Pédé

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Il y avait ces mecs, avec peut être une ou deux filles qui s'étaient rassemblés dans un coin. Face à un autre type je crois. Le son d'une gifle a retentit.
Celui là est parti en courant sous les rires des gamins qui me semblaient être des imbéciles.
Au bruit des claques s'ajoute celui d'une voix qui crie « pédé ».
Charmant.
Pas besoin de regarder ses yeux pour savoir qu'il était intéressant.
J'entame la lecture de sa vie.

***

2005

« - T'es une fille, crache le premier garçonnet au second.
- C'est même pas vrai.
- Si parce que les garçons ça ne joue pas aux poupées.
- Je joue aux poupées si je veux.
- Non. Les vrais garçons ça joue au foot et à la bagarre. Paul t'es une fille.

Le dénommé Paul regarda une dernière fois son adversaire et sentant les larmes lui monter aux yeux, il tourna la tête et retourna coiffer sa poupée.

2011

« - Paul, parle, lui demanda une fille d'une quinzaine d'année, suivie de toute une bande.
- Pourquoi ?

Sa simple question souleva des éclats de rire de la part des adolescentes. 
- Y'a quoi de drôle ? se fâcha-y-il du haut de ses onze ans, provoquant l'hilarité générale.
- Putain mais quelle voix de pédé ! dit l'une des filles entre deux éclats de rire. 

« - Maman ?
- Oui chéri ?
- C'est quoi un pédé ?
- C'est un mot qui... qui dévalorise les homosexuels. Pourquoi ?
- Parce qu'au collège y'a des filles qui ont dit que j'avais une voix de pédé.
- Elles avaient quel âge ces filles ? demande la maman.
- C'est des troisièmes.
- J'irai en parler au principal, ça ne peut plus continuer.
- Non c'est bon ! C'était pour rigoler, ment-il avant de partir dans sa chambre.

Ce jour là Paul a pleuré. Il a regardé dehors, où la pluie battait à tout rompre. Il a attendu que sa mère soit dans sa chambre pour sortir sous le temps pluvieux.
En se disant qu'avec les gouttes d'eau, on ne verrait pas ses larmes.
Il a marché dans la rue, sur le béton mouillé, grimaçant des qu'il voyait son reflet dans une flaque d'eau. Puis il a aperçu un magazine trempé posé sur un banc.
Il l'a pris et en a feuilleté les pages collées par la pluie.
Son regard s'est arrêté sur un homme jouant au football. Il compara ses mains avec les siennes. Les siennes étaient immaculées, les ongles étaient coupés en oval parfait et sa peau était encore celle d'un enfant, douce et pâle.
Celle de l'homme étaient plus viriles, légèrement abîmées.
Jamais il n'avait tapé dans un ballon.
Jamais il n'avait participé à un tournoi de football ou à un match de rugby.
Il continua de tourner les pages et tomba sur une publicité de lingerie, ou une femme posait en sous vêtement avec un regard aguicheur.
Paul ne comprend pas ce que les garçons de se classe trouvent à ce genre de filles.
Paul ne comprend pas ce que les garçons de son âge trouvent aux filles.
Il n'a jamais bavé devant un décolleté provocant, ou encore contemplé quinze bonnes minutes le compte Instagram de Kylie Jenner dans la cour de récré.

Paul sait tout ça, il sait qu'à l'inverse des garçons du collège il n'est pas attiré par les filles, mais par les garçons.

« - Eh c'est la pédale là bas ! cria une voix masculine, l'interrompant dans ses pensées.

Des rires se firent entendre, et la bande de garçons s'approcha de lui.
En remarquant leurs regards vicieux et leurs sourires, il su d'avance ce qui allait se passer.

DEAR FUCKING WORLDWhere stories live. Discover now