qu'est-ce qu'il foutait là ? Sirius serra les poings, broyant ma main au passage et, oubliant certainement ma présence, m'entraîna vers son frère. Regulus, en costard, le même regard acier brillant que Sirius, un bouquet de fleurs dans les mains.

-Sirius, ne fait rien de stupide, lui murmurai-je avant qu'on l'atteigne.

Il m'ignora royalement. Je ne voulais pas du tout le voir ! Pas après ce qu'on venait de faire.
Il s'arrêta à deux mètres de lui et le regarda dans les yeux. Apparemment Sirius ne voulait pas parler le premier. Regulus le vit et prit la parole.

-Je sais bien que tu n'as pas envie de me voir ici aujourd'hui.
-Dégage. Cracha-t-il.

Je ne le reconnaissais plus.

-Je ne lui ai rien dit. C'est Bellatrix.
-Elle t'a prise de vitesse pour rafler la vedette.
-Je n'allais rien dire.
-Dégage.
-Non
-Tiens tu sais dire non maintenant ? Pourquoi tu ne lui as pas dit non à lui ?
-Je voulais justement t'en parler. Je vais lui dire non. Je voulais juste te voir avant. Parce que quand j'irai le voir, je ne reviendrai surement pas. J'ai découvert son secret, je peux le v...
-J'en ai rien à foutre.
-Sirius. Je ne lui ai rien dit. Dès que j'ai su c'est comme si on ava...
-... avait allumé la lumière. Oui, oui. La phrase toute faite.
-J'ai changé.
-Je ne te crois pas.
-Sirius... Implora-t-il.
-Tu sais ce qu'il y a derrière ces portes ? S'emporta-t-il en pointant du doigt l'église. Derrière ces portes il y a l'amour de ma vie et mon bébé. Et je ne peux pas les rejoindre. Rien de ce que tu pourras dire ne pourra m'aider à les rejoindre. Alors maintenant ta gueule et dégage ! Retourne lécher les bottes de ton « Maître » j'en ai absolument rien à foutre. Dégage !

Regulus se tu. Les veines des tempes de Sirius battaient, sa gorge était tendue, sa mâchoire serrée, et des gouttelettes de sueur dégoulinaient sur ses tempes.

-Je suis désolée Sirius.

Il lui tendit les fleurs.

-Je pensais que tu aurais pu lui donner ça de ma part.

Sirius ne les prit pas, et Regulus comprit. Rose n'aurait pas envie de quelque chose de lui. Il tourna les talons vers un bosquet, la tête baissée. Une fois hors de vue des invités. Il se retourna et jeta un dernier regard à Sirius avant de transplaner.

Sirius se mit à respirer fort et a trembler de tout son corps. Je l'aidai à s'asseoir par terre. Il lâcha ma main pour emprisonner sa tête dans un étau. Il se bascula d'avant en arrière.

-Sirius, calme-toi, c'est finit. Il est partit. Il ne reviendra plus.

Malgré tout ce que je pus lui dire, je ne parvins pas à la calmer. James arriva alors et m'intima de les laisser seuls. James était sa Rose. Je me retournai alors et repartis rejoindre les autres qui avaient assistés à la scène. Andromeda et Molly avait les larmes aux yeux, le mascara dégoulinent sur leurs joues roses. Alice me prit la main et essaya un petit sourire qui se termina en grimace. Elle passa un bras par-dessus mon épaule. James réussit à calmer Sirius et ils passèrent devant nous. James me regarda un instant et me rassura du regard.

La marche jusqu'au cimetière se fit dans un silence quasiment complet malgré les nombreux sanglots. Je ne pleurais toujours pas. Et même si je l'avais voulu je n'aurais pas pu. J'étais vide.
Remus, Sirus, James, Lucas et Léo – les cousins de Rose -, et son père Barthélémy portaient à eux six, son cercueil nacré sur leurs épaules. Ils la déposèrent ensuite dans un trou aménagé dans le sol. Le prêtre prononça quelques mots et chacun notre tour, nous jetâmes une pivoine sur le cercueil puis une poignée de terre. L'homme d'église finit son sermon et la pierre tombale fut amenée et déposée sur le tout. Mon âme-sœur reposait enfin en paix. Sa pierre était belle. En marbre rose pâle, les caractères noirs.

Le début d'une belle histoire...Where stories live. Discover now