Sur l'ile - Chapitre 3

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Adam avait fait le tour de l'ile sans trouver d'eau ni rien qui puisse leur être utile, à part peut-être cette pierre tranchante qu'il soupesait. Il avait bu un reste de pluie au creux qu'une large feuille et jaugeait maintenant la hauteur d'un cocotier. En temps normal, l'escalade ne lui aurait pas fait peur, mais il avait dû forcer pour les garder hors de l'eau pendant la tempête, sans compter son épaule qui lui faisait un mal de chien.

Il décida de tenter quand même, coinçant la pierre dans son pantalon, puis grimpant le long du tronc avec agilité. Il atteint le sommet avec soulagement et fit tomber les fruits avec sa pierre.

Revenu en bas, il attaqua l'épaisse enveloppe, assis à l'ombre des arbres à l'endroit où ils avaient échoué, attendant que sa princesse se décide à le rejoindre. Il faudrait bien qu'elle finisse par admettre qu'elle avait besoin de lui... À moins que ce ne soit lui qui avait besoin d'elle... Mais ça, il ne l'aurait admis pour rien au monde.

Amélie n'avait aucune intention de retourner près d'Adam tant qu'elle n'aurait pas une montagne de noix de coco à lui offrir, et ça commençait mal, puisque pour l'instant elle n'en avait qu'une. Elle lança des pierres, elle tenta de le secouer encore et encore et à défaut de parvenir à un quelconque résultat, elle tenta aussi de l'escalader. En vain. Épuisée, elle renonça et s'assit sur la plage où elle chercha un moyen d'ouvrir sa noix, avec ses mains puis avec le talon d'une de ses chaussures.

Lorsqu'Adam parvint enfin à scalper sa deuxième noix de coco au sacrifice de ses doigts, il se décida à faire le premier pas et retourna là où il avait laissé sa princesse en espérant qu'elle ne se soit pas noyé de désespoir, empoisonnée ou assommée elle-même...

Assise sur la plage, à l'ombre, il la trouva en train de s'acharner sur une noix de coco. Il ralentit en admirant ses épaules délicates, la naissance de ses seins que laissait entrevoir le corset, ses longues jambes fuselées qu'il devinait sous le jupon blanc trempé, ses mains fines qui maltraitait avec rage l'écorce retorse. Une vraie nymphe. Une nymphe enragée, certes, mais divinement belle dans son obstination.

- Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-elle venimeuse en le voyant approcher.

- Pourquoi tu es toujours sur la défensive ? demanda-t-il en lui tendant l'un de ses trésors. Tu as bu au moins ?

- Non, évidemment que non.

Elle lutta pour passer sa frustration sur sa noix de coco plutôt que sur Adam et se rendit seulement compte de celle qu'il lui tendait. Elle hésita entre sa fierté et sa soif, mais la soif l'emporta. Elle récupéra le fruit et laissa le précieux liquide de la noix lui réhydrater la gorge avec délice. Immédiatement, elle se sentit déjà mieux.

- Comment as-tu fait ? Ce truc est dur comme du bois ! Tu as un couteau ?

- Quelque chose du genre, dit-il en lui montrant sa pierre et ses doigts écorchés.

- Ça va être l'enfer à chaque fois qu'on va vouloir manger ou boire.

Il hocha la tête en savourant son fruit à son tour.

- Pas le choix, dit-il, à part les noix de coco, je ne connais aucune plante d'ici. Par contre, on peut encore récupérer un peu d'eau de la tempête sur les feuilles. Mais plus pour longtemps avec la chaleur qu'il fait. On devrait remplir les coques.

- C'est une bonne idée. Je t'avouerai que j'ai beaucoup cherché comment faire descendre les noix de coco des arbres, pas trop fouillé les plantes. Rien que ça, c'est impossible.

- Ca, ce n'est pas un problème. J'en ai fait tomber plein de l'autre côté.

- Oh... Et comment tu as fait ?

- Tu veux une démonstration ? demanda-t-il amusé.

- Oui.

Il la dévisagea, surpris par son sérieux.

- Tu n'as pas pitié de moi... soupira-t-il en faisant jouer son épaule douloureuse.

Il lui confia sa noix de coco, puis s'approcha d'un palmier pour l'escalader comme la première fois et en fit tomber les fruits.

Amélie le regarda monter, d'abord stupéfaite par son agilité, un peu jalouse, puis oublia complètement sa jalousie pour baisser les yeux sur son corps. La respiration coupée, elle se demanda si elle ne s'était jamais rendu compte à quel point les fesses d'Adam pouvaient être magnifiques, moulées dans son pantalon trempé.

Adam retomba souplement sur le sol avec l'impression d'avoir effectué un numéro de cirque.

- On va chercher l'eau ?

- Euh... de l'eau ? Mais où ? Sur des feuilles ? Ah oui !

Il la dévisagea avec un petit sourire moqueur.

- Ce que tu vois te plait ? susurra-t-il.

Elle le foudroya du regard et tourna les talons, prise en faute. Il ricana et partit de son côté pour se mettre à la tâche, de bonne humeur.

Amélie fouilla dans les arbres pour retrouver les restes de pluie gardés par les feuilles et lorsqu'elle eut rempli sa noix et une gourde faite d'une longue et large feuille de palme, elle passa à autre chose. Elle avait vu des plantes qui ne lui étaient pas inconnues. Alors elle chercha parmi les buissons pour les retrouver. Lorsqu'elle rejoignit Adam un moment plus tard, elle avait dans ses bras comme un berceau de fougères et de feuilles.

- J'ai trouvé de petites choses intéressantes, annonça-t-elle.

Adam la regarda, elle et son chargement, ne voyant pas vraiment où elle voulait en venir.

- Il n'y a pas que des noix de coco. Ces fougères sont comestibles, expliqua-t-elle. J'ai aussi trouvé du taro et de la pomme de terre sauvage, mais ça ne se mange que bouilli. Et de l'ail sauvage... ça va être parfait pour assainir nos plaies et éviter les infections.

Adam sourit, impressionné.

- Ca me rappelle le jour où je t'avais grondée parce que tu mangeais des baies étranges... Tu m'avais répondu par un cours magistral sur les plantes comestibles.

Il secoua la tête.

- Ma petite marchande de fleurs...

Elle fit la moue.

- Si tu savais... Je suis encore plus calée sur le sujet qu'avant...

Elle lui sourit.

- Bref. Il faut faire un feu.

- Je m'en occupe.

Il avait déjà commencé à rassembler du bois alors il l'emporta avec lui et se mit en quête d'un endroit où il ne risquerait pas de mettre le feu à la végétation.

Amélie poussa un soupir qui ressemblait presque à un sanglot et déposa sa cueillette près des réserves d'eau. Alors, elle scruta l'océan, le vague à l'âme. Jamais elle ne lui pardonnerait ces jours de pur bonheur qu'il avait brisé deux années auparavant. Sa tromperie, sa traitrise.

- Épouse-moi, épouse-moi, petite marchande de fleurs, murmura-t-elle.

Puis elle se figea. Une tache noire dansait-elle devant ses yeux ou bien... Non ! Elle voyait bien quelque chose qui flottait dans l'eau.


NaufragésDove le storie prendono vita. Scoprilo ora