CHAPITRE VINGT-NEUF

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Born to die - Lana Del Rey

Avant d'aller voir Noah à l'hôpital, Jeanne, une amie de fac, et moi sommes allés travailler chez elle. Quelques temps plus tard, nous nous retrouvons à parler et ce de choses qui n'ont plus rien à voir avec les cours.

— Tu te sens pas trop seul à l'appartement ? me demande t-elle.

— Si, c'est pas agréable, je rajoute. C'est vraiment bizarre même de vivre seul là où nous sommes censés vivre tous les deux.

— Je comprends. Tu sais combien de temps il va rester encore ?

— Non, toujours pas. Ça fait qu'une semaine, mais-.

Je pousse un soupire, ne sachant pas comment finir ma phrase. Mais on m'a enlevé une partie de moi. Paradoxalement, j'ai également une partie de moi soulagée et qui peut un peu souffler. Je pense que cela vient du fait que j'étais vraiment mal de le voir sombrer et moins du fait qu'il soit un "poids" pour moi.

— Il te parle plus ?

— Ça dépend des jours mais en général oui. J'ai préféré ne pas venir tous les jours pour le laisser souffler et aussi pour que je réfléchisse de mon côté. Ça m'a pas mal remué tout ça en réalité. Je n'aurais jamais pensé dans ma vie à être confronté à ce genre d'émotions et situations.

— Dis-toi que c'est ce qui te rendra plus fort et riche même si ça ne paraît pas drôle sur le moment.

— Pas pour le moment, c'est sûr.

Je jette un coup d'œil à mes mains et me confie, pas très à l'aise :

— Je ne sais pas si on arrivera à s'aimer comme avant avec Noah. J'ai peur qu'entre nous, ce soit fini en tant que couple.

Aussitôt que je le dis, je me sens un peu soulagé d'avoir enfin pu dire mes craintes à quelqu'un. J'entends sans cesses les gens me dire que je suis courageux avec Noah et qu'il a de la chance de m'avoir. Au final, je ne sais même plus si je suis heureux au milieu de tout ça. Je suis peut-être son "super héros" mais, moi, je n'ai plus de super héros et ce depuis un petit temps maintenant.

— Est-ce que tu l'aimes toujours ?

Mon cœur se serre et bien que je mette plus de temps que d'habitude à le dire, je réponds tout de même :

— Oui, bien sûr, c'est Noah, je veux dire c'est, lui, Noah.

— Imagine toi ne plus être avec lui, comment tu te sentirais ?

Mon cœur se serre automatiquement de nouveau parce que rien que cette pensée me fait du mal.

— Horrible, ça serait comme perdre une partie de moi ou quelque chose du même genre.

Jeanne me conseille alors tout en posant une de ses mains par dessus la mienne :

— Toi aussi, prends du temps pour toi. Il n'y a jamais qu'une victime dans une histoire.

*

Je fais toujours le même chemin : des couloirs, des couloirs, l'ascenseur, des couloirs, une porte, sa porte. Je frappe ainsi à celle-ci.

— Oui ?

Je me permets d'ouvrir er découvre Noah assis sur une chaise devant sa petite table et qui semble travailler.

— Tu travailles ? je demande.

— Du moins, j'étais mais une pause ne me fera pas de mal.

Le brun vient ensuite s'asseoir sur son lit et je m'approche pour lui tendre un sachet de Dragibus. C'est notre truc depuis le début avec Noah, les Dragibus.

— Je sais que ce n'est pas l'aliment le plus sain qu'il existe mais je me suis dit qu'on pourrait les manger petit à petit, j'annonce.

— Oui, on pourra. T'as pas intérêt à me piquer tous les bleus comme à chaque fois, je te préviens.

Je souris puis viens m'assoir à côté de Noah. Ce dernier vient poser sa tête sur mon épaule et je passe un bras autour de son corps frêle. Je caresse ainsi doucement son bras tandis que nous ne parlons plus.

— Comment ça va ?

— C'est dur. C'est vachement dur même. J'ai l'impression d'être une oie qu'on gave. Tout le monde veut que je mange mais personne ne pense à ce que moi, je veux.

— C'est normal, Noah. Dans un premier temps, il faut que tu reprennes un poids qui va permettre à ton corps de fonctionner normalement. Et tant que ça ne le sera pas, ils vont te forcer à manger.

— Je sais, ils disent pareil mais ils ne se rendent pas compte d'à quel point c'est dur. Je dois monger quatre fois par jour ici, c'est un cauchemar. Je me sens malade toute la journée.

— Et je suis fière de toi que tu le fasses. Tu verras, reprends quelques kilos et ils te ficheront la paix avec ça.

— Justement, je ne veux pas prendre quelques kilos ni même un, je m'aime comme ça.

— Il s'agit de ta santé, Noah, ton corps n'aime pas ce corps justement. Même 5 kilos sera assez.

— Ne me parle pas de kilos à prendre s'il te plaît, ça me donne envie de vomir. J'ai déjà pris 700 grammes en une semaine, j'ai de nouveau dépassé les 50 kilos. Je me sens horrible.

— Même si tu te sens mal, pense que c'est nécessaire pour que tu puisses vivre. Tu comprends ?

— Oui, je sais.

— Est-ce que tu as vu un psy ou quelqu'un du genre ici ?

— Non, juste une diététicienne pour le moment.

— Ça t'a servi ?

— Non, elle m'a juste donné une feuille avec ce que dois manger par jour avec les quantités et tout. Je sais déjà tout ça.

— Pourquoi tu ne le fais pas alors ?

— Parce que moi, je n'ai pas besoin de toutes ces quantités.

— C'est juste une aide de départ, tu t'en sers comme tu veux après.

— En l'occurrence, je ne m'en sers pas.

— Sinon, tu dors mieux quand même ? je change de sujet.

— Non, je me réveille toujours plusieurs fois par nuit en ayant chaud. C'est comme ci mon corps devait aussi travailler la nuit tellement il a de bouffe à gérer.

— Ça passera avec le temps, tu verras. Laisse un peu de temps à ton corps pour qu'il s'habitue à ce qui est bon pour lui.

— Oui, mais c'est douloureux. J'ai tout le temps mal au ventre et aux reins. Aux reins ou quelque chose comme ça. Les docteurs disent que c'est normal mais ça reste tout de même peu agréable. Enfin bon, si je suis ici c'est pour guérir j'imagine et donc un peu souffrir aussi.

Nous nous serrons l'un contre l'autre quelques instants affectueusement. Noah dépose un baisser dans mon cou ce à quoi je réponds en lui redressant la tête pour l'embrasser. Nos baisers sont si peu nombreux, depuis qu'il est comme obnubilé par la nourriture, que chacun d'entre eux me paraissent trop peu. Mon copain se colle contre moi et nous échangeons autant de baisers que nous le pouvons avant de nous allonger sur le petit lit, enlacés l'un à l'autre.

— Je suis désolé de te faire vivre tout ça, ce n'est pas ce que je voulais. Je tiens sincèrement à te remercier d'être resté et de m'avoir aimé.

— Je t'aime toujours, Noah. je réponds suite à sa tournure passée.

Il ne répond rien et j'observe alors son visage où ses paupières sont fermées. Il le fait à chaque fois pour s'empêcher de pleurer.

— Ouvre tes yeux, chéri.

Il le fait alors mais très doucement. Je lui caresse ensuite son visage du bout des doigts puis lui embrase le bout du nez puis ses deux joues avant de faire de même avec son front, de nouveau son nez pour finir avec son menton et remonter à ses lèvres.

— Je t'aime, Edouard, même si je n'ai pas su te le montrer correctement ces derniers temps.

— T'as intérêt à te rattraper alors, j'ironise en l'embrassant.

— Je le ferais.

Impuissant✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant