Sur le bateau - Chapitre 7

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Dehors, une pluie fine les mouilla alors qu'ils passaient sur le pont intermédiaire pour rejoindre la grande salle. Au loin, le ciel était noir d'orage et la mer s'agitait doucement, faisant onduler le bateau.

Avant d'entrer, Adam glissa quelques mots à Eleanor qui se contenta de hocher la tête. Une fois la porte franchie, il fit le tour de la pièce du regard puis s'avança vers une table basse entourée de fauteuils confortables. Plusieurs d'entre eux étaient déjà occupés, notamment par le baron de Nibel qui l'invita à prendre place à ses côtés, ce qu'il fit.

Eleanor s'approcha de la jeune femme et lui glissa :

- Allez vous poster derrière lui et baissez la tête. Ne parlez pas, ne bougez pas et ne regardez personne.

Elle alla elle même s'asseoir à une place libre à la droite du comte et sourit à la ronde.

" Génial, songea-t-elle en s'éxécutant. La potiche de de Saad m'explique comment jouer les potiches...."

Derrière quelques autres seigneurs, d'autres servantes se trouvait dans la même position, si bien que personne ne fit attention à Amélie.

- Vous ne vous servez pas ? demanda le duc de Keghel au comte.

- Je ne mange que ce dont je suis sûr. Ma servante est aux cuisines pour tout vérifier et superviser.

- Et bien, vous êtes sacrément suspicieux, rit le baron de Salaün.

- En parlant de ça, intervint le baron de Nibel d'un air complaisant, tu as une nouvelle servante, comte...

Il leva les yeux vers Amélie.

- Vous êtes proches tous les deux, non ? demanda-t-il.

- Ce n'est qu'une servante, répondit Adam sur la défensive.

- Pourtant vous aviez l'air de vous amuser, hier. Et elle m'a appelé par mon nom...

Tous les regards se tournèrent vers le comte et Amélie. Celui-ci resta de marbre.

- Une ancienne connaissance, répondit-il évasif. Que j'étais surpris de retrouver ici en tant que servante.

On lui jeta des regards entendus. Il était clair qu'on la prenait pour sa maitresse. Peut-être même une noble déchue.

- Pour changer complètement de sujet, fit Adam avec un petit sourire modeste, il semble que l'orage couve ce matin. J'espère que nous n'aurons pas à le traverser.

- J'en ai parlé au capitaine qui m'a assuré que nous devrions éviter le grain, repondit le duc. De toute façon c'est un bateau de grand luxe, il n'y a pas à s'inquiéter.

- C'est un bateau magnifique que le roi nous a mis à disposition, acquiesca sa femme en lui posant une main sur le bras. Mais si vous voulez mon avis, les cabines sont bien trop petites.

- J'ai navigué il y a trois mois sur la Perle des Mers, fit le baron de Salaün un ton plus bas, et il était à mon sens bien plus impressionnant que ce rafiot. Si vous voulez mon avis, notre bon roi est un peu trop près de son or quand il ne s'agit pas de cèder à ses frasques. Après tout c'est bien un voyage diplomatique que nous entamons. Comment voulez vous que l'on fasse bonne impression après avoir passé tant de temps confiné dans des cabines de trois mêtres carré.

Dès lors, la discussion prit un tour plus politique et s'anima.

Amélie aurait dû écouter, mais elle avait la tête ailleurs. Elle ne pouvait s'empêcher d'observer la chevelure lourde de la femme à la droite du comte de Saad. Adam et elle... Si Adam mettait la main sur le trône dont elle était la clef, alors cette femme deviendrait sans doute la source de lourde sortie d'or dans les comptes du royaume. La maitresse royale.... Pire encore, si Adam le désirait, c'était sa vie à elle qui serait très vite soldée pour que cette femme prenne sa place. Cette idée la fit frémir. Le comte de Saad était un salaud, c'était certain, mais à quel point ? Elle n'était tout à coup plus très sure d'avoir envie de le savoir. Il fallait qu'elle se sorte de ce pétrin, voilà tout. Du coup, les médisances de coutume dans ce genre de discussion lui passaient loin au dessus.

NaufragésWhere stories live. Discover now