Selena - Les Lunes Jumelles

LXXVI. Une Constitution « Fragile »

Pourtant, personne ne sembla étonné dans l'assemblée lorsque Nikolas, comme si rien ne s'était passé, récita avec le plus grand naturel :

- À trop l'r'garder on plonge dans...l'obscurité. À... lui tourner l'dos on... fait face à son ombre. C'est c'la Kafée ?

-Oui, concordai-je et à la juge, je lui transmets maintenant une émotion.

Ça, c'était le plus dur. Et de loin.

-Chokola, tu me décriras ce que tu reçois. Normalement, ce devrait être différent de tout ce que vous avez pu faire jusqu'à aujourd'hui.

Elle avait pensé à tout ! Je ne pourrai pas simplement dire l'émotion que je veux transmettre à Nikolas. Je me concentrai, et fermai les yeux.

Quel sentiment choisir ? Un simple. Un que j'ai déjà vécu. La tristesse.

Je pensai alors à ma mère, à mon père, à mon oncle Kern ; à la douleur ressentie de part leur départ, le vide dans mon cœur, le poids de leur absence, la sensation d'abandon... et projetai tout ça à Nikolas.

Il tomba par terre. Littéralement.

Je franchis en courant les quelques mètres qui nous séparaient et lui saisit vigoureusement le bras, lui injectant télékinésistement de l'énergie au passage.

Il se releva et madame Sandor sourit en lui demandant, avec un air presque...carnivore :

-Alors ? Qu'as-tu-vu ?

-Rien. (et se désignant)J'suis désolé, c'est l'stress, et j'suis de constitution fragile alors, v'là...

Nikolas de constitution fragile. Quel magnifique oxymore il venait de nous inventer.

Clap. Clap. Clap.

Il eut des ricanements dans l'assistance : moqueurs pour certains, et attendris pour d'autres.

Madame Sandor réclama le silence, et quand il se fut, elle fit tomber le verdict.

-Chokola Stulte 5/10, Kafée Falsi 2/10...

Je n'avais pas la moyenne.

-...Reçus.

A ces mots, je vis tous les élèves applaudir chaudement. Tous, sauf une fille, aux cheveux marron coupés courts, qui me regardait d'un œil dépréciateur.