Chapitre 23 (2/2)

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Lorsque je passai la porte de la salle d'entraînement, elle grinça et Aaron leva immédiatement les yeux vers moi. Il était torse nu, ses cheveux ébène étaient déjà en sueur et son jogging tombait sur ses hanches de manière indécente. J'eus toutes les peines du monde à détacher mes yeux de ses abdos. Ça ne devrait pas être légal d'avoir un corps comme le sien. Ses iris gris accrochèrent les miens et je me mordis sauvagement la lèvre pour me forcer à détourner le regard.

Ses deux épées étaient recouvertes d'un fluide noir semblable à de la fumée et il les faisait tournoyer devant lui dans une danse envoûtante. On aurait dit qu'elles n'étaient pas faites d'acier mais réellement d'une brume sombre.

— J'ai dit aux autres que vous pouviez prendre votre journée, lâcha-t-il en me voyant approcher sans cesser sa danse mortelle.

— Je n'avais pas envie de parler chiffons... rétorquai-je en saisissant ma propre arme sur le mur de l'armurerie.

Je commençais à apprécier cette arme. Si on oubliait que ses deux extrémités pouvaient aisément tuer quelqu'un, on aurait pu la comparer à un simple bâton. Un élégant bâton à la surface lisse et glacée, mais un bâton tout de même. J'aimais bien répéter les mouvements que Swann m'avait appris, ça me permettait de me vider la tête et de m'apaiser. Hormis bien sûr lorsqu'elle se trouvait avec moi et me mettait une raclée à chaque fois que ma position n'était pas correcte. Je la soupçonnai même de prendre un malin plaisir à me faire souffrir.

Je pris position à ma place habituelle, c'est-à-dire le plus loin possible d'Aaron, et vis du coin de l'œil qu'il s'immobilisa pour me regarder. Il fallait que je l'ignore. J'étais là pour me vider l'esprit, pas pour qu'il me mette les nerfs en pelote. J'ôtai mon sweat et le balançai sur le côté puis fermai les yeux pour me concentrer. Je tentai d'enchaîner les mouvements de Swann avec rigueur, mais très vite le regard d'Aaron commença à me peser et mon sang s'échauffa. Il était comme ces mouches qui vous harcèlent, vrombissant à vos oreilles sans répit. Si au moins il me parlait ! Je pourrais peut-être tolérer son regard, mais il se contentait de me fixer en silence. Au bout d'une éternité, une dizaine de minutes tout au plus, je ne tins plus et frappai un grand coup mon arme sur le sol en me tournant vers lui.

— Regarde ailleurs ! grondai-je tandis que ma lame s'enfonçait comme dans du beurre dans le sol en béton.

Stupéfaite, j'en oubliai presque Aaron et fixai mon arme sans trop comprendre comment j'avais fait une chose pareille. Des étincelles bleues dansaient autour du manche, s'entortillant autour comme du lierre à un arbre et les deux lames des extrémités luisaient d'une douce lumière bleutée.

— Pas mal, commenta Aaron en ramassant son T-shirt avant de s'approcher de moi.

Il l'enfila rapidement, cachant à ma vue le spectacle de son corps. Pour un peu et je m'en serais plainte. Au lieu de quoi, je remontai rapidement mes yeux vers les siens dans l'espoir qu'il ne voit pas que j'étais en train de le reluquer. Il ne souriait pas, ce qui était plutôt bon signe. Il n'aurait pas pu s'en empêcher s'il m'avait vu faire. Il tendit sa main vers mon arme. Ne sachant pas trop quoi faire, je la lâchai et le laissai la déloger du sol. Mon énergie fut rapidement remplacée par celle plus sombre d'Aaron. En une fraction de seconde, la foudre fut remplacée par les ombres et il transforma mon arme en une lame fantomatique. Puis il me tendit ses deux épées. Devant mon hésitation, il insista d'un signe de tête pour que les prenne.

Je m'attendais presque à ce que la fumée noire qui entourait la garde des épées ne me pompe d'elle-même mon énergie, mais elles n'étaient plus en contact avec Aaron et ne me causèrent aucun dommage. A moins que ça ne soit parce que je n'avais aucune plaie dans laquelle s'insinuer ? La sensation était étrange, on aurait dit que la poignée de ces armes était gluante, comme recouverte de miel ou de je ne sais quelle autre substance visqueuse. Elle était également gelée, si bien que je sentis mes doigts s'engourdir rapidement à son contact.

Aloys (Tome 1) : lightning and shadowWhere stories live. Discover now