Prends le bon train -3-

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« Cher tous.
Dans tous, j'inclue Papa, Maman, Rebecca, Clarke et Anton. Et de toutes évidences Jack.
Je ne sais pas si je dois plus vous remercier ou m'excuser.
M'excuser pour tout les dégâts que je fais dans votre vie. Ou que j'allais, les simples personnes que je rencontrai et qui s'attachaient à moi, je pouvais être sûre de les faire souffrir.
Vous trouverez au recto de ce pauvre bout de papier déchiré de mon cahier une lettre pour ma famille, et au verso une pour toi, Jack.

Ma chère famille. Je suis tellement désolée. De tout, de rien, de ça et de moi. Je me perds dans mes mots comme je me suis perdue dans la vie.
Maintenant, Rebecca, tu pourras avoir la paire de chaussures dont tu rêvais, Clarke et Anton vous pourrez avoir le circuit de voiture qu'avant on ne pouvait pas payer. J'aurai beaucoup aimé être plus présente auprès de vous.
Enfin, il y a beaucoup de choses que j'aurai préféré. Comme ne pas attraper ce cancer. Comme ne pas avoir la malchance de s'en être rendu compte une fois que j'avais un beau nid de métastase aux poumons.
Mais merci pour la courte vie que vous m'avez donnée. Jamais je ne vous remercierai assez pour ça, pour vous.
Vous vous direz peut être que la façon dont je suis partie était lâche, mais je ne voulais pas vous faire souffrir davantage.
Je ne sais plus trop quoi dire, il n'y a pas grand chose que je puisse ajouter.
Je pourrai vous dire combien je vous aime, combien je suis désolée ou combien je vous remercie mais ça serait trop long, et ma main fatigue.
Le bruit des machines m'empêche de me concentrer, les brûlures à chacune de mes respirations sont de plus en plus fortes.
Je sais que si je ne pars pas maintenant, ça sera pour dans quelques jours.
Je ne veux pas que vous baissiez les bras lors de mon décès, vous allez devoir être forts et rester unis. C'est la seule chose que je vous demande.
Je vous aime plus que tout au monde, ne l'oubliez jamais.

Mon très cher Jack.
Si tu lis cette lettre, c'est que je je suis plus là.
Si tu savais combien je tiens à toi. Je suis honorée que tu aie été l'amour de ma vie. Je n'étais sortie qu'avec un ou deux garçons avant toi mais rien de sérieux. Tu est la seule personne que j'aie jamais réellement aimée. Quand je partirai, tu ressortiras avec des filles, tu te trouvera un job et aura une femme et des enfants.
Si tu savais à quel point je déteste ce cancer.
Plus que tout au monde. Donc je me déteste un peu moi même, vu que mon cancer, c'est moi.
Mais s'il y a bien une chose dont je lui remercie, c'est de m'avoir fait rencontré Jack Nelson.
Vois-tu, la première fois que je t'ai vu, au spectacle de l'école de nos frères et sœurs, c'était ma mère qui m'avait obligé à y aller. Pourquoi ?
Parce que j'étais diagnostiquée dépressive, et qu'il fallait que je sorte.
Donc grâce à cet enculé, je t'ai connu.
J'ai énormément de choses à te dire, sans savoir exactement quoi. J'aurai préféré te les dire en face, en bonne santé, mais je n'ai pas d'autre choix que de les coucher sur ce papier.
Tu ne me connaissais pas énormément. On ne s'est jamais posé de questions sur nos vies antérieures.
Alors je vais y répondre moi même.
Je suis née à Boston en 2000.
Ma couleur préférée est le rouge.
Mon chiffre porte bonheur est le 7.
J'ai arrêté l'école à mes 14 ans, âge où on m'a trouvé ce cancer.
J'ai failli mourir à mes sept ans en avalant une pièce de Scrabble.
A 12 ans j'ai remporté les championnats de New York de basket.
Et je sais que je pourrai te sortir une autre quantité d'anecdotes.
Mais ce n'est pas le but. Le seul message que j'essaye de te faire passer est que je n'ai pas eu le temps de te connaître, ni de faire grand chose d'ailleurs. Je n'ai jamais skié, conduit une voiture ou être allée dans ne boîte de nuit.
Je n'ai pas spécialement envie de parler  encore de notre histoire d'amour, car toutes les histoires ont une fin.
Celles qu'on me racontait petite se finissaient toujours par « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants ».
Pas la notre apparement.
Tu sais, la mort c'est un train qui passe. On doit le prendre à l'heure, au bon moment. On ne doit pas arriver trop tard, ou on loupe notre train et on attend tout seul trop longtemps en s'ennuyant, ni trop tôt, ou on part de la gare bien avant l'heure prévue.
Moi je l'ai pris trop tôt.
J'espère que tu prendras le tien à l'heure.
Si je suis partie comme ça, c'est parce que je pense que je n'appréciais pas la station de train ou j'étais. Il y avait bien des gens auxquels je tenais, comme toi, et c'est justement pour ça. Pour ne pas vous faire plus de mal que j'en ai déjà fait. Donc je me suis dit, autant partir maintenant. Alors j'ai sauté dans le train qui passait, et maintenant je suis au terminal.

Mais à l'heure où j'écris, ma main fatigue.
Alors je vais cesser d'écrire, poser mon stylo et fermer les yeux.
Je vais garder le peu de force qu'il me reste pour porter ma main à mon nez, ou j'enlèverai les canules.
Ça ne prendra pas plus de trois minutes, je ne me battrai pas, je laisserai mes poumons prendre feu.
J'entendrai les bips des machines accélérer, puis ralentir.
Je ne les entendrai pas s'arrêter, parce que je ne serai plus là. Des médecins vont débarquer dans la chambre, ils vont vouloir me faire sortir du train, mais ça sera trop tard.
Je t'aime plus que tout au monde Jack Nelson, n'en doute jamais.
Passe une bonne vie, parce que c'est en crevant que je le suis rendue compte que j'aurai du marcher, respirer et t'aimer un peu plus.

Bien à toi,
Jana.

DEAR FUCKING WORLDWhere stories live. Discover now