Chapitre Un

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-Maman, pourquoi je suis obligée d'y aller ? gémit Amia White pour la millième fois au moins, alors que la C4 violette familiale prenait résolument la direction du nord depuis plus d'une heure malgré toutes ses protestations. J'avais des amis à Saint-Martin !

-Je sais ma chérie, répliqua Mme White sans lui adresser un seul regard, concentrée qu'elle était sur la route droit devant eux, non sans jeter de temps à autre un coup d'œil en direction du rétroviseur. Mais nous en avons déjà discuté. Tes résultats étaient très médiocres l'année dernière. Je suis sûre que tes mauvaises fréquentations y sont pour quelque chose. 

La jeune fille comprit très bien ce que sa mère sous-entendait par là, elle venait mine de rien de traiter tous ses amis comme des "mauvaises graines", des "voyous" qui la dérangeaient dans sa précieuse scolarité et l'empêchaient de se concentrer. C'était faux, bien sûr. Mais une fois que Justice White avec une idée en tête, rien ni personne ne pouvait la lui retirer.

-De plus, Intemporia est un très bon endroit pour les enfants comme toi. Tu verras. Ils ont repéré ton dossier, tu sais. C'est pour cela qu'ils m'ont proposé de te prendre en charge. Heureusement, d'ailleurs. Amia, je m'inquiète pour ton avenir !

-Je ne pourrais pas avoir une seconde chance ? supplia la jeune fille en lui adressant son regard le plus larmoyant. Je ferai tout ce que tu voudras... Je travaillerai dur, promis.

-Trop tard pour cela, tu es déjà inscrite. En plus, je pense que ce sera une bonne expérience pour toi que d'apprendre dans un nouveau cadre. Tu sais, il paraît que c'est très beau là-bas. Tu pourras faire de longues explorations lorsque tu en auras envie. La région est très boisée. On m'a dit que le pensionnat avait un charme assez ancien. Il m'a l'air très bien, à moi. Et à ton père aussi. Pourquoi refuses-tu d'y aller ?

C'était une bonne question. En fait, la réponse était on ne peut plus simple : primo, Amia n'avait aucune envie de quitter Lisa, Camille et Marcelline, ses trois meilleures amies, sans oublier tous les autres bien sûr ; deuzio, elle n'avait jamais été dans un internat, et l'idée partager sa chambre avec des inconnues ne lui plaisait absolument pas ; et tertio, "Intemporia", sérieusement ? Rien que ce nom donnait une idée de l'excentricité du lieu, et cela ressemblait plus à un nom d'asile de fou qu'à celui d'une prestigieuse mais pourtant assez méconnue institution. 

Amia avait tout simplement l'impression de se jeter dans la gueule du loup. La tête la première. Et les yeux bandés.

-Mais... Maman, on n'a même pas visité ! tenta t-elle. Imagine que ce soit une de ces écoles rigides où les enfants sont très sévèrement punis à la moindre bêtise ? Imagine qu'ils ne nous servent pas beaucoup à manger ? Je pourrais revenir à moitié morte de faim...

-Ca aussi, on en a déjà parlé. La grand-mère de ta grand-mère a été scolarisée pendant près de huit ans à Intemporia. Et elle ne s'en est jamais plainte. Tu te feras plein d'amis, là-bas, j'en suis sûre ! Et puis tu pourras revenir nous voir pendant les vacances, si tu le souhaites.

Les pensionnaires pouvaient même retourner chez eux le weekend, mais la famille White habitait à plusieurs heures de route de l'internat et la mère d'Amia ne pouvait se permettre de venir la chercher et la ramener une fois par semaine. Ni son père, d'ailleurs.

La jeune fille jeta un coup d'œil dépité à la banquette arrière de la voiture, où se trouvaient sa grosse valise mauve -soit dit en passant, elle adorait toutes les sortes de violet possible, d'où la couleur du bagage- et sa sacoche qui lui servait de cartable d'un bleu azur assez neutre et discret. Elle aimait aussi le bleu, mais moins que le violet.

Voyant que sa mère avait crispé les mains sur le volant et serré les lèvres, Amia comprit qu'elle avait intérêt à se taire avant de se prendre le sermon du siècle. Mme White était visiblement à bout de patience. Elle avait expliqué très calmement la situation à sa fille une bonne trentaine de fois au moins, mais là, ça suffisait. Franchement. 

AMIA WHITE - 1. La ChronosphèreWhere stories live. Discover now