EPILOGUE

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Notes pour plus tard - Orelsan

le 22/03/2030

Le jour où j'ai porté plainte et plus seulement pensé à le faire, en septembre 2019, ma vie a de nouveau pris un autre tournant. C'était une nouvelle phase mais aussi un nouveau combat.

Prendre la décision de porter plainte contre une personne qu'on connaît et que j'avais aimée, pour mon cas, est quelque chose de dur. Porter plainte n'est pas sans savoir que la personne va payer aux yeux de l'Etat, comme une sorte de vengeance de ma part. Dans mon cas, la prison serait la sentence. Prendre la décision d'envoyer quelqu'un en prison est lourde de conséquences. Je l'ai fait, non pas pour moi, je savais qu'Owen ne me ferait pas plus de mal qu'il m'en avait déjà fait, mais pour toutes les autres personnes à qui il avait toujours la possibilité d'en faire.

Me rendre justice, ce n'est pas envoyer mon bourreau derrière les barreaux. Me rendre justice, ce n'est pas de me donner le pouvoir de laisser croupir quelqu'un seul et enfermé. Me rendre justice, ce n'est pas non plus de détruire la personne qui m'a détruite par le biais de la prison. Me rendre justice, c'est me permettre de mettre sous les yeux de mon coupable, le mal qu'il a fait à moi dans un premier temps mais aussi à tous les gens qui étaient autour. À mes parents qui se sentaient coupables à la place du vrai coupable, à mon copain qui est passé après la tempête, à mes amis que j'ai perdus et ignorés. Me rendre justice, c'est me permettre de regarder droit dans les yeux la personne qui, un jour, a abusé de moi sexuellement, physiquement mais aussi mentalement et de lui faire admettre que c'était quelque chose de mal et de non permissible.

Le 8 novembre 2026, la justice nous a été rendue. Owen Simon a été condamné à 15 ans de prison (je ne parlerais même pas de l'interminable procédure de 7 ans et des souffrances que cela a engendré). La seule satisfaction que j'ai pu tirer de cette sentence était de savoir que personne ne connaîtrait ce que j'ai connu pour au moins 15 ans. Personne.

En revanche, je savais comment étaient accueillis les "violeurs" en prison et d'autant plus les "violeurs sur mineurs". Et ça, une partie de moi s'en voulait atrocement. Qui étais-je pour avoir pu engendrer la mort psychologique d'un homme suite à celle qu'il m'avait infligée ? Ne suis-je pas, moi aussi, à mon tour, coupable de la souffrance de mon prochain ?

Owen Simon s'est pendu à peine une année après son emprisonnement. Là aussi, ça n'a pas été facile. La culpabilité a été ma plus grande alliée puis j'ai appris à me pardonner avec beaucoup de temps et de souffrance, là aussi, encore une fois. Sa mort a été le cinquième tsunami de ma vie. Et des tsunamis, j'en aurais encore d'autres. J'en ai déjà vécu trois avec Édouard.

Je ne peux pas parler de moi sans parler de lui. Il es resté. Même à travers tous mes problèmes, il est resté. Le jour où on trouve une personne comme lui, on ne la laisse plus.

Nous avions 15 et 17 ans quand nous nous sommes rencontrés, 16 et 18 quand nous avons habité ensemble, 18 et 20 ans quand j'ai porté plainte, 26 et 27 quand le procès final a eu lieu, 26 et 28 ans quand j'ai demandé Edouard en mariage et que Owen est mort.

Aujourd'hui, je ne m'appelle plus Noah Henri mais Noah Abels. C'est ma nouvelle et profonde identité.

Il y a beaucoup de choses que j'ai retenues au fur et à mesure de toutes ces années. Certaines mieux que d'autres, certaines qui me semblaient plus importantes que d'autres. La vie est un perpétuel combat mais si on se bat, le bonheur est à la clé. Lorsque je vois d'où je suis parti et où je suis arrivé, je me dis que tout est possible.

Quelque chose qui m'a beaucoup aidé, c'est l'espoir. Sans lui, je n'aurais pas tenu longtemps alors je m'y suis accroché et j'ai essayé de tenir tant bien que mal. Ce mot a une résonance particulière pour moi maintenant. L'espoir, c'est la base de tout.

Je ne remercierai également jamais assez tous ceux qui m'ont entouré et soutenu. Jamais, je n'oublierai toutes ces personnes, jamais, mon cœur ne les oubliera. Jamais, je ne vous oublierai et je vous en serai toujours éternellement reconnaissant.

Noah Abels

Le passage à l'âge adulte est glissant dans les virages
Devenir un homme : y'a pas d'stage, pas d'rattrapage
Maintenant, t'es dans l'grand bain, devine comment on nage
[...]
Écoute, l'histoire s'écrit en tournant les pages
[...]
Ne crois pas les insultes, y'a pas d'race pour être un bâtard
Pour être un fils de pute, pas besoin d'avoir une daronne sur un trottoir
Y'a pas d'sexualité pour être un enculé
[...]
T'es au moment d'ta vie où tu peux devenir c'que tu veux
Le même moment où c'est l'plus dur de savoir c'que tu veux
[...]
S'regarder dans la glace, c'est la base dès qu'tu viens d'te lever
[...]
Sois pas parano sur qui sont tes vrais amis
Y'a qu'un seul moyen d'le savoir : laisse le temps faire le tri

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