4 : De la glace, encore une fois mon frère et un deuxième café

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Ça faisait quelques jours que Gretchen ne m'adressait plus la parole, et je le vivais plutôt mal. Elle était ma seule vraie amie, déjà parce que je trouvais que les amis, ça ne servait à rien, et aussi parce que je n'en avais gardé aucun de mes études, de l'école primaire à l'université.

J'avais rencontré Gretchen lors du mariage de sa sœur. J'avais été invitée parce qu'à ce moment-là, j'étais « en couple » avec le cousin par alliance du fils de la tante de la mariée, la sœur de Gretchen donc. J'étais bourrée et en train de flirter avec le témoin du marié derrière la cuisine quand Gretchen m'avait bousculée pour aller vomir dans un buisson. Depuis on était super copines toutes les deux. Voire meilleures amies. Je n'ai jamais vraiment réussi à faire la différence entre une amie banale et une meilleure amie, jusqu'à aujourd'hui.

Car aujourd'hui, elle me manquait. Je ressentais comme un vide, chaque jour on s'envoyait juste deux ou trois messages, et là, plus rien. Plus de petits emojis en forme de grenouille ou de fille qui danse - ses préférés - ni en forme d'aubergine ou d'abricot - les miens. Plus d'histoires drôles à se raconter quand on s'appelle, de la crotte dans laquelle je venais de marcher alors que j'allais au boulot aux pannes au lit de son petit copain, qui la faisait plus rire qu'autre chose. Ce n'était arrivé que très peu de fois - la crotte, pas Justin - mais c'étaient les meilleures histoires.

En même temps, on ne devrait pas laisser les chiens faire leurs besoins dans l'herbe du parc à chiens où je passe tous les matins quand je suis en retard.

J'ai avalé une grosse cuillère de glace. J'avais vu ça dans des films américains pourris qui passaient le dimanche soir : quand l'héroïne n'allait pas bien, elle mangeait un pot de glace devant la télévision et elle allait mieux. J'avais presque fini le pot et tout ce je ressentais, c'était la crise de foie arriver.

Eliott s'est assis à côté de moi et a coincé derrière mon oreille une mèche de cheveux bruns qui arrivait parfois à entrer dans ma bouche.

- Eh sœurette, qu'est-ce qui ne va pas ? Ça fait trois jours que tu ne parles plus. C'est à cause de ce que je t'ai dit ?

J'ai secoué la tête et l'ai posé sur son épaule. Il m'a caressé les cheveux - il savait tous mes points faibles ce petit con.

- Dis-moi ce qui ne va pas, Alice, a-t-il murmuré.

- Gretchen ne me parle plus.

- Pourquoi ?

- On s'est disputé. Elle a dit que j'étais immature et que je devais revoir le sens de mes priorités

Eliott n'a rien répondu. Ses yeux noisettes étaient perdus dans le vide, fixant la télévision qui rediffusait une émission de cuisine. Je l'avais déjà vue, c'était Jean-Louis qui allait quitter l'aventure, il n'avait pas réussi à bien doser le sucré et le salé dans l'assiette qu'il avait préparée. Amateur.

- Et qu'en penses-tu ? m'a soudainement sortie Eliott de mes pensées.

- Elle a tort, c'est évident. J'ai vingt-quatre ans, je suis majeure et responsable de ma propre vie. J'ai un boulot et mon permis de conduire, ça prouve bien que je suis mature non ?

- Permis que tu as passé trois fois.

- C'est bon, je l'ai eu, c'est tout ce qui compte.

J'ai avalé une nouvelle cuillère de glace.

- Tu ne penses pas que Gretchen pourrait avoir raison ?

L'amour selon AliceWhere stories live. Discover now