Chapitre 14 - Un travail

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Les volets électriques du somptueux appartement parisien s'ouvrent lentement. Comme un rayon de la mort qui brûle tout sur son passage, le soleil envahit petit à petit la chambre aux courbes fines et modernes.
Jules n'arrive même pas à ouvrir les yeux tellement la lumière est aveuglante et il dissimule rapidement son visage sous l'oreiller. À l'intérieur de son crâne, son cerveau est comme en ébullition tant son mal de tête est incessant.

Oh non... ronchonne-t-il le visage aplatit contre le matelas.

Une main vient arracher subitement la grosse couette pour la projeter au sol.

Bien décuver ? Allez, lève toi ! s'exclame Louisa droite comme un piquet.

Jules, complètement nu, se frotte le visage pour se reconnecter à la réalité et part rejoindre la cuisine du loft.

Sympa ton nouvel appart, dit-il en se servant une tasse de café.
Qu'est ce qui s'est passé hier soir ?! Et pour l'amour de Dieu, va mettre un pantalon !

Jules ne prend même pas la peine de répondre et se contente de siroter bruyamment son café.

T'es qui ? Ma mère ? rétorque-t-il sur le ton de la provocation.
Commence pas ce petit jeu là Jules ! C'est pas le moment ! T'es au courant que tes conneries ne te concernent plus seulement toi mais d'autres personnes ?!
—Ah oui, tes pauvres petits copains trafiquants de drogue... D'ailleurs tu les remercieras d'avoir graissé la patte à ces valeureux policiers !
—Exactement ! Ces mêmes personnes qui me permettent aussi de te verser des dizaines de milliers d'euros chaque mois sur ton compte en banque !
—T'es pourri par l'argent ma sœur...

Excédé par ces cris de bon matin, Jules part s'asseoir sur la banquette en cuir face aux grandes fenêtres ouvertes sur Paris. Le soleil, très désagréable pour une bonne gueule de bois, lui frappe le visage. Mais Jules reste assit, le regard vague et attend patiemment de se faire passer un savon. À sa grande surprise, Louisa ne se remet pas à hurler comme une hystérique et vient s'asseoir à ses côtés.

Jules... Qu'est ce qui nous arrive ..? demande-t-elle les yeux emplis de larmes. Qu'est ce qui a changé entre nous deux ..?
—Ta cavale Louisa. Ta cavale a tout changé. Tu m'as abandonné sans aucune protection, tu as fait la morte pendant des mois entiers, et tu n'as aucune idée de ce j'ai enduré ainsi que maman. Aucune putain d'idée...
—Si, je le sais Jules... C'est pour ça que je fais tout pour obtenir ma vengeance ! Plus personne ne nous fera de mal. Les Balaz ont eu ce qu'ils méritaient mais aujourd'hui je dois...
—Arrête un peu ! Ta vengeance ne changera pas le passé ! D'ailleurs, tu as pris des nouvelles de maman depuis ton retour sur Paris ?!

Le visage de Louisa se renferme.

Évidemment que non, reprend Jules. T'en as plus rien à foutre de toute façon !
—Ne dit pas ça ! C'est elle qui refuse de me parler ! Je lui ai envoyé une dizaine de messages avec des mots que je ne penserai jamais employé !
—Pose toi les bonnes questions alors ! Ma propre vie est en miettes Louisa ! Je n'ai plus d'ami, moi aussi je n'ai pas adresser un mot à maman depuis des mois et je vis dans un magnifique appartement mais complètement seul alors que j'ai a peine 16 ans ! À chaque fois que je sors dans la rue, j'ai l'impression que trois agents des services secrets sont derrières moi prêts à me sauter dessus à la moindre occasion ! Je suis seul mais sans jamais vraiment l'être...
—Jules...
—Alors ma solution c'est de repousser mes limites en conduisant des foutus Ferrari. Le plus drôle c'est que j'ai même pas le permis mais quand je débarque avec une liasse de billets généreusement donnée par ma sœur, plus personne ne respecte aucune règle ! Au moins ils auront une bonne raison de m'arrêter ! Et si je crève qui s'en souciera ? Le monde continuera de tourner et tu seras enfin tranquille pour diriger ton foutu cartel de drogue !
—Arrête de dire de telles choses ! Ma vie serait détruite et je n'imagine pas un instant respirer l'air de cette Terre sans toi à mes côtés ! ALLOS passera toujours après toi ! scande Louisa en prenant sa main. Toujours !

Jules reste impassible, le regard fixé dans le vide.

Justement Louisa, je veux que ma vie sur cette Terre serve à quelque chose.
—Qu'est ce tu veux alors ?! Dit moi !
—Un travail. Engage moi Louisa, intègre moi à l'équipe d'ALLOS. Je pourrai être votre chauffeur ou celui qui écoute derrière les portes !
—C'est hors de question Jules, tu m'entends ?! Hors de question !
—Pourquoi ?!
—C'est trop dangereux ! J'ai failli mourir plusieurs fois et jamais je me pardonnerai d'avoir ta mort sur la conscience ! C'est non !
—Mais je peux aider à...
—C'est non ! rugie Louisa en se relevant.

Un long silence s'installe.
Jules se lève subitement et part en direction de la chambre.

Qu'est ce tu vas faire ?!
À ton avis ? Absolument rien du tout. Je vais me recoucher.

Jules disparaît tandis que le téléphone de Louisa retentit.
Un appel d'Hélène s'affiche sur l'écran.

C'est moi. On vient te chercher avec André. Julien a obtenu des informations sur Oléana Thörsen et cela pourrait fortement nous aider. Sois prête dans dix minutes.
—J'ai pas vraiment le temps, je suis en train de discuter avec Jules...
—Sois prête dans dix minutes, coupe froidement Hélène.
Très bien... souffle Louisa.

Louisa raccroche, énervée de ne pas pouvoir finir la conversation avec son frère, et s'avance devant les baies vitrées du loft. Devant elle, la capitale parisienne est en effervescence et profite du soleil revenu après une forte pluie matinale. Songeuse, ses mains se resserrent autour de son téléphone et comme foudroyée par le courage, elle déverrouille son écran pour écrire un message :

« Maman, je suis sur Paris. On peux se voir s'il te plait ? Je t'aime. Ne l'oublie jamais. »

À LA TÊTE DU CARTEL : IIWhere stories live. Discover now