AMIA WHITE - 1. La Chronosphère

Chapitre Treize

Amia recula en titubant, horrifiée, imitée par ses amis qui, même s'ils connaissaient apparemment plus de choses sur le monstre qui venait de surgir dans le réfectoire d'Intemporia, n'en menaient pas large non plus. Comme l'avait dit Aristote, le Faucheur ressemblait vaguement à l'idée qu'Amia se faisait sur les dragons : des écailles noires recouvraient entièrement son corps impressionnant de puissance, des ailes de chauve-souris de plus de trois mètres d'envergure étaient rattachées à ses épaules, et une longue queue terminée par une pointe effilée et tranchante comme un rasoir terminait son corps de serpent géant. Il se déplaçait uniquement sur ses pattes arrières en s'appuyant sur les serres du bout de ses ailes, ses pattes avant étant trop courtes pour atteindre le sol, comme celles des dinosaures d'autrefois, mais paraissant capable de saisir un objet comme les mains de n'importe quel humain. 

La chose déploya l'espèce de collerette qui devait servir de protection pour son cou mince et d'apparence fragile par rapport au reste et poussa un sifflement perçant, dardant une longue langue fourchue comme celle de la plupart des reptiles et dévoilant de grandes dents aiguisées et jaunâtres. Visiblement, il s'apprêtait à attaquer. Qu'avait dit Aristote, déjà ? Que les Faucheurs crachaient la foudre ? Dans ce cas, cela expliquait la lueur violette qui illuminait la gorge du monstre, laissant prévoir une attaque imminente. Quelles étaient leurs chances de survies face à une telle créature ? Amia estima qu'elles étaient proches du chiffre zéro, et recula encore d'une dizaine de pas tandis que le Faucheur s'avançait lentement, très lentement, en affichant un air menaçant.

-Qu'est-ce que tu sais d'autre sur les Faucheurs ? demanda Jackson d'un ton mal assuré en direction d'Aristote.

-Ils se déplacent à la vitesse de la lumière, leurs dents et leurs griffes sont presque aussi dangereuses que leur souffle électrique, leur peau écailleuse est brûlante au moment où ils crachent la foudre, ils ont un odorat, une vue et surtout une ouïe ultra développés et... et le moindre bruit les distrait ! s'exclama le jeune chronokinésiste avant de saisir quelque chose derrière lui, sur une table de six du réfectoire, pour le lancer aussitôt en direction du fond de la salle.

Amia vit distinctement l'objet non identifié passer tout près de son oreille en sifflant avant de heurter ne bruit dans un fracas de verre brisé ; il devait s'agir d'un vase, ou plus vraisemblablement d'une cruche abandonnée là après la pause déjeuné. En tout cas, la tentative de diversion fonctionna. Le Faucheur, intrigué et surpris, se retourna une dizaine de secondes, dizaine de secondes qui suffit au petit groupe pour filer en direction de la porte sous les encouragements de Jackson et les menaces de Thalia. 

-Prenons par les escaliers ! suggéra Aristote. Il aura du mal à prendre le virage et à nous suivre, peut-être même qu'ils sont trop étroits pour lui !

Tout le monde approuva à l'unanimité et entreprit de grimper les marches quatre à quatre tandis que le monstre, revenu de sa surprise, poussait un rugissement de fureur en voyant ses proies s'enfuir. Amia l'entendit nettement se lancer à leurs trousses, ce qui eut le don de la faire accélérer. De plus, elle sentit un délicat mais puissant souffle d'air la pousser en avant, ainsi que les autres, et en conclut que Jackson se servait de son pouvoir sur les vents pour les aider dans leur fuite. 

Les six amis s'arrêtèrent à peine sur le pallier du premier étage pour se reposer avant de reprendre leur course folle dans les escaliers en direction du deuxième étage cette fois. Bien trop proche d'eux à son goût, Amia perçut nettement le crissement des griffes du Faucheur qui dérapait en essayant de prendre le virage bien trop court pour un être de sa taille. Un craquement sec résonna dans tout le château, et la jeune fille en conclut qu'il avait dû heurter un meuble, voir un mur, avec sa queue, et le fracasser sur le coup.