8 : Un cookie, une cougar et une invitation

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Je venais de terminer d'engloutir mon sandwich et m'apprêtais à sortir du Subway, ayant déjà dépassé de vingt cinq minutes ma pause déjeuner, que Gretchen s'est assise à ma table. Je l'ai interrogée du regard, perplexe. Normalement, c'était moi qui venait m'asseoir près d'elle et lui déballais ma vie, pas l'inverse ; je perdais la main.

- Alice, je ne vais pas passer par quatre chemins, a-t-elle commencé. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, tu me manques : tu es toujours là à te plaindre et à parler sans arrêt, à être vulgaire et à mettre un point d'honneur à suivre l'essence-même de la franchise ; mais tu es toi, et je t'avoue que c'est étrange, mais c'est ce qui me plait chez toi.

J'ai failli avaler un morceau de poulet épicé de travers : elle faisait son coming-out ou elle essayait juste de m'expliquer qu'elle voulait qu'on redevienne amies ?

- Et je voulais m'excuser, continuait-elle. Je sais que c'est pas facile pour toi, ta situation de vie, les représailles de ton frère, ta mère... je le sais parce que je te connais bien. Et si j'ai pu te faire croire, ne serait-ce qu'un instant, que moi aussi je faisais partie de ces gens qui ne croient pas en toi et qui passent leur temps à te rabaisser, j'ai vraiment été bête : tu es une personne exceptionnelle, Alice, ne laisse personne le contredire. Vraiment agaçante, méprisante et démoniaque, mais exceptionnelle.

Je l'ai fixée pendant deux longues minutes. Elle restait plantée là, comme une fleur, ses deux boules de billards noirs qui lui servaient d'yeux accrochées à ma personne. Puis j'ai souri, ai aspiré une longue gorgée de soda et ai lâché :

- Tu te fais chier, c'est ça ?

- Tu n'as même pas idée, a-t-elle lâché dans un profond soupir qui venait, si vous voulez mon avis, de très, très loin.

- Justin a encore voulu jouer les objets sexuels ? lui ai-je demandé en me levant et en emportant mon sac, laissant mon plateau sur la table.

Je ne comprenais pas cette norme instaurée dans les fast-food qui obligeait les clients à nettoyer, des gens étaient embauchés pour faire le ménage. S'ils voulaient que je débarrasse mon plateau, il me remboursait au moins la moitié de mon menu.

- Il me fait vraiment pitié, Lili, a-t-elle avoué alors qu'on sortait dans la rue piétonne. Il a commencé à me parler des mâles alpha et bêta, je n'ai rien compris à son charabia.

- C'est ça, d'avoir un copain, Gretch. Tu dois toujours comprendre les sous-entendus de l'autre. Au moins, quand tu es célibataire, tu n'as pas à te cacher : tu dis tout cash, et c'est réglé.

- Heureusement que je ne t'écoute pas, sinon j'aurais quitté Justin depuis longtemps.

- Je sais, on se complète dans nos comportements diamétralement opposés mais aucune de nous n'écoute l'autre, c'est pour ça que ça marche si bien entre nous.

Elle a esquissé un sourire. En effet, c'était un formidable résumé de la situation.

- Tu sais, je suis vraiment désolée pour ce que je t'ai dit, a-t-elle dit alors que nous marchions en silence vers mon lieu de travail.

Je n'ai pas relevé. Ce dont elle parlait - l'histoire de ma mort - m'avait touchée, elle avait raison de s'excuser.

- Non, tu as raison.

Elle s'est arrêtée net. J'ai du me retourner vers elle pour voir son air sidéré. Les passants autour de nous nous regardaient d'une drôle de manière.

- Tu peux répéter ?

- Tu as raison, Gretch.

- C'est bien la première fois que je t'entends dire ça, a-t-elle dit en riant. Et sur quel point ?

L'amour selon AliceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant