Son regard

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Ils sont mignons tous les deux. Vraiment. De parfaits contraires.
La fille est habillée en noir, c'est une gotique et ça lui va bien. Elle a des résilles et des Docs rouges, et elle sourit de toutes ses dents. Lui il a un petit sourire timide. Enfin il sourit énormément mais surtout avec ses yeux. Il la regarde... je n'ai jamais vu personne regarder quelqu'un comme il le fait. Il est habillé sobrement. Avec un jean, des vans et un tee shirt blanc.
C'est marrant, parce qu'elle gambade dans la gare, en le tirant par la main alors que lui avance discrètement, comme s'il avait peur de déranger.
J'avoue qu'elle met de la bonne humeur dans ce couloir de métro, qui sent la clope et la pisse de clochard.
Ils sont tellement intéressants.
J'entame la lecture de leurs vies.

Elle est allongée sur le lit. Elle n'a pas pris la peine d'enlever ses chaussures, et elle fixe le plafond en souriant comme une débile.
Son rouge a lèvre noir est tellement étiré sur ses lèvres qu'il se craquelle par endroit.
Je fais tache à côté d'elle.
Je suis assis sur le rebord du sommier, les mains posées sur mes genoux.
Ma poitrine monte et descends rapidement. Trop rapidement. Je suis stressé. Cette fille me fait stresser. Cette fille me rend fou.
C'est marrant parce qu'elle est habillée tout en noir et pourtant elle rayonne, elle est toute lumineuse.
D'un simple sourire elle illumine plus la pièce que les étoiles illuminent la nuit.

« - Eh John Lennon ? elle m'appelle.

Elle m'appelle John Lennon. A cause de mes cheveux noirs et de mes lunettes rondes. J'aime bien.

Je me tourne vers elle. Elle a un visage tout rond, qui lui donne un air malicieux et enfantin.

- Je peux m'allonger sur toi ? elle demande.

Hein ?

Je dois vraiment avoir l'air débile parce qu'elle explose de rire.

- Eh, Lennon ?! T'es vivant ? J'peux, alors ?
- Heu... Ouais...

Je balbutie. Je sens mes joues rougir et dieu sait que je déteste ça.
Elle pose sa tête sur mes genoux et continue de fixer le plafond, comme si elle parlait avec lui.
Cela dit il doit être plus intéressant que moi. Même plus drôle. Et plus bavard, et plus tout en fait.

Sa tête est proche de moi, trop proche.
Je la regarde.
Et elle est vachement belle.
J'aime bien ses boucles blondes. Puis ses lèvres pulpeuses. Ses yeux bleus grisés.
Moi j'ai des yeux marrons.
Et c'est vraiment nul les yeux marrons.

- J'les aime bien tes yeux, dit elle comme si elle avait lu dans mes pensées.

Je me rend compte qu'elle ne fixe plus le plafond, mais moi.

- Ils sont profonds. Genre un brun profond, tu vois ce que je veux dire ?

J'hoche la tête alors que je ne comprends pas du tout.
Je comprends jamais rien à ce qu'elle dit de toutes façons, je suis bien trop intéressé par le mouvement de ses lèvres noires et de son regard quand elle parle.
Même quand elle raconte des conneries (et elle en raconte souvent) elle est toujours concentrée sur ce qu'elle dit, comme si l'avenir de l'humanité dépendait de ses dires.
C'est assez marrant à voir.
J'utilise tout le temps le mot marrant.
Et merde, je pense beaucoup trop.
Pourquoi je pense autant alors que la tête plus belle fille du monde est posée sur mes genoux ?
Je préférerais l'embrasser.
Comme dans les films. Mais j'ai jamais embrassé de filles. Ni de garçon, au cas où vous vous poseriez la question.

Elle sourit et elle me regarde, comme si c'était moi qui la faisait sourire.
Elle parle et pourtant je ne capte pas un mot de ce qu'elle dit.

À ce moment là, j'ai vraiment eu envie de poser mes lèvres sur les siennes.
Mais j'étais ordinaire et elle était extraordinaire, j'étais purement maladroit et elle infiniment sûre d'elle, j'étais attrayant et elle était fascinante.
J'étais moi et elle était elle.
Alors je l'ai regardé de tous mes yeux, de tout mon possible, comme je savais si bien faire.
J'ai cherché à m'imprégner chaque partie d'elle, de mémoriser chacun de ses traits pour les redessiner les yeux fermés.
Et en posant mon regard sur elle et non mes mains, je me suis approprié son corps comme personne ne l'avait fait.

DEAR FUCKING WORLDWhere stories live. Discover now