De retour - Chapitre 7

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- Vous voudrez bien accorder votre compagnie à un vieil homme, ma nièce, demanda Cid à Amélie, alors que le roi regagnait son trône.

- Volontiers, répondit-elle en prenant son bras.

Elle se laissa guider au milieu des danseurs et évolua avec lui sur la musique.

- Vous désiriez me parler ?

- Je voulais simplement saluer votre courage, princesse, sourit-il. Vous n'avez pas froid aux yeux.

- Pourquoi dites-vous cela ?

- Je crois que vous savez de quoi je parle. Votre petit numéro avec de Laude était très réussi.

- Oh... votre fils a un don pour trouver la part sombre de mes prétendants.

- J'espère que vous le réprimanderez sévèrement pour vous avoir mise en danger.

- Mais non, je me suis portée volontaire en sachant très bien ce que je risquais. Et puis je connais ma cour... Mon oncle, puis-je vous poser une question ?

- Vous pouvez, ma nièce, répondit-il. Et je tâcherai d'y répondre.

- Est-ce que vous voulez toujours vous venger de mon père de vous avoir pris le trône et votre fiancée ?

Cid la dévisagea un moment, surpris, puis esquissa un sourire.

- Je suis étonné que votre père vous ait parlé de cela... Il est habitué à garder le beau rôle, d'habitude.

- C'est le cœur de mon problème. À cause de cette histoire, mon père pense qu'Adam n'est que votre pantin et que seule la vengeance vous motive. Est-ce qu'il a raison ou est-ce qu'il a tort ?

Cid la fit danser un moment en silence avant de répondre.

- Je vais te le dire, ma nièce, décida-t-il. Bien sûr, tu n'es pas obligée de me croire. Il y a vingt ans, j'ai quitté ce château, humilié, privé de mes droits légitimes et de la femme que j'aimais éperdument et qui m'était promise. Chassé dans un pays de guerres perpétuelles, de danger et de mort. C'est la rage au coeur que je l'ai rebâti à la force de l'épée et des hommes et des femmes valeureux qui le peuple. Finalement, lorsque j'ai repris le mur, quand j'ai ramené la paix sur les terres de nos ancêtres, j'ai compris que là était ma place. J'étais en paix avec moi même. Bien sûr, j'aimais toujours Maelys, ta mère. Je ne l'ai jamais oubliée. Je n'ai pas pu me résoudre à la remplacer. Mais quand je suis revenu ici pour ses funérailles, quand j'ai vu ton père, je me suis rendu compte que je ne lui en voulais plus. Parce que pendant ces dix ans il l'avait finalement eue pour lui seul et il a bien plus souffert que moi de sa perte. J'ai estimé que sa peine suffisait à ma vengeance. Tu trouves ça mesquin ?

Après une longue hésitation, elle répondit.

- Oui. Mais ça me parait normal... Pourriez-vous parler de tout cela avec votre frère ? Cela vous ferait autant de bien à vous qu'à lui. Et j'espèrerais que ça dénoue le conflit qui se joue en ce moment.

Cid eut un petit rire sans joie.

- J'aimais ta mère, tu sais, je l'ai aimée jusqu'au bout. Je l'aime toujours. Elle était belle et sage. C'était une grande reine. Je m'en suis voulu d'être aussi mesquin pour ses funérailles, mais aujourd'hui tout cela me passe loin au-dessus. J'ai envoyé mon fils à la cour en signe de paix. Mais Altaïr ne l'a pas vu de cet oeil. Malgré tout, je suis heureux que vous ayez pu vous trouver, tous les deux.

La musique s'arrêta et il la relâcha.

- Quand je t'ai vu il y a dix ans, toute petite fille, je me suis senti jaloux. J'ai vu en toi la fille que Maelys aurait pu me donner et cela s'est ajouté à ma peine. Je suis désolé si j'ai pu dire des choses blessantes qui seraient éventuellement venues jusqu'à toi. Je serais heureux de te considérer comme ma fille. Je parlerai à ton père, mais je doute qu'il m'écoute.

NaufragésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant